Le Lac (1820) - Alphonse de Lamartine
Publié le 12/09/2006
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un effet d'accélération, comme si Elvire était poursuivie par le temps.Par ailleurs, l'aurore qui se lève lui rappelle le caractère utopique de son désir de suspendre le temps.
Aussi, l'impératif enanaphore « Aimons » auquel on associe « Hâtons-nous, jouissons ! » peut sonner comme le Carpe Diem d'Horace, qui invite àprofiter de l'instant présent.
Ainsi dans la strophe IX, le rythme est accéléré par les impératifs : « Aimons donc, aimons donc ! del'heure fugitive, / Hâtons-nous, jouissons ! » (v.33-34), comme si Elvire voulait profiter du temps et du bonheur présents avantque le jour ne rattrape la nuit.
Les vers 35 et 36 « L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive, / Il coule, et nouspassons ! » sonnent tragique et illustrent la défaite contre le temps qui ne s'est pas arrêté.
Ces deux vers, qui closent cetteprosopopée, représentent le fatalisme face au temps qui, insensible, l'a détruite peu à peu.
On pourrait donc interpréter ces verscomme les dernières paroles qu'Elvire aurait prononcées.Le lyrisme, le genre le plus utilisé dans le romantisme, est omniprésent dans le poème : des questions caractéristiques du lyrismetelles que « qui suis-je ? », « Qu'est ce que je fais dans ce monde ? », « Pourquoi la vie est difficile ? » sont abordées dans cetexte notamment dans les strophes X, XI et XII.
C'est pourquoi ces strophes sont composées de phrases interrogatives, ce quireflète l'état d'esprit du poète.
De plus, le but du poète est de vaincre le temps qui efface le souvenir des hommes : « Eh quoi !n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ? / Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ? » (v.41-42).
A la fin dupoème (str.
XIII, XIV, XV et XVI), sept phrases exclamatives se suivent, traduisant l'indignation du poète devant cette nature etce temps qui détruisent les hommes.
« Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse / (…) S'envolent loin de nous de lamême vitesse / Que les jours de malheurs ? » (v.37 à 40) évoquent l'angoisse et l'incrédulité devant le temps, qui efface lesouvenir, mais aussi l'indignation contre le temps, qui semble couler indifférent aux volontés de l'homme.
On retrouve donc encorecette supplication d'arrêter le temps, qui « engloutit les jours » (v.46), accentuée par les vers 47 et 48 : « Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes / Que vous nous ravissez ? »Dans ces vers, l'ordre qu'il donne à la nature, permettra à celle-ci de s'exprimer à travers la poésie.
Dès la deuxième strophe, Lamartine entretient un rapport très particulier avec la nature, plus précisément avec le lac.
Ainsi ils'adresse directement à cet environnement : « O lac » (v.5 et v.49), « rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! » (v.40), « gardez,belle nature » (v.51), « Beau lac » (v.54).
Par ailleurs, le poète, en s'adressant à la nature, utilise la deuxième personne dusingulier, ce qui le rapproche bien plus de cet élément.
Grâce aux impératifs et aux expressions « Regarde ! » (v.7), « tu la vis »(v.8), « parlez » (v.47) « Gardez (…) le souvenir » (v.51-52) la nature est personnifiée.
Durant tout le texte, le poète implore lanature de lui restituer le souvenir de ces moments d'intense bonheur, dont elle a été le témoin : « Parlez : nous rendrez-vous cesextases sublimes » (v.47).
Tout le problème du poème est de trouver une méthode pour vaincre le temps qui détruit les hommes,et en conséquence, qui efface peu à peu le souvenir.
La nature devient donc la résolution de ce problème : elle gardera lesouvenir de leur amour.
Ainsi le poète lui demande : « Un soir, t'en souvient-il ? » (v.13), la nature est le seul moyen de préserverle souvenir, car elle est éternelle et elle résiste au temps, contrairement aux hommes.
La nature devient ainsi l'interlocuteur dupoète, en conséquence on s'attend à ce qu'elle lui réponde, même si cela paraît invraisemblable, la poésie le permet.Ainsi, dans les strophes XIII à XVI, la nature est évoquée dans sa totalité : « O lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! »(v.49), « dans l'aspect de tes riants coteaux, / Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages » (v.54-55), « Que le vent quigémit, le roseau qui soupire » (v.61) ».
Le poète fait appel à tous les éléments de la nature pour proclamer leur amour et, ainsi,fixer le souvenir parmi eux.
Dans ces strophes, la multiplication d'effets sonores, tels que les fricatives (v.57) : « Qu'ils soit dans lezéphyr qui frémit et qui passe » permettent au lecteur d'entendre le vent, ou bien l'anaphore du mot bords dans le vers 58 :« Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés » donne la possibilité au lecteur d'entendre l'écho.
D'un autre côté, lapériphrase de la lune (v.59) : « Dans l'astre au front d'argent, qui blanchit ta surface / De ses molles clartés ! » et le bruit du vent :« Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe » (v.57) renforcent la beauté du poème.
Ainsi, le but de Lamartine est de faireun poème qui exploite toutes les figures de style de la poésie, pour que la nature devenue poète puisse dire : « Ils ont aimé ».« Ils ont aimé » (v.64) clôt le poème.
Par ailleurs, après avoir personnifié la nature, Il lui restitue la parole.
Et ainsi l'expression del'amour qui est porté par la nature, et non plus par des êtres finis, semble s'inscrire dans la durée.
En outre, le choix grammaticale,à savoir l'abandon de la forme pronominale réciproque du verbe aimer, renforce le sentiment d'universalité de cet amour, quidépasse ce que ressentent ces deux êtres l'un pour l'autre et qui semble occuper tout l'espace.
Le vœux du poète semble ainsiexaucé : la nature est dépositaire du souvenir de cet amour, qui fait désormais partie de son univers et devient éternel.
En pratique, Lamartine est parvenu à immortaliser le souvenir de cet amour, car le lac du Bourget est devenu l'emblèmeindissociable du poème et du poète.
Deux grands thèmes sont évoqués dans ce poème : d'une part, la connivence du poète avecla nature.
En effet, celle-ci, interlocuteur privilégié du poète, peut conserver le souvenir de l'amour, dont elle a été le témoin.D'autre part, et de façon paradoxale, le divorce entre l'homme, qui disparaît, et le monde, qui persiste.
L'homme est impuissantdevant la mort et le temps, ce qui va conduire à son exclusion.
C'est pourquoi les autobiographies sont devenues très populairesau XIXe siècle, traduisant l'angoisse des hommes devant le temps qui efface leur passage.
Ainsi ce texte est un parfait exemple dugenre romantique par ces thèmes..
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