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Le Roi Léopold II de Belgique (durée de règne :1865-1909) hérite en 1885 du vaste territoire congolais, potentiellement très riche.

Publié le 24/05/2016

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Le Roi Léopold II de Belgique (durée de règne :1865-1909) hérite en 1885 du vaste territoire congolais, potentiellement très riche.  Les enjeux sont énormes.  Le monarque belge s'est-il montré à la hauteur de la tâche ?  Que laisse-t-il comme souvenirs dans l'histoire de la colonisation ?               Léopold II est tout d'abord perçu par ses contemporains comme un roi philanthrope.   Jean Stengers nous apprend ainsi qu'avant 1885, l'Etat belge avait aidé financièrement le Congo, au bord de la faillite, et ce à plusieurs reprises. Par ailleurs, les troupes du monarque belge avaient démantelé des réseaux de trafiquants d'esclaves, qui maltraitaient les population congolaises, et des missionnaires chrétiens avaient été envoyés au Congo.  D'autre part, le roi « a investi sa fortune personnelle dans des travaux publics dont les Africains vont pouvoir bénéficier . » [1]               C'est donc presque tout naturellement qu'à la Conférence de Berlin, en février1885, les 14 grandes puissances de l'époque (dont la Grande Bretagne, les Etats-Unis, la France et l'Allemagne) confient à Léopold II l'Etat Libre du Congo, pour qu'il « ouvre ce territoire au commerce, abolisse l'esclavage, civilise et christianise les païens. ». [2]  L'Etat Indépendant du Congo (EIC) voit ainsi le jour. Les populations indigènes doivent désormais contribuer au développement du pays.               Mais par la suite, la réputation de Léopold se trouve gravement entachée. Alors que la Belgique se met à réaliser de plantureux bénéfices grâce aux revenus de sa colonie (l'exploitation massive du caoutchouc principalement), des rumeurs insistantes mettent en cause les mauvais traitements dont les populations noires font l'objet.  Deux Anglais, E.D. Morel (travaillant pour une compagnie de navigation anglaise) et Roger Casement (un consul anglais), « attiraient l'attention de l'Europe par leurs rapports sur l'holocauste perpétré en Afrique Centrale... ». « Le boom du caoutchouc, qui fut à l'origine des pires massacres au Congo, débuta au milieu des années 1890, sous l'administration de Léopold, mais continua après la fin de son régime autocratique. » [3] Crimes, tortures, exactions, telles étaient leurs accusations à l'égard du système mis en place par le monarque belge, reposant sur des témoignages tout à fait crédibles (ceux de missionnaires européens et américains, notamment).  L'on prête désormais au roi belge la réputation de monstre autoritaire et cupide.  Ainsi, E.D. Morel « a vu en lui un tyran abject cherchant à s'enrichir par tous les moyens, et exploitant le Congo en vue d'accroître sa personal wealth. » [4]   Par ailleurs, dans « Le soliloque du roi Léopold» de Mark Twain, le souverain belge affirme que ses détracteurs, à savoir les missionnaires, les bureaucrate belges, les consuls britanniques, parlent de lui comme d'un souverain absolu qui a « foulé aux pieds l'Acte de Berlin , ... accaparé et occupé le Congo comme s'il était ma propriété privée... » [5] .  Le romancier M.Vargas Llosa, quant à lui, accuse Léopold II de s'être rempli les poches au Congo : «... Léopold II, par un décret de 1886, s'était réservé , comme Domaine de la Couronne, quelque deux cents cinquante mille kilomètres carrés, ...  riches en arbres à caoutchouc. »  [6] Mais toutes ces allégations sont fortement nuancées par l'historien Jean Stengers, qui nous apprend que Léopold II « a bien été un des hommes les plus étrangers à l'esprit de lucre tel qu'il est habituellement entendu. » [7] D'après lui, le roi maniait de l'argent, certes, mais ne s'est pas enrichi personnellement.  Tous ses actes étaient motivés par un seul objectif, à savoir l'embellissement de la Belgique, au travers d'acquisitions mobilières, de constructions grandioses et de travaux d'urbanisme.               Mais revenons-en à la personnalité de Léopold II. En privé, il est ressenti comme quelqu'un d'orgueilleux, hermétique, qui se considère au-dessus des lois.  Jean Stengers le décrit en ces termes : « Le Roi lui-même, méprisant l'opinion, faisait peu de choses, dans beaucoup de cas, pour dissiper les équivoques que sa manière d'agir devait presque nécessairement faire naître. » [8]  Vargas Llosa nous en parle comme quelqu'un de « pompeux et d'idolâtre ». Bien que dévot, il est perçu comme quelqu'un d'amoral, froid et brutal dans sa vie privée.  