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LE LOUP ET L'AGNEAU Jean de la Fontaine

Publié le 30/07/2010

Extrait du document

fontaine
En moins de trente vers et sans un détail inutile, La Fontaine fait, dans le Loup et l'Agneau le récit d'une rencontre - dont l'issue ne laisse aucun doute - entre un loup affamé et un agneau naïf. Mais ce récit prend une portée universelle, exemplaire : au delà de la violence des rapports de force dans le monde - ce qu'il est convenu d'appeler la loi naturelle, selon laquelle les loups mangent les agneaux -, La Fontaine décrit ici le comportement odieux de celui qui, non content d'exercer sa violence sur plus faible que lui, prétend la justifier par des arguments spécieux, inverse les rôles et se prétend victime pour pouvoir être bourreau. Oubliée la loi naturelle... nous sommes ici dans l'artifice, la duplicité des comportements de l'homme avec son semblable, dont un auteur latin disait : L'homme est un loup pour l'homme. Chaque personnage développe ici à sa façon son argumentation : avec mauvaise foi pour le Loup et avec une vraie candeur pour l'Agneau. En confiant à des animaux la mission de représenter la violence odieuse, La Fontaine donne à sa fable toute sa portée et nous permet de transposer sa leçon dans le monde humain.  I. L'argumentation du Loup.  En plaçant la morale de la fable en tête de son récit, La Fontaine supprime tout suspense quant à l'issue inéluctable de l'affrontement entre le Loup et l'Agneau. Tout est joué d'avance dans ce "procès" (v.29) truqué dont les méthodes expéditives semblent annoncer les tristes procès des pires régimes totalitaires et policiers avec leur chef d'accusation inventé, leur intimidation des victimes, leurs faux témoignages. On ne comprend pas pourquoi le Loup cherche tout au long de son argumentation à justifier l'exécution de sa proie, en déguisant son véritable motif, à savoir "la faim" (v.6), et en se posant en victime qui exige réparation de son offenseur. Il y a ici un renversement de situation assez stupéfiant et pour lequel le Loup déploie des trésors de rhétorique et de mauvaise foi, brutalement, sans la moindre mise en garde.  1) Des arguments matériels...  C'est d'abord un fait matériel qu'il reproche à l'Agneau : "troubler [son] breuvage" (v.7). Le chef d'accusation est présenté dans son évidence et c'est sur les circonstances annexes du crime - l'identité des complices - que porte l'interrogatoire : "Qui te rend si hardi [...] " Le Loup n'attend pas la réponse de l'Agneau : il l'a déjà condamné sans appel, comme le marque le futur : "Tu seras châtié"(v.9). L'asyndète (on attendrait : tu seras donc châtié) lie encore plus étroitement accusation et exécution. L'accusation conciliante de l'Agneau et les arguments matériels irréfutables qu'il oppose sont balayés par le Loup qui nie l'évidence, comme s'il n'avait pas entendu la justification de l'Agneau : il reprend, mais sous une forme plus ramassée et plus hargneuse - en trois mots : "Tu la troubles" -, son accusation du vers 7.  2) ... aux assertions calomnieuses  Puis il quitte le domaine des préjudices matériels qu'il prétend subir ici et maintenant pour lancer une autre accusation. Elle est formulée d'une façon toujours aussi catégorique par un péremptoire "je sais" mais le Loup n'apporte pas la moindre justification à son affirmation ; il quitte désormais le domaine des faits et du présent pour invoquer de prétendues assertions calomnieuses ("tu médis") proférées dans le "passé" (v.19). C'est donc ici un délit d'opinion qui est reproché à l'Agneau. Le Loup se comporte comme le ferait l'agent d'une police politique dans un régime dictatorial qui prétend interdire à la population victime de ses exactions de se plaindre des sévices dont elle est victime : souffre et tais-toi et même, si besoin est, bénis ton tyran…  3) Une conspiration anti-Loup  Les dénégations de l'Agneau ne décontenancent pas le Loup. Il n'abandonne pas le chef d'accusation mais en modifie les circonstances : l'Agneau devient ici, avec ses semblables, l'instigateur d'une conspiration anti-Loup (la conspiration, c'est l'obsession de tous les pouvoirs tyranniques...) dans un drôle de monde à l'envers réinventé par le Loup où les agneaux et les moutons règneraient sur un peuple de "bergers" et de "chiens" - c'est ce que sous-entend la reprise du