Le Spleen de Paris
Publié le 11/09/2006
Extrait du document
Charles Baudelaire est né en 1821 et mort en 1867 à Paris. C'est l'un des plus grands poètes français du XIX° siècle qui a définit les principes créateurs de la poésie moderne, du symbolisme au surréalisme. Après les Fleurs du mal, le recueil le Spleen de Paris, qui est le 4ème volume des œuvres complètes de Baudelaire, représente la dernière tentative de Baudelaire pour accéder à une écriture libre et poétique, pour parvenir à son rêve esthétique, la rencontre magique de l'insolite et du quotidien. Le Spleen de Paris, qui a été publié en 1869, est composé de petits poèmes écrits en prose. Quant à son titre, le Spleen définit un ennui que rien ne paraît justifier, une neurasthénie qui suggère un état dépressif caractérisé par une grande fatigue accompagnée de mélancolie. La personne est alors d'une humeur noire. Nous nous sommes donc intéressés en profondeur à ce recueil. Nous avons d’abord étudié ses caractéristiques, puis ce qui a poussé Baudelaire à l'écrire et enfin l'interprétation que l'on peut en faire.
I - Caractéristiques du recueil
1) Les thèmes
Ils sont nombreux dans un recueil aussi complet. Si on les regroupe, on obtient ainsi 5 idées principales.
a. L'évasion : on y retrouve le rêve, le voyage, l'ivresse, parfois la solitude. Baudelaire émet l'hypothèse que dans une grande ville, on est sans cesse en compagnie de gens, il arrive que l'on ait besoin de s’évader, de se retrouver seul. Pour lui, l'écriture est un moyen de s'enfermer dans son propre monde, de se retrouver en accord avec soi même, de remédier au spleen.
b. Les femmes : plus de la moitié du recueil traite de ce sujet, ce qui prouve son importance dans la poésie de Baudelaire. Il est fasciné par la femme, qui est parfois un refuge, une consolation pour lui, même s'il ne la considère pas comme idéale. En effet, il nous transmet tantôt une image négative, tantôt une image positive de cette dernière.
c. Les pauvres : Baudelaire éprouve deux sentiments bien distincts à leur égard. La plupart du temps, il est sincèrement peiné, compatissant à leur souffrance et même coupable d'avoir une vie plus agréable qu'eux. Pourtant, il est parfois cynique de manière dérangeante et peut se montrer méprisant envers cette catégorie de la population parisienne.
d. La foule et la ville : Le Spleen de Paris, comme son nom le suggère, est fondé sur la ville et ses habitants, voilà pourquoi ce sujet revient souvent. Par ailleurs, même s'il souhaitait parfois s'isoler, Baudelaire était très attaché à la capitale. Mais, en faire une source d'inspiration principale ne veut pas dire faire un éloge. En effet, la vision de la ville est souvent péjorative, et la foule est décrite comme hypocrite, lâche et mesquine.
e. Le temps. Il est l'ennemi de l'homme. L'auteur le personnifie, en lui attribuant constamment une majuscule, en un dictateur cruel et sans scrupule, qui fait de l'humanité son esclave.
2) Les registres
Dans son Spleen de Paris, Baudelaire mêle ne nombreux registres, nous n'avons par conséquent retenu que les principaux. Il y a d'abord le registre lyrique, qui est majoritaire dans ce receuil. La plupart des poèmes sont en effet écrits à la première personne du singulier et expriment les sentiments, les pensées de l'auteur. Ainsi, dans le "Confiteor de l'artiste", par exemple, nous retrouvons beaucoup de marque de première personne comme les pronoms "moi" et "je", des interjections comme "Ah" associées à de la ponctuation expressive. Nous avons aussi le registre pathétique, dans les poèmes qui traitent des pauvres, des mal aimés, des rejetés. Baudelaire cherche à susciter notre pitié en décrivant cette classe de la population. Dans "Le vieux saltimbanque", il nous décrit ce vieillard comme "voûté, caduc, décrépit, une ruine d'homme". Les termes "misère" et "haillons" lui sont associés. Ce registre pathétique est donc présent pour que l'on éprouve de la peine devant la population malheureuse et délaissée qu'il met en avant dans certains poèmes. Enfin, on peut rencontrer le registre tragique, qui transmet la fatalité de l'homme qui se sent piégé, emprisonné devant des réalités qui le dépassent. Il illustre dans un poème intitulé "La Chambre Double" la force du temps devant laquelle les hommes ne peuvent rien faire. Nous avons donc des expressions comme "le temps a disparu" ou encore "les secondes [...], en jaillissant de la pendule" où l'auteur emploie le verbe "jaillir", montrant l'incroyable vitesse de la course effrénée du temps.
