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Le Choc des Civilisations, Samuel P. Huntington

Publié le 27/07/2010

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L’auteur Samuel Phillips Huntington (1927-2008) est un professeur américain de science politique. Diplômé de l’université de Yale à dix-huit ans, il commence sa carrière d’enseignant dès l’âge de vingt-trois ans à l’université d’Harvard. De tendance conservatrice, il a également été expert auprès du Conseil national américain de sécurité sous la présidence de J. Carter. Il est l'auteur de nombreux ouvrages et articles scientifiques traitant de sujets politiques divers tels que la politique américaine, la démocratisation, la politique militaire ou encore la stratégie. L’ouvrage

1. Contexte Cet essai, dont le titre original est intitulé The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, a été publié en 1996, suite à l’enthousiasme et les débats provoqués trois ans plus tôt par l’article « The Clash of Civilizations ? « paru dans la revue Foreign Affairs. Il a permis à Samuel Huntington d’accéder à la notoriété. La fin de la Guerre Froide a marqué un nouveau tournant dans les relations internationales et S. Huntington propose ainsi une nouvelle analyse des conflits. 2. Résumé Huntington avance l’idée que les affinités et différences culturelles déterminent les intérêts, les antagonismes et les associations entre Etats. Partant de ce postulat, il décrit un équilibre instable entre les civilisations. A travers le colonialisme européen du XIXème siècle et l’hégémonie américaine au XXème siècle, l’Occident qui avait tenté d’imposer l’universalisme comme idéologie tend, par un processus très lent, à s’effacer face à la résurgence des cultures non occidentales. Le renouveau des religions non occidentales, et notamment de l’Islam, est la manifestation la plus puissante de l’anti-occidentalisme dans les sociétés non occidentales. La politique globale, jusqu’alors délimitée par les frontières politiques, va alors se recomposer selon les affinités culturelles qui faciliteront la coopération tandis que les différences culturelles attiseront les clivages et les conflits. Au sein de chaque civilisation, la plupart des pays auront tendance à se conformer à l’attitude de l’Etat phare. Si au niveau global, le principal heurt entre civilisations a lieu entre l’Occident et le reste du monde, au niveau local, il oppose l’Islam et les autres. Ainsi la fin du XXème siècle a connu une augmentation brutale des guerres civilisationnelles et Huntington tente d’expliquer le rôle central joué par l’Islam dans ces conflits. Il termine sa démonstration en donnant des « règles pour la paix «. 3. Eléments remarquables -Huntington s’est inspiré de l’ouvrage de l’historien français Fernand Braudel Grammaire des Civilisations (1987). -La thèse d’Huntington, selon laquelle il ne faut plus penser les conflits en termes idéologiques mais en termes culturels, est une réponse à l’analyse développée dans La Fin de l’Histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama. Ce dernier y défend l'idée que la progression de l'histoire humaine, envisagée comme un combat entre des idéologies, touche à sa fin avec le consensus sur la démocratie libérale qui tendrait à se former après la fin de la Guerre froide. Définitions et concepts

Civilisation/Civilisations : le terme de civilisation au singulier est opposé à celui de barbarie. Le terme de civilisations au pluriel s’est imposé progressivement, cela supposait de rompre avec l’idée qu’il existerait une seule norme de civilisation. Et si les civilisations sont le sujet du livre, la distinction singulier/pluriel demeure pertinente. Selon Huntington, une civilisation est une culture au sens large mais elle est également le mode le plus élevé de regroupement. Elle se définit à la fois par des éléments objectifs, comme la langue, l’histoire, la religion, les coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification. Etat phare : il est le principal pôle d’attraction et de répulsion pour les autres pays. Au sein de blocs culturels, les Etats tendent à se distribuer en cercles concentriques autour du ou des Etats phares, et ce, en fonction de leur degré d’identification et d’intégration avec le bloc auquel ils appartiennent. La suprématie de l’Etat phare lui permet d’exercer son rôle ordonnateur. Postérité et critiques

Cet ouvrage a fait l’objet de nombreuses controverses. Les uns ont reproché à son auteur de peindre un Occident assiégé par des civilisations hostiles (Edward Saïd, intellectuel palestinien, « Le choc de l’ignorance «, Le Monde). D’autres, au contraire, se sont appuyés sur “le retour des religions” pour justifier la position d’Huntington, qui, dans le dernier chapitre de son livre, imagine les islamistes en possession de l’arme nucléaire. Par ailleurs, la thèse d’Huntington offre un axe de lecture tentant, mais réducteur. En effet, le découpage des aires civilisationnelles est arbitraire et l’auteur lui-même reconnaît quelquefois la faiblesse de certains choix. Exemple : le choix d’une civilisation musulmane masque l’extrême complexité des différentes tendances de la religion et les éventuels conflits internes. Outre le manque de pertinence du critère géographique, le choix du facteur de la religion comme facteur déterminant occulterait d’autres variables géopolitiques, économiques, etc. Les attentats du 11 septembre 2001 ont projeté sa vision géopolitique sur le devant de la scène. Les “huntingtoniens” se sont sentis confirmés dans leur crainte par les attentats du 11 septembre 2001. Huntington lui-même commentait avec modestie : “Les événements donnent une certaine validité à mes théories. Je préférerais qu’il en aille autrement.” Citations

« L’Occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l’oublient souvent, mais les non-Occidentaux jamais. « p.50 « L'idée selon laquelle la diffusion de la culture de masse et des biens de consommation dans le monde entier représente le triomphe de la civilisation occidentale repose sur une vision affadie de la culture occidentale. L'essence de la culture occidentale, c'est le droit, pas le MacDo. Le fait que les non-Occidentaux puissent opter pour le second n'implique pas qu'ils acceptent le premier. « p.72 « Le problème central pour l'Occident n'est pas le fondamentalisme islamique. C'est l'islam, civilisation différente dont les représentants sont convaincus de la supériorité de leur culture et obsédés par l'infériorité de leur puissance. « p.239 « Normativement, l'Occident, dans sa prétention à l’universalité, tient pour évident que les peuples du monde entier devraient adhérer aux valeurs, aux institutions et à la culture occidentale parce qu’elles constituent le mode de pensée le plus élaboré, le plus lumineux, le plus libéral, le plus rationnel, le plus moderne. Dans un monde traversé par les conflits ethniques et les chocs entre civilisations, la croyance occidentale dans la vocation universelle de sa culture a trois défauts majeurs : elle est fausse, elle est immorale et elle est dangereuse. [...] L’impérialisme est la conséquence logique de la prétention à l’universalité. « p.343-344 Ouvrages connexes

Marc Crépon, L'imposture du choc des civilisations, 2002 Tariq Ali, The Clash of Fundamentalisms: Crusades, Jihads and Modernity, 2002 El-Mostafa Chadli et Lise Garon, Et puis vint le 11 septembre. L'hypothèse du choc des civilisations remise en question, 2003

 

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