possessif "vos" du vers 25... Mais il ne révèle pas ses sources ou ne donne pas ses "indics": il se contente d'une formule indéfinie ("on me l'a dit") Les hypothèses et les rectifications successives que le Loup s'obstine à apporter ("ton frère", "quelqu'un des tiens" ou un membre du prétendu pacte anti-Loup, "vous, vos bergers et vos chiens") ne sont pas le signe que le Loup est aux abois - loin de là. Cette résistance inouïe l'exaspère et ne fait que renforcer son désir d'en finir avec lui. On remarque que c'est lorsque ses accusations sont le plus dénuées de fondement qu'il est le plus catégorique, multipliant les liens de cause à conséquence ("donc" à deux reprises, "car")  4) Des valeurs aristocratiques  Enfin - comble de la mauvaise foi dans ce monde absurde - pour justifier son crime, le Loup, comme un héros de tragédie, revendique des valeurs aristocratiques : l'atteinte à son honneur, à sa réputation ("il faut que je me venge" v.26).  II. L'argumentation de l'Agneau  L'argumentation de l'Agneau est à l'opposé de celle du Loup. En nombre de vers, elle équivaut à peu près à celle du Loup mais la répartition des répliques est bien différente. L'Agneau essaie de répondre à trois reprises aux menaces du Loup.  1) Une petite plaidoirie, des éléments à décharge  La première fois (v.10-17), il construit une vraie plaidoirie. Sans agressivité, avec une politesse respectueuse, il s'adresse au Loup à la 3e personne, reconnaît sa toute-puissance ("Sire", "Votre Majesté"). Il n'aborde pas la question immédiatement mais essaie de calmer le jeu. Puis, à partir du vers 14, il fait appel naïvement à l'objectivité du Loup pour qu'il reconnaisse que les lois de la physique le disculpent. Il énumère tous les éléments à décharge ("dans le courant", "plus de vingt pas au-dessous") ; il en tire enfin fermement les conclusions, en redoublant le lien de conséquence ("Et que par conséquent, en aucune façon").Ses dernières paroles : "troubler sa boisson" font écho à l'accusation du Loup ("troubler mon breuvage") et il pense avoir ainsi démontré clairement son innocence.  2) Protestation d'innocence vaine  Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte : deux vers seulement. Peut-être sent-il déjà l'inutilité de sa résistance ? Il donne à sa protestation d'innocence la forme d'une question - sûrement pour ne pas braquer davantage le Loup contre lui. L'impossibilité matérielle lui constitue pourtant un alibi imparable : "je n'étais pas né". Et en rappelant son extrême jeunesse, "je tète encore ma mère" (v.21), il met en avant, implicitement, sa complète incapacité de nuire. Sa dernière réplique, sous la forme de quatre monosyllabes, est à peine esquissée. L'Agneau ne cherche plus à construire son plaidoyer, il perd pied devant les attaques hargneuses du Loup qui lui confisque la parole  III. Des personnages vivants    Dans sa dédicace "A Monseigneur le Dauphin" du premier recueil des Fables, La Fontaine rappelle le principe qui inspire les fables et surtout les siennes : "Tout parle en mon ouvrage [...]. Je me sers d'animaux pour instruire les hommes". La réussite des fables de La Fontaine tient à ce que ses animaux sont humanisés, mais cette métamorphose s'inscrit toujours dans la logique de leur nature, de leur physique, de leur comportement animal, ce qui rend encore plus convaincant le passage du récit à la leçon morale qu'on peut en tirer.  1) Des animaux ?  a) Le cadre naturel Dans la fable, les deux animaux sont d'abord présentés dans un milieu naturel, "Dans le courant d'une onde pure" (v.4), plus suggéré que décrit par des détails pittoresques : La Fontaine se sert ici de termes d'une grande simplicité et aux sonorités pleines de douceur, de fluidité... Le décor est réduit au minimum : à la fin de la fable, il est seulement fait mention des "forêts" où le Loup entraîne l'Agneau et qui pourraient figurer les coulisses où, loin du regard des spectateurs et par souci des bienséances, s'accomplissent les actions sanglantes dans les tragédies classiques ! b) La réalité animale Seule la majuscule à leur nom les caractérise et les distingue, leur done un statut particulier dans leur espèce. La réalité animale de chacun des deux protagonistes est rappelée par des traits peu nombreux mais qui vont à l'essentiel : pas de description encore une fois, mais le Loup est une bête "cruelle" poussée par "la faim", l'Agneau "tète" sa mère et vit au milieu des "chiens" et des "bergers".  