Le savoir sur la sexualité est-il une forme de censure ?
Publié le 07/03/2004
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Cette morale du renoncement, la seule qu'on ait enseignée jusqu'ici,
trahit la volonté de mourir, elle nie la vie dans ses racines les plus
profondes. Il nous reste une seule possibilité : que ce ne soit pas
l'humanité qui soit en dégénérescence, mais seulement cette race
parasite des prêtres qui s'est élevée par ses mensonges au rang
d'arbitre des valeurs et qui a trouvé dans la morale chrétienne
l'instrument de son ascension... car je suis bien d'avis que tous les
maîtres et les meneurs de l'humanité, tous théologiens les uns comme les
autres, étaient tous aussi décadents. C'est ce qui explique qu'ils aient
détrôné les vraies valeurs pour les remplacer par des valeurs de mort,
c'est ce qui explique la morale... Définition de la morale : une
idiosyncrasie de décadents guidés par l'intention cachée de se venger de
la vie, intention d'ailleurs couronnée de succès. J'attache de
l'importance à cette définition.
Michel Foucault,
Histoire de la
sexualité, tome I : La volonté de savoir (l'ensemble de l'Histoire
de la sexualité de Foucault est une référence essentielle pour ce
sujet)
Il s'agit de déterminer, dans son
fonctionnement et dans ses raisons d'être, le régime de
pouvoir-savoir-plaisir qui soutient chez nous le discours sur la
sexualité humaine. De là le fait que le point essentiel (en première
instance du moins) n'est pas tellement de savoir si au sexe on dit oui
ou non, si on formule des interdits ou des permissions, si on affirme
son importance ou si on nie ses effets, si on châtie ou non les mots
dont on se sert pour le désigner ; mais de prendre en considération le
fait qu'on en parle, ceux qui en parlent, les lieux et les points de vue
d'où on en parle, les institutions qui incitent à en parler, qui
emmagasinent et diffusent ce qu'on en dit, bref, le « fait discursif »
global, la « mise en discours » du sexe. De là aussi le fait que le
point important sera de savoir sous quelles formes, à travers quels
canaux, en se glissant le long de quels discours le pouvoir parvient
jusqu'aux conduites les plus ténues et les plus individuelles, quels
chemins lui permettent d'atteindre les formes rares ou à peine
perceptibles du désir, comment il pénètre et contrôle le plaisir
quotidien - tout ceci avec des effets qui peuvent être de refus, de
barrage, de disqualification, mais aussi d'incitation,
d'intensification, bref les « techniques polymorphes du pouvoir ». De là
enfin le fait que le point important ne sera pas de déterminer si ces
productions discursives et ces effets de pouvoir conduisent à formuler
la vérité du sexe, ou des mensonges au contraire destinés à l'occulter,
mais de dégager la « volonté de savoir » qui leur sert à la fois de
support et d'instrument.
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