Le Serpent Qui Danse - Baudelaire
Publié le 05/12/2010
Extrait du document
Lecture méthodique
I. Eloge d'une femme aimée qui invite à la rêverie
A. une déclaration d'amour
1. L'énonciation (qui parle à qui)
Dans le poème, le «je« s'adresse à un «tu«. Le « je « est le poète et le « tu « est Jeanne Duval, Charles Baudelaire s'adresse donc directement à elle et le tutoiement indique une intimité. Il y a donc une proximité dans le vécu mais aussi une proximité spatiale.
2. Le registre lyrique
Le poème a un lexique affectif important : « chère indolente «... qui montre une intensité amoureuse. Emerveillement du poète, qui est renforcé par des intensifs : « si beau «. Les sentiments sont exprimés à travers une ponctuation expressive, les strophes 1 et 9 se terminent par des points d'exclamation. Le lyrisme est très clair, c'est une véritable déclaration amoureuse.
B. L'éloge du corps aimé
1. L'importance du champ lexical du corps
Strophe 1 : vision globale du corps
Strophe 2 : chevelure, symbole de la féminité
Strophe 3 : retour sur le poète
Strophe 4 : les yeux
Strophe 5 : démarche gestuelle, strophe centrale faisant écho au titre
Strophe 6 : tête
Strophe 7 : à nouveau vision globale
Strophe 8 : la bouche
Strophe 9 : retour sur le poète
Le regard du poète se déplace sur le corps de Jeanne avec un glissement du général au particulier puis de nouveau au général. On peut rapprocher ce poème de la technique du blason, mais ici Baudelaire fait l'éloge de plusieurs parties du corps.
2. Eloge d'une démarche
Le poète semble fasciné par les poses et la démarche de Jeanne: vers 1 « chère indolente « où l'on a l'impression d'une pause lascive et strophe 5 « à te voir marcher en cadence « où l'on peut percevoir les ondulations de Jeanne. Cette démarche est renforcée par l'hétérométrie du poème, il y a une alternance d'octosyllabes et de pentasyllabes (8-5). Le poème ondule donc comme Jeanne et l'image du serpent vient aussi renforcer métaphoriquement l'image de l'ondulation.
C. La rêverie du poète
1. Un rêve exotique
Jeanne invite aux rêves parce qu'elle incarne l'ailleurs, pour Baudelaire l'idéal absolu. Elle est métisse et pour parler d'elle Baudelaire emploie des références exotiques : « âcres parfum « « le serpent « « l'éléphant «. Tout ces éléments donne l'impression qu'elle est un ailleurs, elle invite le poète à un voyage des sens, tout ses sens sont sollicités : « que j'aime voir « « âcres parfum « « vin de bohême « « chevelure profonde « « glacier grondant «.
2. Le voyage du poète
Le poème est traversé par une métaphore filée de la mer et des liquides qui connote l'évasion, le voyage. Grâce à Jeanne, le poète s'évade: « Comme un navire qui s'éveille au vent du matin «. La destination est indéfinie.
Dans ce poème lyrique où le poète fait un hymne à la femme aimée, on peut déceler un érotisme trouble.
II. Un poème teinté d'érotisme qui montre le pouvoir de la femme
A. La progression érotique du poème
1. Le rapprochement physique entre Jeanne et le poète
On note une progression entre le début et la fin du poème. Dans la strophe 1, il y a une distance physique. Le premier signe de l'érotisme est dans la nudité de Jeanne, sous entendu dans la « peau miroite «.
Strophe 5 : il y a un déplacement de Jeanne vers le poète, la marche semble très sensuelle « A te voir marcher en cadence «.
Strophe 7 : changement de position, Jeanne s'allonge, la pose devient lascive. Elle semble s'offrir aux désirs du poète
Strophe 8 et 9 : rapprochement physique entre les 2 amants à travers un baiser ou plus. Union du je avec le tu. Rapprochement entre le début et la fin du poème.
2. De nombreux sous-entendus sexuels
Il y a une autre lecture possible et ce grâce au décryptage des sous-entendus : l'expression « chevelure profonde « peut faire référence à l'intimité féminine, le bâton dans sa verticalité peut faire référence aux désirs du poète, il n'est pas impossible que la strophe 6 contienne une référence sexuelle avec « la tête qui balance «, « ses vergues dans l'eau « proximité sonore avec le mot verge. Quant à la dernière strophe, elle consacre l'union des amants, on est là dans un orgasme marqué par l'exclamation et l'expression « ciel liquide «, et le mot étoile montre que le poète atteint le septième ciel.
B. Jeanne, une femme marquée par l'ambivalence
1. Une femme inatteignable
Jeanne est double, elle est à la fois passive et active. Passive lorsqu'elle s'allonge et active lorsqu'elle marche en cadence. Elle est femme et enfant : femme car elle est a l'aise dans sa sensualité, provocante, et enfant au vers 24 (« tête d'enfant «).
C'est ce caractère double qui charme le poète puisqu’elle est la réunion des contraires.
2. Une femme difficile à comprendre
Jeanne se donne sans se donner «Ses yeux où rien ne se révèle«. Elle garde tout son mystère. Strophe 4, les antithèses doux/amer, or/fer soulignent à nouveau les ambivalences de Jeanne.
On dit souvent que les yeux sont le miroir de l'âme, or ici rien ne se révèle. Le poète ne peut atteindre l'âme de Jeanne. Il peut avoir son corps mais pas son âme.
C. La situation du poète
1. Le poète enivré
On peut parler d'ivresse amoureuse. Le poète est sous le charme de cette femme ambivalente mais il devient dépendant d'elle. Sa salive est assimilée à « un vin de bohème «. Il y a donc l'idée d'une drogue transmise par le baiser de Jeanne
2. Le poète hypnotisé
La danse de Jeanne hypnotise le poète. Jeanne est assimilée par métaphore à un serpent qui danse, cette animalisation est très symbolique : le serpent est associé dans la religion à l'animal tentateur et maléfique. Il symbolise le mal, ce n'est pas innocent d'y associer Jeanne, elle incite aux péchés. On retrouve ici le plaisir associé au danger.
Conclusion
Dans Le Serpent qui danse, poème lyrique et érotique, Charles Baudelaire donne de Jeanne une image très ambivalente : c'est une femme qui se donne et se refuse, c'est une femme sensuelle et une enfant, elle apporte le plaisir et le danger. Jeanne Duval est finalement une véritable fleur du mal.
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