Mark Twain l'évoque ici : « N'ont-ils pas rappelé au monde entier que, de tout temps et sans relâche, ma maison a été une chapelle et un bordel réunis ? Que j'ai pratiqué des sévices sur ma reine et mes filles et que tous les jours, je leur ai fait subir des humiliations et des vexations ? ». [9]               Et comme pour faire écho, le caractère cruel et implacable de Léopold II a été largement épinglé à l'époque.  Pensons aux massacres perpétrés en masse au Congo.  Hannah Arendt parle de « la décimation de la paisible population du Congo – de 20 à 40 millions d'individus, réduite à 8 millions. » [10] Mark Twain nous dit que « ces rangées de squelettes mises bout à bout formeraient une colonne de 4 à 5.000 kilomètres qui pourrait traverser les Etats-Unis et relier New York à San Francisco ! » [11] De fait, le carnage fut impressionnant, principalement pendant la campagne du caoutchouc, dès la moitié des années 1890 jusqu'après 1909 (fin du règne du roi). La population indigène servait de main-d'oeuvre gratuite et lorsque les hommes ne livraient pas le quota de caoutchouc exigé, ou désertaient, les soldats abattaient tous les individus qui leur tombaient sous la main, en représailles.  Et puis, il y eut le scandale des mains coupées.  E.D. Morel, dans son livre « Red rubber », aborde le thème des mutilations infligées aux indigènes, et fait entrer Léopold II dans la légende, comme le roi coupeur de mains.  Afin de limiter le gaspillage de munitions, les soldats devaient ramener la preuve du coup de feu, qui n'était autre qu'une main droite coupée, et ce à un ennemi mort.  Autant de balles, autant de mains. Mais il y avait aussi les balles perdues : comment les justifier autrement, qu'en tranchant la main d'une personne vivante ?  Toutes ces violences étaient connues et abondamment reprochées à l'époque.  Mais il est nécessaire de remettre les événements dans leur contexte.  Lorsque l'homme blanc aborde l'Afrique, le Noir lui semble tout droit sorti de l'âge de pierre.  « ... leur état mental est plus près du crocodile ou de l'hippopotame que de vous et moi. » [12] Il était dès lors presqu'inévitable que l'homme blanc ordinaire se soit senti supérieur, du moins l'était-il par les armes, et que des actes hautement répréhensibles aient été commis, d'autant qu'ils restaient, pour la plupart, bien souvent impunis. Beaucoup de morts parmi les Noirs donc... Mais il faut préciser que les décès s'expliquent également autrement : par la famine, notamment.  Les Noirs devaient en effet alimenter la population blanche en nourriture, ce qui provoquait famine et disette dans les populations autochtones.  Les Congolais, épuisés par un travail harassant, se réfugiaient dans les forêts et y mouraient souvent de faim et de froid.  Autre facteur de mortalité : la maladie. L'homme blanc avait apporté avec lui des maladies, contre lesquelles la population noire n'avaient pas eu le temps de développer des anticorps (la variole, la trypanosomiase, les infections pulmonaire et intestinales...), ce qui entraîna également de d'innombrables décès d'autochtones.  Dans ce territoire décimé, la population affamée et épuisée ne trouve plus la force de « reprendre le dessus ».                  Le Roi Léopold II de Belgique avait sans nul doute une personnalité complexe, qui suscite encore actuellement des sentiments très divers, qui peuvent aller de la plus vive indignation, à une certaine admiration. Homme visionnaire ou monstre .. ;, chacun appréciera [1]Adam HOCHSCHILD, Les fantômes du roi Léopold II, Paris, Belfond, 1998, Introduction. [2]Mario VARGAS LLOSA, Le rêve du Celte, Paris, Gallimard, 2011, p. 52. [3]Adam HOCHSCHILD, voir supra, p. 264. [4]Jean STENGERS, Congo, Mythes et réalités, 100 ans d'histoire, Paris – Louvain-la-Neuve, Duculot, 1989, p. 138. [5]Mark TWAIN, Le soliloque du Roi Léopold, Bruxelles, Jacques Antoine, 1987, p. 9. [6]Mario VARGAS LLOSA, voir supra, p. 58. [7]Jean STENGERS, voir supra, p. 138. [8]Jean STENGERS, voir supra, p. 139. [9]Mark TWAIN, voir supra, p. 12. [10]Hannah ARENDT, Les origines du totalitarisme, t.II, L'Impérialisme, Paris, Fayard, 2006, p. 112. [11]Mark Twain, voir supra, p. 29. [12]Mario VARGAS LLOSA, voir supra, p. 50.
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« rapports sur l'holocauste perpétré en Afrique Centrale... ».