2) Des hommes ?  Ce sont ces quelques caractéristiques animales qui servent à La Fontaine en quelque sorte d'armature pour développer, par les propos que tient chacune, un caractère propre qui correspond à leur apparence et à leur comportement.  a) Le caractère du Loup Ce sont leurs paroles qui les peignent en profondeur et nous y adhérons d'autant mieux qu'elles correspondent parfaitement à ce que leur aspect et leur comportement animal laissaient attendre. Le Loup se comporte en prédateur, soumis à ses instincts, à sa "faim", à ses pulsions agressives et cruelles : son discours est plein de menaces - "Tu seras châtié" -, d'affirmations sans fondement. b) Le caractère de l'Agneau  b) L'Agneau est un être tout d'innocence - ne dit-on pas "doux comme un agneau "? -, de bonne foi et de douceur qui s'exprime sur un ton déférent et respectueux. Le lecteur a d'autant moins de peine à passer du monde animal au monde humain que La Fontaine nous y prépare. Quand l'Agneau s'adresse au Loup comme un modeste sujet à son roi ("Sire", "Votre Majesté"). La Fontaine nous invite à voir derrière le récit animalier les rapports de force de la société humaine du XVIIe siècle. La "leçon" morale  c) Le lecteur du XXIe siècle dépasse ce contexte historique, transpose ce récit dans le monde contemporain : il reconnaît derrière le Loup et l'Agneau des individus qu'il côtoie, élargit la fable à des situations qui dépassent les simples rapports individuels, pour y retrouver le reflet des relations internationales lorsque des superpuissances agressent de petits états dont les richesses naturelles les rendent aussi appétissant qu'un agneau dodu... Dans cette fable qui fait désormais partie de notre imaginaire, la Fontaine ne nous donne ni leçon de vie, ni conseil pratique : c'est un simple constat - "La raison du plus fort est toujours la meilleure" - mais que la forme catégorique de l'affirmation ("toujours", le présent de vérité générale) semble interdire de contester... A chacun de tirer pour sa propre survie, de cette conception bien pessimiste des relations humaines, les pratiques, les précautions qui s'imposent. Certes les sociétés modernes et démocratiques s'efforcent en permanence de réguler les rapports entre les hommes et de protéger les droits du "moins" fort par des lois, des contre-pouvoirs, des instances de contrôle qui n'existaient pas du temps de La Fontaine. Par ailleurs, il convient de relativiser le pessimisme de La Fontaine, qui n'était pas - tant s'en faut - un misanthrope... et quelques-unes de ses fables célèbrent des valeurs positives comme l'amour (Les deux pigeons) et l'amitié désintéressée (Les deux amis).  Autre possibilité de plan :  I) 2 personnages opposés  a) Le loup Cruel, tyrannique, supérieur Champ lexical de la haine « plein de rage «, « colère « … Royauté « sire «, « majesté « … Loup= symbole de la force Dédain envers le loup  b) L’agneau Doux, innocent A des réponses valables Compassion, pitié envers l’agneau  c) Relation entre les 2 personnages Loup supérieur à l’agneau au niveau physique et aussi au niveau « social « L’agneau s’adresse au loup= 3e personne du singulier= respect Le loup à l’agneau= 2e personne du singulier= manque de respect  II) 2 argumentations différentes  a) Argumentation du loup Aucune raison valable pour manger l’agneau Raisons au hasard, finit par « on me l’a dit il faut que je me venge « vers 26= mensonge Ne laisse pas répondre l’agneau  b) Argumentation de l’agneau Répond à chaque fois au loup Vers 20 question rhétorique= pour pousser le loup à reconnaître qu’il a tort  Conclusion Dénonciation du pouvoir et de la justice sous Louis XIV
Explication de texte   La raison du plus fort est toujours la meilleure : Nous l'allons montrer tout à l'heure. Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ? Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. - Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'Elle, Et que par conséquent, en aucune façon, Je ne puis troubler sa boisson. - Tu la troubles, reprit cette bête cruelle, Et je sais que de moi tu médis l'an passé. - Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. - Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts Le Loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.


