LE LOUP ET L'AGNEAU Jean de la Fontaine
Publié le 30/07/2010
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2) ...
aux assertions calomnieuses
Puis il quitte le domaine des préjudices matériels qu'il prétend subir ici et maintenant pour lancer une autreaccusation.Elle est formulée d'une façon toujours aussi catégorique par un péremptoire "je sais" mais le Loup n'apporte pas lamoindre justification à son affirmation ; il quitte désormais le domaine des faits et du présent pour invoquer deprétendues assertions calomnieuses ("tu médis") proférées dans le "passé" (v.19).
C'est donc ici un délit d'opinionqui est reproché à l'Agneau.Le Loup se comporte comme le ferait l'agent d'une police politique dans un régime dictatorial qui prétend interdire àla population victime de ses exactions de se plaindre des sévices dont elle est victime : souffre et tais-toi et même,si besoin est, bénis ton tyran…
3) Une conspiration anti-Loup
Les dénégations de l'Agneau ne décontenancent pas le Loup.
Il n'abandonne pas le chef d'accusation mais enmodifie les circonstances : l'Agneau devient ici, avec ses semblables, l'instigateur d'une conspiration anti-Loup (laconspiration, c'est l'obsession de tous les pouvoirs tyranniques...) dans un drôle de monde à l'envers réinventé parle Loup où les agneaux et les moutons règneraient sur un peuple de "bergers" et de "chiens" - c'est ce que sous-entend la reprise du possessif "vos" du vers 25...
Mais il ne révèle pas ses sources ou ne donne pas ses "indics": ilse contente d'une formule indéfinie ("on me l'a dit")Les hypothèses et les rectifications successives que le Loup s'obstine à apporter ("ton frère", "quelqu'un des tiens"ou un membre du prétendu pacte anti-Loup, "vous, vos bergers et vos chiens") ne sont pas le signe que le Loup estaux abois - loin de là.
Cette résistance inouïe l'exaspère et ne fait que renforcer son désir d'en finir avec lui.
Onremarque que c'est lorsque ses accusations sont le plus dénuées de fondement qu'il est le plus catégorique,multipliant les liens de cause à conséquence ("donc" à deux reprises, "car")
4) Des valeurs aristocratiques
Enfin - comble de la mauvaise foi dans ce monde absurde - pour justifier son crime, le Loup, comme un héros detragédie, revendique des valeurs aristocratiques : l'atteinte à son honneur, à sa réputation ("il faut que je mevenge" v.26).
II.
L'argumentation de l'Agneau
L'argumentation de l'Agneau est à l'opposé de celle du Loup.
En nombre de vers, elle équivaut à peu près à celle duLoup mais la répartition des répliques est bien différente.
L'Agneau essaie de répondre à trois reprises aux menacesdu Loup.
1) Une petite plaidoirie, des éléments à décharge
La première fois (v.10-17), il construit une vraie plaidoirie.
Sans agressivité, avec une politesse respectueuse, ils'adresse au Loup à la 3e personne, reconnaît sa toute-puissance ("Sire", "Votre Majesté").
Il n'aborde pas laquestion immédiatement mais essaie de calmer le jeu.
Puis, à partir du vers 14, il fait appel naïvement à l'objectivitédu Loup pour qu'il reconnaisse que les lois de la physique le disculpent.
Il énumère tous les éléments à décharge("dans le courant", "plus de vingt pas au-dessous") ; il en tire enfin fermement les conclusions, en redoublant le liende conséquence ("Et que par conséquent, en aucune façon").Ses dernières paroles : "troubler sa boisson" font échoà l'accusation du Loup ("troubler mon breuvage") et il pense avoir ainsi démontré clairement son innocence.
2) Protestation d'innocence vaine
Sa deuxième réplique est beaucoup plus courte : deux vers seulement.
Peut-être sent-il déjà l'inutilité de sarésistance ? Il donne à sa protestation d'innocence la forme d'une question - sûrement pour ne pas braquerdavantage le Loup contre lui.
L'impossibilité matérielle lui constitue pourtant un alibi imparable : "je n'étais pas né".Et en rappelant son extrême jeunesse, "je tète encore ma mère" (v.21), il met en avant, implicitement, sa complèteincapacité de nuire.Sa dernière réplique, sous la forme de quatre monosyllabes, est à peine esquissée.
L'Agneau ne cherche plus àconstruire son plaidoyer, il perd pied devant les attaques hargneuses du Loup qui lui confisque la parole
III.
Des personnages vivants
Dans sa dédicace "A Monseigneur le Dauphin" du premier recueil des Fables, La Fontaine rappelle le principe quiinspire les fables et surtout les siennes : "Tout parle en mon ouvrage [...].
Je me sers d'animaux pour instruire leshommes".
La réussite des fables de La Fontaine tient à ce que ses animaux sont humanisés, mais cettemétamorphose s'inscrit toujours dans la logique de leur nature, de leur physique, de leur comportement animal, cequi rend encore plus convaincant le passage du récit à la leçon morale qu'on peut en tirer.
1) Des animaux ?
a) Le cadre naturel.
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