L'accord qui ébranla le monde
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
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Les Soviétiques avaient été irrités par le manque de représentativité de la délégation britannique.
Si le général Doumenc étaitbien muni d'un ordre de mission lui donnant " qualité pour traiter de toute question militaire ", l'amiral Drax-Plumkett, lui, n'avaitreçu aucune délégation précise.
Vorochilov se rendit vite compte que les Britanniques avaient pour consigne de " conduire les conversations avec une grandelenteur [...] en termes aussi généraux que possible ".
Il déclarait à longueur de séance qu'on s'en tenait trop à des " principesgénéraux " au lieu de " discuter de plans avec exposés sur les moyens prêts à être mis en oeuvre.
" Et, surtout, il posait une" question cardinale " embarrassante : en l'absence de frontières communes entre l'URSS et le Reich, les Français et lesBritanniques " pensent-ils que les troupes terrestres soviétiques seront autorisées à pénétrer en territoire polonais pour prendredirectement contact avec l'adversaire si celui-ci attaque la Pologne ? ".
Suivait une autre question : " La Pologne accepte-t-ellel'entrée des troupes soviétiques sur son territoire [...] dans le couloir de Wilno...
? " C'est pour permettre à Paris et à Londres derépondre que les " conférences " furent ajournées au 21.
Les Français ne purent convaincre les Polonais, dont le chef d'Etat-major déclarait : " Je ne puis croire que les Russes désirentréellement se battre contre les Allemands [...].
Si nous les autorisons à entrer sur notre territoire, ils y resteront.
" Car la guerrerusso-polonaise de 1920, aggravant un contentieux déjà lourd entre les deux peuples, avait permis à la Pologne d'annexer enUkraine et en Biélorussie des territoires que les Soviétiques considéraient comme russes.
C'est pourquoi l'homme fort de la Pologne des années 30, le colonel Beck, s'efforça de louvoyer entre l'URSS et le Reich (laPologne signait avec ce dernier une déclaration de non-agression le 26 janvier 1934), se référant à ce qu'on nommait à Varsoviele " testament de Pilsudski " : " Avec les Allemands nous risquons de perdre notre liberté, avec les Russes nous perdrons notreâme.
" De guerre lasse, Daladier décida de se passer de l'accord des Polonais.
Doumenc crut pouvoir annoncer à Vorochilov, le22 août, que la " question cardinale " était résolue mais le Soviétique en douta : l'état-major polonais " n'aurait pas voulu rester àl'écart des questions discutées ici et le concernant de si près ".
Il ajoutait que les conversations pourraient reprendre " à lacondition toutefois qu'aucun événement politique ne se produise entre-temps ".
L'événement se produisit : c'était - on s'en doute - l'arrivée de Ribbentrop à Moscou.
Stupéfiant à tous égards pour lescontemporains, il survenait au terme d'un enchaînement logique.
Le congrès du Komintern de 1935 avait affirmé : 1-que la guerre était d'autant plus prévisible que les pays capitalistes étaienten pleine crise 2-que l'URSS devait être protégée coûte que coûte.
On prôna alors la ligne des fronts populaires dans le mêmetemps où l'URSS se rapprochait des démocraties libérales bourgeoises pour brider l'expansionnisme fasciste.
Mais la guerre d'Espagne, la politique britannique de l'appeasement, amènent Moscou à prendre, dès la fin de 1937, sesdistances à l'égard de Paris et de Londres.
La conférence de Munich, d'où les Soviétiques furent exclus, renforce chez eux lavolonté de s'en tenir à une relative neutralité et de voir venir : c'est ce qu'exprime clairement Staline, le 10 mars 1939, devant ledix-huitième congrès du PC de l'URSS : " nous n'irons pas tirer les marrons du feu pour autrui " et, de fait, tout au long de laguerre des nerfs, l'URSS va mener, non sans rouerie, une double négociation.
La complicité active
C'est Moscou, semble-t-il, qui fit les premières approches, par le biais d'échanges commerciaux.
Les Allemands, d'abordréservés, demandèrent à voir, ce à la fin mai les Soviétiques hésitant à leur tour, on reprit langue à la fin juillet.
L'ambassadeur allemand à Moscou rapporte, le 4 août, avoir trouvé Molotov occupé par ailleurs, rappelons-le, à négocieravec les Franco-Britanniques, " particulièrement ouvert ".
Et, le 14 août, c'est le début du Blitzkrieg diplomatique allemand :Ribbentrop veut venir en personne à Moscou pour le " rétablissement d'une coopération amicale d'un genre nouveau " Molotov,trouvant la proposition intéressante mais prématurée, relance l'idée d'un traité économique deux jours plus tard, nouvel appel deRibbentrop, encore plus pressant : les négociations permettraient de délimiter des zones d'influence réciproques le 18, Berlinsouligne que c'est " la seule méthode pour [...] prendre en considération les intérêts russes en cas de conflit ".
Et c'est le 19, selontoute vraisemblance, que Staline tranche (à cette date, les négociations franco-britanniques sont suspendues), mais en faisantmonter les enchères : c'est Moscou qui remet à Berlin un projet de pacte de non-agression, exigeant que soit " partie intégrantedu pacte " ce que les Soviétiques nomment alors un " protocole particulier ".
Dans les heures qui suivent, Hitler " accepte le projetde pacte de non-agression ", tout en ajoutant qu' " un homme d'Etat allemand responsable " doit impérativement venir à Moscou" clarifier le protocole complémentaire ".
Le 23, c'était à Ribbentrop de jouer.
On devine aisément ce qui a pu motiver Hitler, pour lequel la Russie demeurait, sans conteste, la terre à conquérir pour lepeuple allemand.
Pragmatique, il utilise pour l'heure l'URSS, évite le risque de guerre sur deux fronts et s'empare d'une bonne.
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