Nous pouvons également citer d'autres registres comme le narratif dans des poèmes que l'on peut presque apparenter à des nouvelles comme "Chacun sa chimère", qui contient un schéma narratif complet. Il y a le registre descriptif, tout de même moins présent, qui sert dans les œuvres décrivant un endroit comme "Le port" ou une personne comme "La belle Dorothée". Le registre didactique est utilisé dans des récits allégoriques contenant une morale, le registre épidictique dans ceux créés pour faire un éloge ou un blâme, et le registre satirique car nous retrouvons des satires dans beaucoup de poèmes.
3) Forme des poèmes
Baudelaire s'est servit de la prose pour affirmer sa modernité et imposer son style. Il s'est donc servit de tous les outils de la langue française pour créer sa "prose poétique". En abandonnant les contraintes traditionnelles qui sont le vers, le mètre, il s'offre une grande liberté pour aborder les différents thèmes qui constituent son recueil. Malgré tout, la prose obéit à des règles qui sont facilement modulables : il faut que la forme soit brève, que le titre du poème évoque de préférence le sujet dominant, que le texte soit structuré en paragraphes logiquement articulés... La musicalité propre à la poésie est alors retransmise dans la ponctuation, le rythme des phrases ou encore les figures syntaxiques. Ainsi, la prose baudelairienne va devenir un genre incontournable dans les décennies qui vont suivre la publication de ce recueil.
Néanmoins, le dernier poème du recueil, "Epilogue", se trouve être en vers. La seule explication que nous pourrions donner sur cette anomalie est que cette œuvre a été écrite par Baudelaire, mais n'était pas sensée figurer dans "Le Spleen De Paris".
II – Les motivations de Baudelaire
1) Influence
S’il n’est pas le créateur du genre, c’est Baudelaire qui a illustré de la façon la plus forte la poésie en prose avec son recueil des Petits Poèmes en Prose. Il explique dans une préface en forme de lettre à son confrère Arsène Houssaye les buts qu’il a poursuivis, tout en affichant sa dette envers son prédécesseur, Aloysius Bertrand. Ce poète français a créé le genre du poème en prose avec Gaspard de la nuit, recueil composé en 1835. Il a été la source d’inspiration principale de Baudelaire qui s’est appuyé sur sa prose poétique et musicale.
« J’ai une petite confession à vous faire. C’est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit, d’Aloysius Bertrand (un livre connu de vous, de moi, de quelques-uns de nos amis, n’a-t-il pas tous les droits à être appelé fameux ?) que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque. «
C’est donc à la mort d’Aloysius Bertrand que Baudelaire lui rendra hommage et se déclarera comme son héritier, s’attachant à créer une nouvelle poésie, qui ne soit pas pour autant des poèmes codifiés et identifiables comme tels.
2) Désirs et choix
a- Prose
Après avoir publié en 1857 le recueil des Fleurs du Mal, qui s’est révélé être la déclaration d’un nouveau genre de littérature où le poète s’attache à déceler dans des choses réelles un mouvement poétique et une image de beauté, Baudelaire cherche à approfondir encore la nouvelle écriture dont il est maître dans le Spleen de Paris.
« Je suis assez content de mon Spleen, écrit le poète. En somme, c’est encore les Fleurs du Mal, mais avec beaucoup plus de liberté et de détail, et de raillerie. «
C’est à travers la prose que le poète va alors s’exprimer, puisant dans les ressources du langage les éléments nécessaires pour faire d’un texte en prose un texte poétique. Comme il le dit lui même, il a cherché à créer une « prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme. «
Il retranscrit ainsi la beauté et l’éclat des banalités qui l’entourent, comme le « joujou du pauvre «, les « fenêtres « ou un « gâteau «.
b- Structure
En rédigeant les Fleurs du Mal, Baudelaire a cherché à donner une unité à son œuvre, pour qu’elle possède un commencement et une fin. A l’inverse, les Petits Poèmes en Prose n’obéissent pas à une rigueur architecturale : paru à titre posthume deux ans après sa mort, le recueil possède une structure particulière qui ne semble pas pour autant celle que désirait l’auteur. Celui-ci a rédigé un sommaire qui ne serait qu’une ébauche, puisqu’il se terminait par « autres classes à trouver «, et laissait donc entrevoir l’idée d’un classement non définitif. Il se composait alors de trois parties : « Choses parisiennes «, « onéirocritée « (récit de rêves et de cauchemars) et « symboles et moralités «. Les éditeurs ont choisi arbitrairement l’ordre de parution des poèmes dans les différentes revues dans lesquelles les poèmes étaient publiés entre 1855 et 1867.