« Le boom du caoutchouc, qui fut à l'origine des pires massacres au Congo, débuta au milieu des années 1890, sous l'administration de Léopold, mais continua après la fin de son régime autocratique. » [3] Crimes, tortures, exactions, telles étaient leurs accusations à l'égard du système mis en place par le monarque belge, reposant sur des témoignages tout à fait crédibles (ceux de missionnaires européens et américains, notamment).  L'on prête désormais au roi belge la réputation de monstre autoritaire et cupide.  Ainsi, E.D.

Morel « a vu en lui un tyran abject cherchant à s'enrichir par tous les moyens, et exploitant le Congo en vue d'accroître sa personal wealth. » [4]   Par ailleurs, dans « Le soliloque du roi Léopold» de Mark Twain, le souverain belge affirme que ses détracteurs, à savoir les missionnaires, les bureaucrate belges, les consuls britanniques, parlent de lui comme d'un souverain absolu qui a « foulé aux pieds l'Acte de Berlin , ...

accaparé et occupé le Congo comme s'il était ma propriété privée... » [5] .  Le romancier M.Vargas Llosa, quant à lui, accuse Léopold II de s'être rempli les poches au Congo : «... Léopold II, par un décret de 1886, s'était réservé , comme Domaine de la Couronne, quelque deux cents cinquante mille kilomètres carrés, ...  riches en arbres à caoutchouc. »  [6] Mais toutes ces allégations sont fortement nuancées par l'historien Jean Stengers, qui nous apprend que Léopold II « a bien été un des hommes les plus étrangers à l'esprit de lucre tel qu'il est habituellement entendu. » [7] D'après lui, le roi maniait de l'argent, certes, mais ne s'est pas enrichi personnellement.  Tous ses actes étaient motivés par un seul objectif, à savoir l'embellissement de la Belgique, au travers d'acquisitions mobilières, de constructions grandioses et de travaux d'urbanisme.               Mais revenons-en à la personnalité de Léopold II.

En privé, il est ressenti comme quelqu'un d'orgueilleux, hermétique, qui se considère au-dessus des lois.  Jean Stengers le décrit en ces termes : « Le Roi lui-même, méprisant l'opinion, faisait peu de choses, dans beaucoup de cas, pour dissiper les équivoques que sa manière d'agir devait presque nécessairement faire naître. » [8]  Vargas Llosa nous en parle comme quelqu'un de « pompeux et d'idolâtre ».

Bien que dévot, il est. »

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