L'argumentation est-elle pure spéculation ou s'inscrit-elle dans la vie réelle de l'époque où vit le philosophe ou l'écrivain ? Vous étaierez votre réflexion pour l'essentiel sur les auteurs des Lumières.
Publié le 18/09/2010
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Le XVIIIe siècle voit naître un courant philosophique et culturel qui boulverse les moeurs de l'époque, c'est celui des Lumières. De nombreux philosophes et écrivains tel que Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot pour ne citer qu'eux, publient leurs ouvrages dans lesquels ils dénoncent les injustices dont souffrent certains hommes, et les excès du pouvoir monarchique. Ils sont d'ailleurs favorables à ce que la France s'inspire du modèle de la Monarchie parlementaire Anglaise. Ces penseurs auront ainsi lutté tout au long de leur vie afin de défendre les droits de ceux qui sont victimes; ce sont de véritables humanistes. Cependant, leur argumentation est-elle le fruit de leur pensée ou est-elle influencée par leur environnement extérieur ? Ainsi, après avoir étudié l'argumentation lorsqu'elle provient de l'essence même du philosophe, nous pourrons voir si elle s'inscrit dans son époque.
L'argumentation est le résultat de la pensée du philosophe ou de l'écrivain, c'est pourquoi elle lui est propre. Il peut alors transcender tout son cadre de vie et se focaliser sur des opinions ou des avis qui lui sont chers, sans rapports directs avec la société dans laquelle il vit. L'argumentation peut donc n'être que spéculation lorsqu'elle sert à défendre une théorie émise par un philosophe. Ainsi, ce dernier se détache complètement de son cadre de vie afin de soutenir une thèse qu'il pense être bonne. Son environnement lui est alors complètement secondaire puisqu'en général, son raisonnement se vérifie à n'importe quelle époque et en tout point du globe, puisqu'il est universel. C'est ce que fait Montesquieu dans De l'esprit des lois et Lettres Persannes où il évoque la " Théorie des climats ". Selon lui, les hommes seraient influencés par le climat dans lequel ils vivent, ce qui expliqueraient les différences entre les civilations. Toujours d'après lui, le climat tempéré de France serait l'idéal alors que celui des pays chauds contribuerait à un énervement des population vivant sous son influence et celui des pays du Nord à leur rigidité. D'autre part, toujours dans le siècle des Lumières, l'argumentation peut être sortie du milieu de vie de l'écrivain lorsque celui-ci s'en sert pour défendre une vision qu'il se fait de l'Homme ou de la société. De ce fait, il soutient une idée globale qu'il se fait de l'humanité, idée qui une fois encore traverse les âges puisqu'elle est fondée sur l'étude des Hommes depuis leur apparition. C'est ce que fait Rousseau dans Du contrat social dans lequel il tente de démontrer que l'Homme est fortement influencé par la société et
qu'il existerait chez lui un " Etat de Nature " avant qu'il ne soit pervertis par celle-ci. Cette thèse n'a donc pas de lien direct avec le contexte de l'époque puisqu'elle s'inspire de réflexions faites sur une longue période. Par ailleurs, l'argumentation peut servir à soutenir une doctrine dont le principe est basé sur une valeur universelle, vérifiable à tout moment. En effet, une doctrine est un enseignement qui permet d'interpréter des faits, c'est un ensemble de principes qui sont toujours vrais; ils ne s'inscrivent donc pas uniquement dans le cadre de vie actuel mais dans ils traversent les âges. Ainsi, John Locke, qui est un philosophe Anglais membre des Lumières, défend l'empirisme qui est une doctrine cherchant à mettre en évidence que le fondement et la premiere source de la connaissance se trouvent dans l'expérience. Ainsi, selon lui, la raison ne joue qu'un petit rôle dans le processus de la connaissance, cette dernière s'acquèrant au cours du temps, lorsque l'individu s'épanouit; Locke parle de cette notion dans son ouvrage Law of nature. Ainsi, l'argumentation peut bel et bien être pure spéculation de la part du philosophe et de l'écrivain lorsque celui-ci traite des sujets se rapportant à une théorie, une doctrine ou bien une vision du monde ou de l'Homme. Cependant, même si l'argumentation est le reflet de la pensée du philosophe, l'influence de son milieu de vie est fortement présente, et celui-ci peut donc l'utiliser afin d'étayer sa thèse. A ce moment là, les arguments mis en avant par l'écrivain peuvent avoir pour but de dénoncer un fait de société, ou se moquer de celle-ci. En effet, il a alors la possibilité d'observer ce qui se passe et critiquer ce qui lui semble ridicule, dérisoire ou bien absurde. Pour cela, il est obligé de s'inspirer de son cadre de vie réel, afin de rendre sa critique réaliste et lui permettre de ce fait d'être crédible et donc mieux perçu par le lecteur. C'est ce que fait Montesquieu dans Lettres Persanes (lettre 100) où il dénonce les abus et les excès engendrés par la mode. Il se moque des personnes voulant trop utiliser les accessoires de beauté de son époque tel que d'immenses perruques ou des chassures à très grands talons. Il explique ensuite à quel point tout cela les rend ridicule et que tout ce faste est inutile. Ceci dit, l'argumentation peut aussi servir à dénoncer des sujets plus graves, s'inspirant du contexte comtemporain à l'écrivain. Effectivement, il peut décider de comndamner des pratiques se produisant régulièrement alors qu'elles sont atroces. Il le fait alors pour dénoncer des actes inhumains, cruels ou barbares qui lui tiennent particulièrement à coeur. Il est pourtant souvent obligé de le faire de manière implicite