La question de la structure ne semble pourtant pas essentielle : on remarque en effet que dans sa dédicace à Arsène Houssaye, Baudelaire donne des consignes de lecture et que l’absence d’ordre est volontaire. Il soutient que son recueil peut se lire dans n’importe quel ordre : le premier poème peut devenir le dernier, le lecteur peut ne pas lire un poème ou interrompre sa lecture quand il veut sans pour autant porter atteinte à l’intégrité du recueil car chaque poème est autonome et peut exister sans être rattaché aux autres.
Baudelaire met ainsi en avant le lecteur qui peut lire au gré de ses désirs et de son plaisir, il est libre de créer l’ordre qu’il veut. En ne faisant pas de la linéarité une contrainte de lecture, le poète met en évidence le souci de liberté qui préside dans le Spleen.
c- Titre
Le titre initialement prévu par Baudelaire en 1861était Poèmes nocturnes, en hommage sans doute au Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand. Petits Poèmes en Prose apparaît pour la première fois en 1862 lors de la publication de quelques poèmes comme « L’Etranger « ou « Le Gâteau «. En 1864, 5 poèmes sont publiés dans le Figaro sous le titre Le Spleen de Paris. Le dernier titre envisagé, Petits poèmes lycanthropes, met l’accent sur le mal-être profond du poète et sur son rejet de la vie en société : la lycanthropie signifie en effet une forme aigüe de mélancolie et désigne aussi le comportement « sauvage « de l’Homme.
D’autres titres tels Le promeneur solitaire ou Le rôdeur parisien ont été envisagés par Baudelaire, mais aucun poème n’a été publié sous ce titre. C’est finalement Le Spleen de Paris qui a été retenu par l’auteur, informant sur la source de l’inspiration poétique.
III – Significations
1) Le sens des titres
Les titres des différents poèmes du recueil nous informent sur les sources d’inspiration du poète, qui sont nombreuses.
Ils traitent de lieux (« Le port «), d’animaux (« Le chien et le flacon «), de circonstances (« L’invitation au voyage «), d’objets (« Le miroir «), de moments (« Le crépuscule du soir «) et surtout des êtres humains, hommes, femmes, enfants, vieux, beaux, laids, pauvres, étrangers, artistes…
Baudelaire propose donc ici une représentation de l’humanité à travers toutes les catégories sociales, économiques, professionnelles et culturelles. Le recueil apparaît comme une fresque du paysage humain à Paris dans la deuxième moitié du XIXème siècle.
On peut noter également l’absence du poète tout au long du recueil : les titres attestent que le « moi « n’est pas au centre de l’œuvre. Les Petits poèmes en prose résultent du regard du poète sur le monde et sur la société de son époque, et c’est un des aspects particuliers de ce recueil qui diffère des Fleurs du Mal. Baudelaire dit moins son désespoir que celui des autres, il devient en quelque sorte le porte-parole des souffrances d’autrui.
2) Un portrait du poète
Si la présence de Baudelaire n’est pas clairement explicitée dans le recueil, elle transparait quand même dans certains poèmes. Ceux-ci permettent en effet de montrer certains aspects du poète et dressent son portrait moral.
On peut donc voir le poète comme celui qui est attiré par les infinis de la pensée et de la rêverie, mais qui craint que sa création ne soit pas bonne (« Le confiteor de l’artiste «), celui qui est incompris du public (« Le chien et le flacon «), celui qui peine à transformer la laideur du quotidien en art (« Le mauvais vitrier «), celui qui recherche la solitude et la quiétude du soir pour pouvoir se retrouver face à lui-même (« Le crépuscule du soir «, « La solitude «), celui qui peut devenir autre et lui-même à la fois (« Les foules «), un être double, à la fois artiste et homme, qui connaît une destinée particulière.
La solitude et les ténèbres permettent à Baudelaire la création artistique. La nuit est le moment privilégié du poète qui lui rend hommage dans « Le Crépuscule du soir « et en profite pour s’éloigner des hommes et de la ville.
