Le mythe de Don Juan, avant et après Molière
Publié le 11/05/2011
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qu'on encoure à jouer imprudemment à de tels jeux.
Le mythe est donc double : à la fois religieux à travers lelibertinage de Don Juan, et à la fois social et psychologique à travers sa constante séduction.
Le Don Juan de Molière :
Grâce à divers auteurs, aux troupes italiennes, au théâtre forain, le mythe était déjà populaire en France quandMolière le reprit en 1665, dans une pièce en prose qui, si elle n'est pas la plus belle de toutes ses comédies, en estla plus audacieuse et la plus troublante.
Don Juan, odieux certes par sa cruauté envers les femmes, envers son père ou les petites gens, n'en apparaît pasmoins comme un seigneur prestigieux.
Il a de l'esprit, du panache, une vraie bravoure : il vole au secours d'unhomme seul attaqué par plusieurs brigands ; jusqu'au dernier instant, il s'obstine dans son orgueilleux refus de lareligion.
Il séduit vraiment et – cas unique – bien que protagoniste d'une comédie fort comique, il ne l'est lui-mêmeaucunement : s'il fait rire, c'est aux dépens des autres.
D'où l'ambiguïté du message moral, malgré le dénouementpunitif pieusement conservé.
L'auteur – dont les propres amours furent malheureuses – se serait-il lui-même laisséprendre à la séduction de son personnage ? Il nous entraîne en tout cas bien loin de celui de Tirso et de la claireleçon du moine dramaturge !
La nouveauté capitale est Elvire, que Don Juan a enlevée du couvent pour l'épouser et l'abandonner aussitôt.
Il lafuit, mais elle le rejoint ; une première fois en épouse haineuse, puis, une seconde fois, en pénitente, résignée à sonpropre malheur mais non pas à celui de don Juan qu'elle supplie en vain de s'amender.
Personnage essentiel parcequ'il motive les fuites et les déguisements de don Juan, assurant l'unité de la pièce ; mais aussi parce qu'il fournit àdon Juan l'occasion de manifester son athéisme de la façon la plus saisissante.
Enfin la pathétique Elvire suggèreune idée que le romantisme ne se lassera pas de magnifier : celle de la rédemption par l'amour vrai.
La pièce connut aussitôt une réussite éclatante.
Pourtant après quinze séances fructueuses, Molière dut ensuspendre les représentations.
Pendant deux siècles, elle ne devait survivre en France que dans l'adaptation envers, très édulcorée, de Thomas Corneille : Le Festin de pierre (1673).
Elle n'en continua pas moins d'exercer, mêmeen dehors de France, une action capitale.
Son ambiguïté lui a conféré un pouvoir de suggestion qu'elle gardeencore.
Si don Juan est devenu l'un des plus grands mythes des temps modernes, c'est en premier lieu à Molière qu'ille doit.
Don Juan à travers Mozart et la musique :
Le thème avait évidemment inspiré d'autres musiciens avant Mozart : l'Allemand C.
W.
Glück, pour un ballet-pantomime (1761), et le Véronais G.
Gazzaniga, pour un opéra donné à Vienne en 1787.
Mais le « dramma giocoso »de Mozart, Don Giovanni, représenté à Prague la même année 1787, surpasse de loin toutes les compositionsmusicales auxquelles don Juan n'a jamais donné lieu, y compris le beau poème symphonique de R.
Strauss, écritexactement un siècle plus tard.
Le livret de Lorenzo Da Ponte rassemble habilement des éléments empruntés aux dramaturges antérieurs : Tirso,Cicognini et surtout Molière.
On y retrouve le valet burlesque, les femmes successives, les rivaux, enfin leCommandeur, et sa statue vengeresse.
L'intrigue, simplifiée selon les lois du genre, exploite, à l'exception dunaufrage, la plupart des péripéties consacrées par la tradition : le meurtre du Commandeur, la double invitation àsouper et le dénouement justicier, ainsi que les fuites de don Giovanni toujours poursuivi par ses victimes.
Parmicelles-ci, Elvire conserve le trait le plus touchant de son homonyme chez Molière : la tendresse qui survit à l'offenseet fait que l'héroïne redoute in petto les effets d'une vengeance qu'elle poursuit comme malgré soi.
L'aspect religieuxtend à disparaitre : on n'a plus la scène avec le pauvre.
En d'autres occasions encore, la musique semble contredireles paroles des personnages, dont elle exprime les vrais sentiments.
Au drame humain, le Commandeur ajoute enfinla dimension du surnaturel : sa basse profonde et l'orchestration religieuse qui l'accompagne représentent la part dumystère prophétique.
Quant à Don Giovanni, joyeux vivant que grise l'« odeur de la femme », il est certes plus sensuel et plus raffiné quele héros de Tirso, mais d'une perversité moins consciente que celui de Molière.
Parfois même, si tendrementmélodieux qu'on en vient à se demander s'il ne se prend pas lui-même à son jeu.
Il n'est pas odieux, et est mêmecapable de susciter quelque sympathie.
Un Don Juan romantique :
Le Don Juan du dix-neuvième siècle est l'héritier du Don Giovanni de Mozart.
La musique semble avoir fait perdre àcelui-ci le cynisme et la perversion du héros moliéresque.
Le personnage a remanié profondément le romantismeconformiste de l'époque.
Il se donne dès lors comme un héros romantique séducteur autant qu'il est séduit.
Il estromantique car il attire l'amour sans mettre en œuvre les ressources d'une séduction calculée.
Il porte de plus en luiune image d'un absolu féminin dont la recherche devient une quête démesurée et mélancolique.
S'il quitte lesfemmes rencontrées et aimées, ce n'est donc pas en raison de la satisfaction de désirs purement sensuels mais soit.
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