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Le roman divertit, c'est là sa fonction traditionnelle. De plus, il informe. Enfin, il peut témoigner d'une prise de position et d'une réflexion critique de la part de son auteur sur l'homme et la société de l'époque. Vous envisagerez successivement ces trois fonctions du roman et les développerez à l'aide de Bel-Ami de Maupassant.

Publié le 05/12/2010

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maupassant

Le roman, œuvre de fiction souvent longue, acquit ses lettres de noblesse dès le début du XIXème siècle. Avant, il était considéré comme un genre mineur de la littérature. C'est en partie grâce à d'illustres romanciers tels Balzac, Flaubert ou encore Stendhal que ce genre s'est peu à peu imposé comme le genre littéraire par excellence, et ce encore de nos jours. Le roman, comme tout art, a plusieurs fonctions : il est d'abord là pour divertir, c'est-à-dire nous distraire en nous éloignant du réel, en nous permettant d'échapper à notre quotidien, De plus, il peut aussi nous informer. Enfin, il fait passer des idées pour nous faire réagir. Nous nous attacherons à démontrer successivement ces trois points grâce au roman Bel-Ami de Maupassant, grand écrivain naturaliste de la fin du XIXème siècle, employé en qualité de reporter de 1883 à 1890 par des journaux comme le Figaro, le Gaulois, ou encore le Gil Blas.

 

Pour les romanciers, divertir le lecteur est un des objectifs premiers du roman. Pour cela, beaucoup de moyens sont mis en œuvre.

Les écrivains se doivent « d'inviter « dans leur récit des personnages haut en couleur, originaux. Ces protagonistes ne peuvent pas être de simples personnes vivant une vie paisible, ils ont le devoir de faire rire le lecteur, de le faire pleurer, au moins de ne pas le laisser indifférent ; et ipso facto l'auteur   peut faire de ses personnages des êtres très caractéristiques : vieille fille hystérique ou arrogant bellâtre, l'auteur peut en créer tant qu'il en voit l'intérêt pour le lecteur. Pour ne pas laisser le lecteur apathique, il met en place un très fort lien entre son personnage et le lecteur. Ce lien peut être de plusieurs natures : le lecteur s'identifie aux personnages, et fait donc preuve d'empathie dans les moments difficiles que traverse ce dernier ; ou bien éprouve un fort sentiment de répulsion à son égard, et alors désapprouve ses choix. Dans Bel-Ami, tout au long du roman, nous portons un jugement sur George Duroy, héros du livre, que ce soit un avis négatif (Son air hautain, supérieur) ou un avis positif (Humour noir face à l'adultère de sa femme), Certes la personnalité des personnages est importante, mais les relations qu'ils ont entre eux le sont d'autant plus. Grâce à la longueur d'un roman, ces échanges se complexifient, se développent et s'intensifient. Ainsi, ces interactions nous fascinent : amour passionnel de Mme Walter envers George, nous effraient : tournure agonistique de la relation entre Duroy et Mme de Marelle, ou nous énervent et nous enchantent à la fois : Paroxysme de la réussite de Du Roy à l'église de la Madeleine, réussite basée sur la séduction de femmes influentes.

Les personnages et les relations nous divertiront encore plus si le décor mettant en scène les personnages est propice aux péripéties de ces derniers. Ce cadre permet non seulement de mettre en scène les personnages, mais aussi d'ajouter de la force aux aventures vécues. En effet, si l'auteur est l'illusionniste décrit par Maupassant dans la préface de Pierre et Jean, et qu'il parvient à placer un cadre proche de notre quotidien sans pour autant sombrer dans la banalité, nous serons comme absorbés par un roman si réel, et pourtant en grande partie fictif? Dans Bel-Ami, nous rencontrons cet oxymore dans cet oxymore dans de nombreux passages, tels la mort de Forestier à Cannes : une mort fictive lorsqu'il est décrit à l'aide de nombreuses hypotyposes : dans Bel-Ami, on retrouve des accumulations dans la description de la Normandie « et ses milles clochers légers, pointus, ou trapus, frêles «. De plus, dans certains passages, nous pouvons aisément représenter l'action sous forme d'une scène de théâtre. Cette théâtralisation est due aux personnages, mais aussi au cadre : chez Maupassant, lorsque que Clothilde de Marelle trouve des mèches de cheveux de Mme Walter accrochées à la veste de George, nous pouvons facilement imaginer ce dernier pleurer au pied de sa maîtresse. Le cadre aide donc le lecteur à « se plonger « dans le récit et permet de rehausser les effets scéniques rendant trépidant le roman, et donc distrayant pour le lecteur.

Enfin, le roman est d'autant plus divertissant qu'il laisse une grande place à l'imagination du lecteur, ce dernier joue donc un rôle actif et ne « subit « plus le roman : dans Bel-Ami, l'excipit du roman ne constitue pas un dénouement réel puisque le héros n'a pas achevé son parcours initiatique et compte désormais entamer une carrière politique, et laissant donc au lecteur le soin d'achever l'ascension politique -ou la chute- de George.

L'illusion de la vérité et les émotions ressenties par le lecteur lorsqu'il accompagne des personnages dans des lieux pouvant être arpentés de nos jours sont tant de facteurs permettant au lecteur de participer au récit, et donc d'être divertit.

 

Divertir n'est qu'un des fonctions du roman, il informe aussi. Pourquoi le roman est-il un genre privilégié pour informer si sa vocation première est de nous éloigner du réel ?

Premièrement, un roman rend plus facile à appréhender des concepts abstrus, difficiles à saisir, tels le monde de la spéculation financière, ou les dessous de la colonisation du Maroc et de l'Algérie, dans Bel-Ami. Maupassant avec ce roman d'apprentissage est bien plus édifiant qu'un recueil de conseils sur tous les milieux abordés dans le livre : le milieu politico-journalistique, le milieu mondain du XIXème siècle...

