LE FABLIAUX ET LA LITTÉRATURE MORALE
Publié le 16/12/2018
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Les FABLIAUX (forme picarde du mot français fableau, dérivé de fable) sont de courts récits en octosyllabes datant du XIIIe et du XIVe siècle. Nous en avons conservé environ 150.
Origine Au siècle dernier, on les croyait d’origine orientale
et introduits en France soit par les Croisés soit par l’intermédiaire de traductions latines. Mais Joseph Bédier a montré que, si une douzaine de ces contes proviennent de l’Inde, les autres sont tirés d’un fonds commun à la plupart des peuples européens. Dans chaque pays, le thème commun a été traité diversement selon les mœurs, les conditions d’existence, l’esprit même des peuples. Ainsi les fabliaux sont bien des œuvres françaises par l’esprit et la civilisation qui s’y reflètent. D’ailleurs certains d’entre eux reposent sur des jeux de mots qui n’existent qu’en français.
C’est dans le Nord de la France, surtout en Artois, en Champagne et en Picardie, que les fabliaux ont pris naissance. Comme le Roman de Renard, ils présentent les caractères de la Littérature Bourgeoise : goût du gros comique, peinture réaliste de la vie courante, satire alerte et malicieuse, mais sans grande portée. Nous distinguerons deux catégories parmi ces fabliaux : les « contes à rire » et les contes moraux ou édifiants.
I. — “LES CONTES A RIRE\"
La plupart des fabliaux ne sont que des « contes à rire » (le mot est de J. Bédier). Le comique y est parfois leste, souvent grossier : comique de farce reposant sur des jeux de mots, sur des quiproquos, sur des bastonnades. Parfois néanmoins l’observation malicieuse et juste de la vie introduit dans le récit un rire moins vulgaire : comique né des situations et même des caractères.
La satire, expression de l’esprit gaulois, vise invariablement les paysans et les bourgeois naïfs, les femmes trompeuses et rouées, les prêtres paresseux, gourmands et cupides. L’auteur s’amuse à nous peindre ironiquement, mais sans amertume, d’un trait net et pittoresque, les mœurs de la classe moyenne ou des vilains. Il vise à nous fait rire d’une franche gaieté, sans s’indigner contre les abus, ni chercher à moraliser. Les voleurs, les trompeurs sont, hélas, les personnages sympathiques de ces œuvres frondeuses et, somme toute, assez dures sous leur apparence joviale. La seule morale qui s’exprime à la fin de tels fabliaux est parfois une leçon d'expérience, comme celle qui se dégage des Fables de La Fontaine.
Certains fabliaux, très simples, raillent les naïfs qui prennent à la lettre des expressions figurées. Tel celui de « La Vieille qui oignit la paume du chevalier », espérant se le rendre favorable en lui « graissant la patte » avec un morceau de lard. Il s’agit ici d’une confusion du même ordre, mais notre fabliau est infiniment plus riche d’observation et d’éléments comiques. A la satire légère de l’esprit paysan se mêle la critique malicieuse de l'avidité ecelésiastique, thème traditionnel de la littérature bourgeoise. C’est finalement le plus naïf qui triomphe du plus rusé (cf. Pathelin).
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25 30 BRUNAIN,
LA VACHE AU PRÊTRE
Certains fabliaux, très simples, raillent les naïfs qui prennent à la lettre des expressions
figurées.
Tel celui de " La Vieille qui oignit la paume du chevalier », espérant se le rendre
favorable en lui "graissant la patte » avec un morceau de lard.
Il s'agit ici d'une confusion
du même ordre, mais notre fabliau est infiniment plus riche d'observation et d'éléments
comiques.
A la satire légère de l'esprit paysan se mêle la critique malicieuse de l'avidité
ecclésiastique, thème traditionnel de la littérature bourgeoise.
C'est finalement le plus naïf
qu i triomphe du plus rusé (cf.
Pathelin).
D'un vilain conte et de sa fame
Je conte [l'histoire] d'un vilain et de sa
C'un jar de feste Nostre Dame
Pour la fête de Notre-Dame
[femme:
A/oient ourer a l'yglise.
Ils allaient prier à l'église.
Li prestres, devant le servise,
Le prêtre, avant l'office,
Vint a son proisne sermoner,
Vint prononcer son sermon :
Et dist qu'il faisait bon doner
Il dit qu'il faisait bon donner
Par Dieu, qui reson entendait ;
Pour Dieu, si l'on sait le comprendre;
Que Diex au double li rendait
Que Dieu rendait au double l'offrande
Celui qui le fesoit de cu er.
A qui donnait de bon cœur.
cc Os >l, Jet li vilains, cc bele suer,
cc Enten ds-tu JJ, fait le vilain, cc belle sœur,
Que noz prestres a en couvent :
La promesse de notre prêtre ?
Qui par Dieu done a escient,
Qui, pour Dieu, donne de bon cœur,
Que Dex li Jet mouteploier.
Reçoit de Dieu deux fois plus.
Miex ne paons nous emploier Nous ne pouvons mieux employer
No ·vache, se bel te doit estre,
Notre vache, si bon te semble,
Que pour Dieu le donons le prestre : Que
de la donner, pour Dieu, au prêtre :
Ausi rent ele petit lait.
D'ailleurs elle produit peu de lait !
- Sire, je vueil bien que ill' ait,J) -
Sire, je veux bien qu'il l' ait, Jl
Fet la dame, l, fait l'autre, les mains jointes
cc P ar l'amor Dieu Blerain vous doing.>>.
»
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