Le photographe
Publié le 08/05/2012
Extrait du document
Le Photographe de GUIBERT/LEFEVRE/LEMERCIER aux éditions Dupuis, publié en 2004
Chapitre : la guerre froide
- I. Description : En 1986, c'est la guerre en Afghanistan entre les Soviétiques et les Moudjahidines.
Les Moudjahidines sont des groupes qui pratiquent le combat au nom de la religion, ou, ici, en faveur de l'« indépendance « de leur pays.
Alors que cette guerre fait des ravages, Didier Lefèvre, photographe français, décide de changer d’environnement de photographie et part pour sa première mission photographique avec une équipe de Médecins Sans Frontières au cœur du pays en guerre, dans un village nommé Zaragandra.
Cependant, le chemin vers celui-ci sera, comme nous le décrit le premier tome, très périlleux : c'est un véritable périple que vont vivre l'équipe de Médecins Sans Frontières et leur caravane qui les escorte du Pakistan au cœur de l'Afghanistan....
C'est au cours de ce périple de plusieurs mois, que Didier prendra de sublimes photographies : des paysages afghans, des portraits de vieilles hommes ou, encore des portraits des membres de MSF.
Ces photographies, mêlées à l'illustration de bandes dessinées, ne feront qu'accentuer la dure vérité d'une guerre : enfants estropiés, hommes aveugles, animaux abandonnés... c'est belle et bien une leçon de vie que nous donne Le Photographe, nous montrant la chance que nous avons de vivre dans nos pays occidentaux sans guerre.
Dans le tome 2, les auteurs, vont décrire les conditions d'intervention médicale de l'équipe de MSF, dans l'hôpital de fortune, qui est leur siège, à Zaragandra.
C'est au cours de ces interventions que les auteurs nous montreront les actions et le courage des soignants de MSF : ils soignent, forment les populations.... aux risques de leurs vies.
C'est au travers des photographies de Lefèvre, des illustrations de joies, de bonheurs, d'anxiétés... que le lecteur est totalement immergé dans l'action.
Dans le tome 3, nous sommes fin 1986. Après trois mois passés avec l'équipe de MSF en Afghanistan, Didier Lefèvre décide de rentrer seul au Pakistan. Alors que son voyage de retour paraît, au début, se passer parfaitement bien, il va s'empirer au fur et à mesure, jusqu'à devenir un véritable calvaire pour Didier. Calvaire dont le sommet atteindra le moment où Didier est seul, abandonné par ces guides : « je sors un de mes appareils. Je prends un vingt millimètres, un très grand angle, pour photographier depuis le sol. Qu'on sache où je suis mort. «
C’est dans ces trois phrases que le lecteur découvre l'atmosphère générale de ce dernier tome : une atmosphère anxieuse jusqu'au dénouement final...
Concernant la mise en page des trois tomes du Photographe, on peut dire que, d'une manière générale, elle est conventionnelle. En effet, les planches sont généralement (sauf quand il y a des photographies qui parfois à elles seules occupent une planche) divisées en quatre bandes de mêmes hauteurs, elles mêmes, divisés en deux ou trois cases de mêmes tailles contenant soit une photo soit un dessin. Cependant il arrive également de rencontrer des planches composées uniquement de photographies (cela peut aller de 8 à 48) nous permettant alors de visualiser tous les détails d’un événement.
De plus, les auteurs ont choisi de mettre en général, plus de récitatifs (c'est à dire, des textes de commentaires), que de bulles ; choix plutôt inédit pour une bande dessiné. Ce récitatif correspond en fait aux pensées de Didier tout au long de son voyage.
Quant au lettrage, il est totalement absent des trois tomes.
Enfin, on pourrait situer le style graphique du Photographe dans l'école que l'on appelle « école de Bruxelles «. En effet, les contours sont systématiquement fait d'un trait noir, d'épaisseur régulière ; les couleurs en aplats n'ont pas d'effets d'ombre/lumière, on peut même rajouter que les couleurs de cette bande dessiné, sont toujours dans le même ton : il n'y a jamais de couleur « criarde « (comme du rouge ou du vert pétant),mais au contraire, les couleurs sont chaudes, dans les tons brun, beige, bref, elle rappelle l'atmosphère des paysages arides de l’Afghanistan mais aussi le côté inquiétant d’un lieu où il faut être constamment sur ses gardes.
Toujours dans le contexte de l'école de Bruxelles, cette bande dessiné possède des textes abondants (notamment dans les récitatifs) ; des bulles rectangulaire ; et enfin, les dessins (appuyé par les photographies) sont immédiatement compréhensibles.