Dans Bel-Ami, Maupassant nous informe principalement sur le journalisme, car cela lui permet de nous faire part de ses connaissances sur un milieu, par exemple, Maupassant a été journaliste de nombreuses années, ce qui lui permet de faire un bilan de son expérience personnelle dans son roman. C'est pour cela que le milieu est omniprésent : apprentissage sentimentale avec Forestier, lui aussi journaliste ; professionnel avec ses premières chroniques de fond de journal, et social, dîner avec les Walter, propriétaire du journal. Nous apprenons beaucoup de chose sur le pouvoir de la presse sur la politique : elle est capable d'aider un gouvernement comme de le discréditer, de faire « une campagne habile et violente contre le ministère qui dirigeait les affaires ...«.Enfin, le patron du jounal M,Walter apparaît comme un homme d'affaire et non pas comme un jounaliste : il se sert de son journal dans son intérêt personnel (affaire du Maroc). A cause de cela, nous avons une vision dégradée d'un journalisme corrompu et tout-puissant sur la vie politique.

Si Maupassant nous informe si bien sur les mœurs de son époque, c'est en partie car le roman est un lien très propice à l'expérimentation : en récréant des caractéristiques impossible à trouver dans la réalité, il peut nous montrer la nature humaine comme il la ressent, comme il la voit. Grâce à cette expérimentation, et donc à la création de personnages très stéréotypés évoluant dans des lieux servant exactement à recréer les conditions recherchées par l'auteur : le roman devient le laboratoire de l'écrivain (L'Emile de Rousseau, laboratoire de l'éducation), Chez Maupassant, nous trouvons des locaux de La Vie Française très caricaturés, avec l'ensemble des journalistes véreux et fainéants, jouant au bilboquet à longueur de journée, fait qui, même au XIXème siècle, paraît exagéré.

Nonobstant le fait que le roman tend à nous éloigner du réel, il est un genre privilégié pour informer car il permet d'échapper à la censure (une grande partie des œuvres de Voltaire), pour attirer de nouveaux lecteurs grâce à un genre populaire (Zadig avec le conte oriental) ou pour rendre intéressant des faits banals (le couple Delamare dans Mme Bovary de Flaubert).

 

Enfin, comme tout art, le roman peut aussi faire passer les idées de son auteur et faire part de sa réflexion critique,

Nous venons de voir que l'expérience personnelle de l'auteur pouvait servir à partager des connaissances, mais le romancier laisse aussi transparaître une part de lui, son idiosyncrasie, son tempérament à travers son œuvre. Par exemple, il est de notoriété publique que Maupassant alimentait de nombreuses et brèves relations avec des prostitués. Parallèlement, dans Bel-Ami, Rachel, une fille de joie, tient un rôle très important dans l'initiation sentimentale de George Duroy, et dans le roman, le milieu de la prostitution est récurrent, les Folies-Bergères apparaissant à plusieurs reprises comme lieu de rendez-vous avec Forestier, personnage au cœur de son initiation professionnelle.

C'est en partie grâce à cette expérience des femmes et de la société qu'il témoigne de nombreuses prises de position tout au long du roman, en particulier une critique de la société bourgeoise  et des condition de la femme. Premièrement, la critique de la société mondaine : cette dernière est très critiquée tout au long du roman. Au début, George se complait avec les Parisiens, qu'ils soient riches ou pauvres (Expérience avec Rachel). Plus tard, nouvellement bourgeois et marié avec Madeleine, cette dernière aura une vision très négative de la campagne et des parents de Duroy. De plus, lors des nombreuses descriptions des soirées mondaines (Chez les Forestier, chez les Walter), Maupassant met un point d'honneur à retranscrire exactement le réel, et ainsi montrer que les mondains sont des gens pour qui « paraître « est capital. Enfin, l'appartement misérable de Duroy au début du roman et les conditions de vie moins fastueuses qu'à Paris (Habitations rustiques, « repas long et mal assorti «...) ne font qu'accentuer le luxe de la vie bourgeoise.

Maupassant nous faire part de son point de vue grâce à son héros. En effet, même s'il ne juge pas explicitement son personnage principal, il nous laisse une impression, et grâce à cette impression et au fait que nous pouvons rejeter ou autre contraire nous conformer au comportement de George, nous entrons dans une réflexion concernant le sujet abordé : « Pourquoi George réagi-il ainsi « pourront-on se penser lorsqu'il est en froid avec sa femme à propos du testament du comte de Vaudrec. En nous interrogeant sur cette question, c'est sur la condition de la femme que nous réfléchissons : Madeleine doit-elle accepter la décision de son mari quoiqu'il arrive ? Ne peut-elle pas refuser, cette femme si charismatique ? Grâce à ces procédés, nous découvrons la réflexion critique des auteurs, et grâce à cette réflexion, nous pouvons développer la notre, et donc réagir. Il y a donc une double réflexion lors de la lecture d'un livre : la notre, et celle de l'auteur.

 

Par conséquent, on peut dire qu'un roman divertit grâce aux personnages et au cadre, qu'il informe grâce à l'expérimentation et grâce à l'expérience personnelle de l'écrivain, et qu'il peut être engagé grâce au talent de l'illusionniste. Nous avons envisagés ces trois fonctions du roman, mais sont-elles présentes en de bonnes proportions dans chaque roman ? Un roman trop clairement engagé ne risque-t-il pas d'ennuyer le lecteur ? Un roman simplement divertissant aura-t-il un intérêt dans la vie du lecteur autre que de le divertir pendant la courte période de lecture ?

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