L'art doit-il délivrer un message ?
Publié le 30/01/2013
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Les ?uvres d'art ont-elles pour but de délivrer un message ? En tous temps, l'art a accompagné la société, les grandes périodes et a parfois marqué l'Histoire d'un tournant. Les ?uvres d'art ont donc un impact sur le monde. Il s'agit alors de déterminer la finalité d'une création artistique. A-t-«elle un but purement esthétique ? Est-elle toujours accompagnée d'un message ? Nous allons montrer que la portée d'une ?uvre se joue selon plusieurs axes de « lecture «. Nous nous pencherons tout d'abord sur la question de l'?uvre d'art en elle-même, dans l'absolu, pour ensuite voir la relation qu'elle entretien avec l'époque, le contexte social contemporain et immédiat de sa création. Il s'agira pour finir de montrer qu'elle porte nécessairement un message politique et philosophique, une vision du monde qui lui est propre. I. Kant énonce quatre principes fondamentaux qui permettraient de juger d'une ?uvre si elle est art ou non. L'art est définit par le beau, pour tous et sans règle, sans fin extérieur, désintéressé et qui procure à son public une satisfaction nécessaire et sans origine apparente. D'après ces quatre principes, on peut qualifier les ouvrages -car il s'agit bien d'une production/interprétation manuelle- d'?uvre d'art ou dans le cas contraire d'?uvre artisanale. Eloigné de tout contexte politique, social, économique, temporel et spatial, l'ouvrage de l'artiste doit nécessairement prétendre au beau, sans fin, id est sans message, sans référence. Il faut cependant faire distinction entre beau et agréable. Le « beau « répondra aux principes kantiens alors que l'agréable sera presque son contraire. En effet, une ?uvre agréable procure une satisfaction qui n'est pas nécessaire, est l'agréable n'est pas universel, alors que le beau sans concept l'est, ou peu, du moins, prétendre l'être. L'?uvre doit donc être vierge d'annonces pour être artistique. Il s'agit donc d'un ouvrage esthétique, d'une création. L'artiste doit répondre aux conditions posées par les principes de Kant. Le fait qu'il doit de lui-même être beau, sans concept, paraît être un paradoxe. En effet, toutes les ?uvres d'art qui ne sont pas avant-gardistes (quoiqu'il soit à déterminé ce statut spécial de ce type d'?uvre) répondent à des règles qui sont posées par leurs aînés. Elles ne font qu'imiter un modèle, reprendre les grandes lignes et transposer leur création mentale dans un style, dans un mouvement déjà amorcé et qui n'est donc pas une création artistique d'un bout à l'autre de l'?uvre. L'ouvrage doit donc être esthétique dans la mesure où sa création se fait du départ de l'idée chez l'artiste à sa matérialisation. Doit-on pour cette raison écarter toute ?uvre qui n'est pas la première de son mouvement du groupe « art « ? Non. Car toute ?uvre dans l'absolu, justement, présente son originalité. Abstraction faite de tout ce qui lui subsiste, elle est unique. L'?uvre d'art a donc pour seule nécessité l'esthétique absolue. Mais l'art n'a pas toujours été classé dans une école à part. Avant Kant, et notamment avant le milieu du XVIIIème siècle, l'art et l'artisanat ne faisaient qu'un. Travaux manuels d'une même catégorie, on retrouve cette référence encore aujourd'hui, par exemple dans les « Ecoles d'Arts et Métiers « qui sont des écoles des métiers de l'artisanat et non des beaux- arts. De son étymologie, déjà, l'art se définit clairement : du latin ars, artis qui signifie « la technique «. De cette définition, les principes kantiens peuvent être remis en cause mais la séparation aujourd'hui entre l'art et l'artisanat est claire. L'art part d'une idée, d'une pensée, d'un concept moral pour aboutir à un matériau technique alors que l'ouvrage artisanal est une nécessité et à en soi une fin. C'est donc pour étayer le bien fondé des principes kantiens qui permettent de juger de l'art ou de l'artisanat que la séparation des deux écoles doit être évoquée. Ainsi un ouvrage doit-il répondre à des règles (ce qui est et qui sont tout de même paradoxales) pour être ?uvre d'art : origine morale, esthétique dans un absolu. Cependant, celle-ci n'est une ?uvre que dans un contexte propre à l'art. II. Immédiatement, l'art doit être placé dans un contexte pour être art. Quelle différence fait-on entre une répétition d'un opéra et sa présentation, entre une toile au musée et une toile dans une réserve... ? Une ?uvre est définie dans son absolu mais existe dans un contexte présent précis. L'orchestre symphonique qui répète au conservatoire ne fait pas de l'art mais s'exerce techniquement à présenter une ?uvre d'art. Lorsqu'il sera sur la scène du théâtre face à son public, le contexte présentera l'?uvre comme art. Un exemple plus parlant encore est l'urinoir de Marcel Duchamp. Pourquoi est-ce de l'art ? Il n'a rien fait. En réalité, l'urinoir à l'usine de fabrique est de l'artisanat. Choisi et placé dans un musée, c'est cet urinoir, cet objet qui est l'?uvre, c'est le contexte qui le met en position d'art. Le contexte immédiat est donc un facteur qui se présente comme déterminant pour non pas juger cette fois mais bien déterminer de l'art ou de l'artisanat de l'?uvre. Le contexte plus général de la création a elle aussi toute son importance. C'est elle qui détermine en partie le message transmis par l'artiste. Pour preuve, on