- L’analyse :
Cette trilogie à été conçue par trois auteurs : - Emmanuel Guibert (le dessinateur) est né à Paris en 1964. C’est grâce à sa première œuvre qu’il entre en 1992 dans un cercle de jeunes dessinateurs cherchant à renouveler l’univers de la bande dessinée. Il participe plus tard à la réalisation du Photographe. - Didier Lefèvre (le photographe), il est né en 1958 et décédé en 2007. Photographe passionné depuis tout petit, il a parcouru les quatre coins du monde, rapportant à chaque fois des témoignages grâce à ses photos. Il permet ainsi la création d’une œuvre mêlant photos et bande dessinée. - Frédéric Lemercier (graphiste) a fait des études aux arts décoratifs, c’est d’ailleurs là qu’il rencontre Emmanuel Guibert. Son travail sur les planches du Photographe a été très reconnu et à permit le succès de la BD. En revenant de sa mission en Afghanistan, Didier Lefèvre voulait que ses photos servent à quelque chose. En les utilisant pour Le Photographe, il crée un réel témoignage autobiographique à propos d’une guerre dont tout le monde à déjà entendu parler. Il permet ainsi aux lecteurs, de se plonger en plein dans une situation inconnue de nos générations et de visualiser les conséquences d'une telle guerre.
Cette guerre qu'évoque le Photographe est la guerre entre l’URSS et Afghanistan, né en 1978 de l’assassinat du président Mohammad Daoud Khan, lors d'un Coup d’État soutenu par l'URSS.
Ce Coup d’État militaire soutenu par l'URSS, porte au pouvoir Nur Mohammad Taraki. Cette proclamation attisera les mouvements de résistances. Cependant, ceci n'est que le début d'une présence soviétique qui ne fera qu'accroitre. En effet, un an plus tard, en 1979, 5 000 soldats soviétiques pénètrent dans la capitale afghane, Kaboul, alors que plus de 40 000 autres russes se massent dans tous le pays.
C'est le début d'une guerre qui durera près de 10 ans entre l'URSS et l'Afghanistan ; jusque dans les années 1986, où les talibans (islamistes extrémistes) prendront le pouvoir, pour finalement en être écarté par les États-Unis, dans les années 2000.
Un mot qu’a écrit Emmanuel Guibert permet bien de comprendre dans quel but cette BD a été faite: « Quand un reporter photographe rentre de mission dans un pays en guerre, il ramène des centaines de photos et autant d’anecdotes. Sur ces centaines de photos, quelques dizaines sont tirées, quatre ou cinq sont vendues à la presse, et le reste, sous forme de planches, échoue dans des boîtes. Le photographe, s’il aime raconter, raconte les anecdotes à ses proches. Puis le temps passe, d’autres missions, d’autres photos et d’autres anecdotes chassent les premières, et la mémoire, elle aussi, les met en boîte. Voilà comment s’endorment les histoires. La bande dessinée est un des moyens de les réveiller. J’ai cent raisons d’aimer Didier Lefèvre. L’une d’elles, c’est qu’il est bon photographe. Une autre, c’est qu’il raconte bien les histoires. Dès les premières fois où je l’ai entendu ; planches à l’appui, me raconter un de ses reportages, j’ai voulu qu’on fasse un livre tous les deux avec l’aide de Frédéric Lemercier. J’avais l’intuition qu’un récit qui permettrait d’avoir largement accès aux planches, de les lire, d’en apprécier toute la force expressive serait aussi intéressant pour le lecteur que l’étaient pour moi ces après-midi passées avec « le Photographe «. J’ai conçu cette BD pour faire entendre la voix de Didier, combler les vides entre les photos et raconter ce qui se passe quand Didier, pour une raison ou une autre n’a pas pu photographier. Tout cela dans l’idée de monter dans le détail ce qui l’est rarement : un reportage en train de se faire, une mission humanitaire au jour le jour, le destin d’une population de montagnards prise dans la guerre «
- Conclusion
Et Emmanuel Guibert ne s’était pas trompé … En effet, la présence des photos permet aux lecteurs de vivre réellement l'action, de visualiser les scènes et de prendre conscience de l’horreur qu’est la guerre.
De plus, le fait de pouvoir suivre l’aventure avec quelqu’un l’ayant réellement vécue renforce encore la puissance des images …Ainsi, dès les premières pages du premier tome, nous avons été embarqués dans un tourbillon d'images, de témoignages, qui nous ont ouvert les yeux et, fait prendre du recul par rapport à ce que nous rapporte les médias.
Lire cette bande dessiné a été, pour nous, un véritable pas dans l'inconnu, ne connaissant ni les raisons du conflit, ni les protagonistes de celui-ci. Cependant, ce récit, raconté par Didier Lefèvre, a été pour nous, une riche expérience pédagogique.
Tous ces détails sont autant de raisons qui nous ont fait plus qu'aimer, mais juger, comme exceptionnel ce témoignage d'un photographe malheureusement décédé, mais dont l'ouverture d'esprit et la curiosité face aux événements, nous a fait voyager, et parfois nous remettre en question, au cours des 300 pages de son récit incroyable.
Étant donné, la position de protagoniste de l'auteur par rapport au récit, on peut estimer cette source comme très fiable dans la mesure où, étant le personnage principale de l'histoire, c'est une autobiographie, argumenté par ses propres clichés et pensées que Didier Lefèvre nous fais découvrir.
Comme le dit Robert, l'un des médecins de l'équipe de MSF : « Difficile de dire tout ce que nous ont apporté les Afghans... Je crois que grâce à eux, on est tout simplement un peu moins con. «
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