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aux assertions calomnieuses Puis il quitte le domaine des préjudices matériels qu'il prétend subir ici et maintenant pour lancer une autreaccusation.Elle est formulée d'une façon toujours aussi catégorique par un péremptoire "je sais" mais le Loup n'apporte pas lamoindre justification à son affirmation ; il quitte désormais le domaine des faits et du présent pour invoquer deprétendues assertions calomnieuses ("tu médis") proférées dans le "passé" (v.19).

C'est donc ici un délit d'opinionqui est reproché à l'Agneau.Le Loup se comporte comme le ferait l'agent d'une police politique dans un régime dictatorial qui prétend interdire àla population victime de ses exactions de se plaindre des sévices dont elle est victime : souffre et tais-toi et même,si besoin est, bénis ton tyran… 3) Une conspiration anti-Loup Les dénégations de l'Agneau ne décontenancent pas le Loup.

Il n'abandonne pas le chef d'accusation mais enmodifie les circonstances : l'Agneau devient ici, avec ses semblables, l'instigateur d'une conspiration anti-Loup (laconspiration, c'est l'obsession de tous les pouvoirs tyranniques...) dans un drôle de monde à l'envers réinventé parle Loup où les agneaux et les moutons règneraient sur un peuple de "bergers" et de "chiens" - c'est ce que sous-entend la reprise du possessif "vos" du vers 25...

Mais il ne révèle pas ses sources ou ne donne pas ses "indics": ilse contente d'une formule indéfinie ("on me l'a dit")Les hypothèses et les rectifications successives que le Loup s'obstine à apporter ("ton frère", "quelqu'un des tiens"ou un membre du prétendu pacte anti-Loup, "vous, vos bergers et vos chiens") ne sont pas le signe que le Loup estaux abois - loin de là.

Cette résistance inouïe l'exaspère et ne fait que renforcer son désir d'en finir avec lui.

Onremarque que c'est lorsque ses accusations sont le plus dénuées de fondement qu'il est le plus catégorique,multipliant les liens de cause à conséquence ("donc" à deux reprises, "car") 4) Des valeurs aristocratiques Enfin - comble de la mauvaise foi dans ce monde absurde - pour justifier son crime, le Loup, comme un héros detragédie, revendique des valeurs aristocratiques : l'atteinte à son honneur, à sa réputation ("il faut que je mevenge" v.26). II.

L'argumentation de l'Agneau L'argumentation de l'Agneau est à l'opposé de celle du Loup.

En nombre de vers, elle équivaut à peu près à celle duLoup mais la répartition des répliques est bien différente.

L'Agneau essaie de répondre à trois reprises aux menacesdu Loup. 1) Une petite plaidoirie, des éléments à décharge La première fois (v.10-17), il construit une vraie plaidoirie.

Sans agressivité, avec une politesse respectueuse, ils'adresse au Loup à la 3e personne, reconnaît sa toute-puissance ("Sire", "Votre Majesté").

Il n'aborde pas laquestion immédiatement mais essaie de calmer le jeu.

Puis, à partir du vers 14, il fait appel naïvement à l'objectivitédu Loup pour qu'il reconnaisse que les lois de la physique le disculpent.

Il énumère tous les éléments à décharge("dans le courant", "plus de vingt pas au-dessous") ; il en tire enfin fermement les conclusions, en redoublant le liende conséquence ("Et que par conséquent, en aucune façon").Ses dernières paroles : "troubler sa boisson" font échoà l'accusation du Loup ("troubler mon breuvage") et il pense avoir ainsi démontré clairement son innocence. 2) Protestation d'innocence vaine Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte : deux vers seulement.

Peut-être sent-il déjà l'inutilité de sarésistance ? Il donne à sa protestation d'innocence la forme d'une question - sûrement pour ne pas braquerdavantage le Loup contre lui.

L'impossibilité matérielle lui constitue pourtant un alibi imparable : "je n'étais pas né".Et en rappelant son extrême jeunesse, "je tète encore ma mère" (v.21), il met en avant, implicitement, sa complèteincapacité de nuire.Sa dernière réplique, sous la forme de quatre monosyllabes, est à peine esquissée.

L'Agneau ne cherche plus àconstruire son plaidoyer, il perd pied devant les attaques hargneuses du Loup qui lui confisque la parole III.

Des personnages vivants Dans sa dédicace "A Monseigneur le Dauphin" du premier recueil des Fables, La Fontaine rappelle le principe quiinspire les fables et surtout les siennes : "Tout parle en mon ouvrage [...].

Je me sers d'animaux pour instruire leshommes".

La réussite des fables de La Fontaine tient à ce que ses animaux sont humanisés, mais cettemétamorphose s'inscrit toujours dans la logique de leur nature, de leur physique, de leur comportement animal, cequi rend encore plus convaincant le passage du récit à la leçon morale qu'on peut en tirer. 1) Des animaux ? a) Le cadre naturel. »

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