afin d'éviter la censure à certaines époques dont celle des Lumières. Ainsi Voltaire dénonce la torture dans son Dictionnaire philosophique où il la qualifie d'inhumaine, abominable, et de comparable à une véritable boucherie humaine. Il souhaite qu'elle soit abolie afin que la France puisse vraiment être qualifiée de nation civilisée. Il est également favorable à l'abolition de l'esclavage, pratique exercée principalement en Amérique où les Noirs venus d'Afrique sont exploités dans les champs. Il prend alors le parti de dénoncer ces actes dans plusieurs de ses oeuvres comme Candide (chapitre XIX) et dans Commentaire sur l'Esprit des lois. Dans ce dernier il félicite Montesquieu qui a auparavant également critiqué ses pratiques dans De l'Esprit des lois, XV, 5. Les philosophes des Lumières ont également utilisé leur cadre de vie afin de condamner les abus exercés par le pouvoir mis en place. En effet, de nombreuses voix se sont élevées pendant le XVIIIe siècle afin de mettre en garde la population des injustices et des abominations dont elle était victime au quotidien. Les écrivains ont pour la plupart, fait leur maximum pour alerter leurs lecteurs de l'incompétence du Roi, des excès de la Cour ou bien encore de la tyrannie mise en place. Montesquieu a ainsi expliqué dans ses Lettres Persanes plus particulièrement dans « le roi de france est vieux « que le Roi n'était plus en mesure de s'occuper de la France et qu'il n'en avait pas la compétence. Il essaie, par le biais de cette lettre, de convaincre et de persuader le peuple Français, qu'il faudrait un changement de régime politique puisque celui mis en place n'assure pas la bonne marche du pays. D'autre part, l'argumentation s'inspire du cadre de vie réelle du philosophe ou de l'écrivain lorsque celle-ci lui permet de dénoncer farouchement des actions horribles. En effet, il peut alors condamner des actes inutiles ou sans importance à ses yeux mais qui font beaucoup de victimes ou qui causent énormément de malheur. Il peut ainsi espérer changer les mentalités de ses lecteurs en essayant de les faire adhérer à sa thèse afin de sauver des vies ou modifier leur comportement vis-à-vis de ces actions. C'est ce que fait Voltaire dans Candide (chapitre III) où il montre toutes les horreurs et toutes les atrocités de la guerre, puisque celle-ci devient un spectacle dans lequel les armes deviennent des instruments de mort et où des cadavres recouvrent le sol. Toujours dans Candide (chapitre VI), Voltaire dénonce ensuite l'Inquisition, qui organise un autodafé dans lequel des innocents sont condamnés. Certains le sont même, à mort, tout cela dans le but d'empêcher la terre de trembler une nouvelle fois. Voltaire émet alors une violente critique envers l'Inquisition qui n'est pas juste et qui bafoue les règles de la religion chrétienne qu'elle est censée représenter. Enfin, l'argumentation peut également s'inspirer du milieu de vie de l'écrivain
pour dénoncer les dérives de la société. En effet, certains auteurs décident d'écrire pour mettre en garde les gens des risques de certains phénomènes de société qui peuvent leur paraître anodins mais dont il faut se méfier. Ainsi, ils alertent la population de l'apparente inoffensivité de certaines de leurs occupations qu'ils font au quotidien sans se poser de questions à leur sujet. C'est ce que fait Amélie Nothomb dans son ouvrage Acide sulfurique dans lequel elle dénonce clairement les dérives de la télé-réalité et le fanatisme qui peut accompagner ce genre de programme. En effet, des participants sont envoyés dans un camp de concentration et les téléspectateurs ont pour mission de choisir une victime, qui mourra, chaque semaine. L'emission est un succès car elle est suivie par une immense partie de la population. Amélie Nothomb y dénonce la déshumanisation qui peut accompagner ce genre de programme télévisé. On peut donc en déduire que l'argumentation s'inscrit dans le contexte de vie de l'époque du philosophe ou de l'écrivain lorsque celui-ci s'en inspire pour dénoncer un fait de société, ou une dérive de celle-ci; des pratiques ou bien des actions horribles ou injustes.
Cette étude nous permet donc de conclure que l'argumentation n'est pas pure spéculation, elle s'inscrit dans une époque réelle. En effet, l'écrivain ou le philosophe est en permanence influencé par son milieu même s'il dispose d'une réflexion qui lui est propre. Etant un homme libre, il possède ses propres idées et opinions mais il ne peut être hermétique au monde qui l'entoure et il est donc forcément imprégné des idées qui émanent de la société et de son environnement. Le cadre de vie de l'époque joue un rôle pour l'écrivain ou le philosophe mais également pour d'autres formes d'art. Ainsi, Picasso dénonce l'horreur de la guerre en se servant du bombardement de la ville de Guernica dans le tableau qui reprend le nom de cette ville.
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