remarque bien que l'art tout entier accompagne la société : le rap aujourd'hui (contexte social), la photographie aujourd'hui (grâce à la technologie), et avant fut le cubisme, pour illustrer le malaise, l'incompréhension du monde contemporain au mouvement. Guernica, par exemple, est une ?uvre d'art car éloignée de tout contexte, elle répondra aux principes posés par Kant. Cependant, connaissant l'histoire de la toile, on en tire un message qu'a voulu faire passer l'artiste. L'urinoir de Marcel Duchamp, quant à lui expose la perte de repères et l'envie de chambouler les règles archaïques de l'époque. L'?uvre d'art a donc toujours accompagné une pensée, un message délivré par l'artiste et/ou l'interprète. Message qui peut se lire sous différents angles. Le message délivré par l'?uvre d'art est en premier lieu la pensée de l'artiste qui s'exprimera à travers l'esthétique qu'il entendra donner à son ?uvre. Cette esthétique s'exprime ensuite d'elle-même. On peut se demander si l'artiste fait toute l'?uvre. Cependant, on peut être sûr que l'?uvre a son propre langage, et que l'artiste ne pourrait en aucun cas, même lui, interpréter de manière universelle. Plus encore lorsque l'?uvre nécessite un interprète comme en musique ou au théâtre. Une grande part dans l'intention du texte ou de la composition est laissée à ceux qui la lui font prendre forme. Notamment au théâtre, où les intermédiaires sont nombreux : le texte lui-même, l'auteur, à l'aide des didascalies, le metteur en scène, le scénographe, les comédiens,... Le message sera donc variable encore une fois. On doit aussi considérer la part d'interprétation personnelle du message. Le public lui-même ne peut interpréter de manière universelle l'?uvre qu'on lui présentera, si tant est que c'est une ?uvre d'art. * Une ?uvre d'art porte donc en elle nécessairement un message variable. Elle porte aussi bien plus : une vision du monde en entier, un message politique et philosophique. III. Lorsque l'artiste trace un trait dans ce sens, lorsqu'il compose un concerto, lorsqu'il expose cette ?uvre, alors il procède déjà à l'expression de toute une vision du monde. Les choix qu'il fait, et ceux qu'il ne fait pas participent à l'élaboration d'un message universel. Car une ?uvre d'art est par définition sans concept, donc sans langue et sans frontière, elle transmet à son public un message « total «. En émettant sa pensée initiale dans une ?uvre, l'artiste la place son idée dans toute une vision du monde qui la composera, l'amendera, la complétera ou la contredira. Par exemple, le cadre du tableau, les accords de la composition, la toile de fond de la scène, etc. participent à l'élaboration de cette mise en place d'un univers vraisemblablement parallèle mais que l'artiste dénonce ou défend, et qui est en partie le notre ; car on ne créer pas à partir de rien. Dans une pensée de départ l'artiste propose alors une interprétation du monde. De plus, la durée de vie d'une ?uvre d'art ne connaît pas de limite. Encore par définition, elle est universelle, donc intemporelle. Elle concerne tous les humains. Cette permanence dans le temps engendre un rapprochement entre l'absolu esthétique de l'?uvre et son message. Que signifiera Guernica dans cent, deux cents, mille années ? Aura-t-elle toujours valeur politique ? Sera-t-elle simplement un objet esthétique ? Car une ?uvre ne conserve à jamais son idée de départ que dans les manuels d'histoire de l'art et guère dans les esprits. Cependant, elle montrera à tous jamais ce qu'elle décrivait autour de la pensée initiale, à savoir sa vision propre du monde, de la condition humaine. Son message immédiat laisse place à un message « total « universel et intemporel. Parce que la guerre d'Espagne ne sera plus qu'un détail des livres d'Histoire, mais la condition de l'Homme sera toujours et encore un sujet qui trouble l'Homme lui-même. Par sa permanence, c'est le message philosophique et politique qui domine la pensée de l'artiste. Le public a en plus une marge d'interprétation quasi-infinie. On l'a vu. La perception individuelle d'un tel message ne peut être que distinct d'un être à l'autre. Le message qui motiva l'artiste de créer sera déjà lui- même perçu, peut-être pas sur les faits mais en tous cas sur le fond et sur le ressentit, différemment de lui à son public. La position par rapport à un conflit, la position sur la question de l'art,... Tout cela participe en amont à faire diverger les points de vue. Quant à l'univers que crée chaque ?uvre, on ne la ressentira pas de la même manière que son camarade mais pas non plus de la même manière soi-même selon le contexte. Il est donc difficile pour un artiste de faire passer un message à travers une ?uvre qui, en plus de laisser une marge d'interprétation au public, monte tout autour un univers qui participe à élargir cette marge. Mais son but n'est- il pas celui-ci ? * * * L'art a donc toujours et jouera toujours un rôle dans l'Histoire, dans la philosophie et dans la politique car elle apporte une vision du monde. Et ce parce qu'elle véhicule des messages forts et complets en permettant l'interprétation personnelle et donc, la possibilité d'exercer son esprit critique. L'artiste ne doit cependant pas laisser place à trop d'explicit auquel cas il tomberait dans le pamphlet politique, et divergerait de l'?uvre d'art.
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