L’art est pour l’artiste le seul moyen d’être en harmonie avec lui-même, c’est par sa création qu’il atteint le plus profond de son être sans être corrompu par le monde extérieur ; c’est l’art qui le différencie des autres hommes, qui le fait exister, même si ces hommes ne le reconnaissent pas en tant qu’artiste, et qu’il reste en conflit avec son désir de perfection et d’idéal que ne lui accorde pas son inspiration.
Les poèmes dévoilent donc un aperçu de l’esprit du poète, de son aspiration et de ses peurs. A travers le regard qu’il tourne vers le monde et les autres, Baudelaire se livre tout de même à une forme d’introspection qui apporte un intérêt supplémentaire au recueil.
En rédigeant ce recueil de poèmes en prose, Baudelaire propose une littérature libre et novatrice. C’est en observant le cadre parisien et le comportement des hommes qu’il se fait intermédiaire entre le monde réel et la poésie. Il juge l’Homme de manière lunatique : il plaint les pauvres et les malheureux mais critique souvent le comportement et les actes humains. C’est à travers cette description de l’humanité qu’il exprime son « Spleen «, cette mélancolie qui donne le ton à son œuvre. Cette manière de faire passer à travers la prose une vision de ce qui l’entoure a révolutionné les canons de la poésie. Encore aujourd’hui, le Spleen de Paris incarne un modèle pour les auteurs de poésie en prose.
«
1.
Dépit du poète face au Plaisir des autres
Vers 5, 6 et 7 sont consacrés à l'évocation de la foule en quête de Plaisir.Volonté de se différencier des autres en les nommant "les mortels".Personnification du Plaisir avec la majuscule.Antithèse entre Plaisir et bourreau : cela marque la non compréhension par Baudelaire de l'envie de se procurer du Plaisir.Pour Baudelaire, il n'y a pas de raison d'avoir du plaisir puisqu'il mourra : le Spleen l'a entièrement envahi.Consternation de Baudelaire face à ceux qui se laissent avoir par le jeu du Plaisir.Présentation péjorative des hommes : dénonciation de la difficulté pour le genre humain à résister au Plaisir, et enfin dénonciationde leur inconscience face à la mort.2.
La description du Plaisir
L'antithèse entre "Plaisir" et "bourreau" montre la définition du mot Plaisir que se fait Baudelaire.Le champ lexical du deuxième quatrain est celui de la souffrance.Sa vie antérieure est implicitement décrite (la débauche, la drogue...).La référence au fouet fait référence au caractère bestial du Plaisir.Sentiment immédiat de faute et de culpabilité (vers 7).Envie pour Baudelaire de s'éloigner des personnes qui s'adonnent au Plaisir : ceci est marqué par un rejet au début du premiertercet.III) Le passé avant la mort
1.
Le passé
Le premier tercet fait allusion au passé de Baudelaire : personnification des années.Le champ lexical est celui de la vieillesse et du mauvais goût.Certains adjectifs sont là pour rappeler à Baudelaire qu'il a fait son temps dans ce Monde.Mise en valeur du regret (vers 11) : métaphore "du plus profond des eaux" pour parler de l'esprit de Baudelaire.
Non seulement ilresurgit mais il lui sourit.Le regret pourrait donc être le Spleen fier de l'avoir emporté sur Baudelaire.Les allitérations en [r] (vers 11) montrent la dureté du Spleen et du mal qu'il lui cause.2.
Son voyage vers la mort
Champ lexical de la mort amorcé dès le vers 9.Rappel de la correspondance au vers 13 entre la nuit et la mort.Baudelaire souhaite que ce moment soit solennel et il fait savoir en imposant une lenteur perceptible : les verbes "s'endormir,traînant" y contribuent.Accentuation de cette solennité avec les alexandrins binaires et la diérèse sur Orient.Les allitérations en [l] provoquent une sonorité douce et entraînante.Conclusion :
Baudelaire a choisi d'évoquer son angoisse, sa souffrance, sur un mode bien différent des poèmes consacrés au Spleen.
Lasolitude et la vieillesse, avec son cortège de souvenirs pathétiques en elles-mêmes, sont ici adoucies, transfigurées par le pouvoirlibérateur du crépuscule et du souvenir.
Loin d'accentuer la douleur, ces souvenirs et ces sensations l'apaisent..
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