La vérité est une notion recherchée par l’homme depuis toujours. L’on souhaite tous un jour la trouver afin qu’elle puisse, peut être, nous apporter certaines réponses sur notre condition humaine : l’homme voudrait tout comprendre pour sortir de son ignorance. Comme le dit Pascal, c’est moins la détention de la vérité que sa recherche qui importe. L’homme ne peut ainsi freiner sa conquête de la vérité, puisqu’elle reste essentielle à toute réflexion et qu’elle permettrait de lui rendre la vie plus acceptable. Selon St Thomas, la vérité est surtout une « adéquation de la chose et de l’intellect». C’est à dire que cette vérité n’est pas moins dans l’esprit ou dans la chose que dans la juste relation entre ces deux termes. Ainsi, on pourrait se demander ce qui nous permet de trouver cette vérité, et plus encore ce qui nous permet d’affirmer sa véracité. Existe-t-il des critères ne pouvant mettre en doute cette vérité si recherchée ? Il y a en effet plusieurs critères qui guident vers le chemin de la vérité, mais parmi eux l’évidence est un de ces critères de vérité qui s’impose à l’esprit en écartant le doute. Evidence vient du latin « videre » qui signifie voir, et de plus voir clairement, puisque l’évidence s’impose à l’esprit comme une vérité claire, ou une réalité, sans qu’il soit besoin d’aucune preuve de justification. Selon Descartes, l’évidence est le critère le plus parfait de la certitude, et permet donc d’être certain d’une vérité : ainsi, pour ce philosophe du XVII, l’on doit admettre comme vrai que ce qui résiste au doute. Il place donc l’évidence comme critère de vérité comme le ferait tout homme sûr de ses évidences : en effet, quand une vérité s’impose à notre esprit avec force et lumière, l’on ne peut la contester. Cependant, un autre philosophe de la même époque révoque cette théorie : pour Leibniz, l’évidence reste un critère trop floue de la vérité, et, puisque subjectif en tout et à chacun, ne permet pas d’affirmer avec certitude la véracité d’une opinion. Ainsi, le sujet vient à nous poser la question de l’évidence critère de vérité. Premièrement, nous allons démontrer que l’évidence peut être vu comme un critère de vérité, d’après Descartes. En second temps, nous analyserons l’idée de Leibniz vis à vis de l’évidence, et pourquoi selon lui il faut s’en méfier. Finalement, nous verrons ce que l’évidence vaut vraiment par rapport à la vérité. Un critère de vérité permet de distinguer le vrai du faux d’une idée, et, puisque la vérité peut parfois être difficile à trouver, ces critères sont la pour aider l’homme dans sa recherche. Ainsi, une évidence qui s’imposerait comme une lumière fugace à l’esprit et viendrait balayer tout nos doutes, ne lui accorderions-nous pas toute notre confiance ? Certes l’évidence possède une force à qui on ne peut refuser notre adhésion, mais c’est avant tout une notion subjective : en effet, ce qui peut paraître évident à l’un ne l’est pas forcement pour l’autre. Ainsi, comme il serait évident pour moi que la conduite se fasse à droite en France, il est également évident qu’à l’autre côté du globe comme en Australie, le volant se tienne à gauche. Une chose banale peut ainsi être évidente ou pas selon les individus par rapport à leur perception des choses comme à leur expérience de vie. Et puis, qu’est-ce que la vérité ? Selon sa définition propre, la vérité est le caractère de ce qui existe réellement et est bien tel qu’il y paraît. Pourtant mes émotions, mes sentiments sont forts et vrais mais ils n’existent pas matériellement. En soit, devrait-on comparer la vérité au réel pour être certain du vrai ou du faux ? Nous disons sans cesse « ce tableau est un faux » ou « ce sont de vrais diamants » mais ces propositions restent paradoxales : ces objets sont vrais puisqu’ils sont matériels et que je les vois comme je peux les toucher. La définition se heurte au langage parlé, puisque une chose est ce qu’elle est, elle n’existe ou pas et n’est dès-lors ni « vraie », ni « fausse ». Bossuet, écrit : « Le vrai est ce qui est, le faux est ce qui n’est point ». Le vrai représente donc le réel. On peut également se demander si la propre définition de la vérité ne serait pas simplement ce qui n’est pas illogique, présentant un défaut. En effet, ce qui n’est pas contradictoire est considéré comme vrai, et est vrai ce qui relève de la vérité. Ce raisonnement par analogie nous fait percevoir, qu’en effet, tout raisonnement présentant une contradiction est directement faux. Ainsi, si l’on considère que l’évidence s’impose à l’esprit avec une telle force qu’on ne peut la contredire, la contradiction s’oppose à cette idée d’évidence. Des-lors je peux dire que l’évidence possède un lien avec la vérité, et permet ainsi de distinguer le vrai du faux. L’évidence s’impose alors en critère de vérité. Nous avons démontré que l’évidence pouvait être un critère de vérité, mais nous pouvons maintenant nous demander comment cette évidence peut être utilisée pour distinguer le vrai du faux. L’évidence est certes placée comme critère de vérité, mais parvenir à la vérité ou même l’approcher n’est pas chose aisée. Depuis l’Antiquité, les penseurs se sont ainsi demandés comment l’homme, être maladroit, pourrait se dire certain de quoi que ce soit. Comment pourrait-il reconnaître la vérité ? Les idées claires et distinctes de Descartes peuvent aider les hommes à y voir plus clair : dans Discours de la méthode, le philosophe tend à nous inculquer quelques règles simples de mathématiques pour en faire le modèle de toute science. Pour lui : « Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, le principal et de l’appliquer bien. ». Selon lui les mathématiques sont beaucoup plus important que ne le laisse penser le simple maître d’école, c’est pourquoi il s’efforce de rendre compte dans son ouvrage des méthodes des mathématiciens. La supériorité des mathématiques peut en effet s’expliquer par le fait qu’elles suivent une façon de faire : premièrement l’intuition des évidences premières, puis les déductions à partir de ces évidences. Descartes expose donc quatre règles seulement : la règle de l’évidence, soit n’admettre que ce qui résiste formellement au doute, puis la règle de l’analyse, de la synthèse et du dénombrement. La règle de l’évidence expose ainsi la notion de cogito et d’idées claires et distinctes. De ce fait, la vérité saute au yeux et paraît dès-lors évidente si l’on suit le modèle du cogito, selon Descartes. L’évidence seule peut donc fonder la certitude, et les idées claires comme les idées distinctes permettent respectivement de distinguer clairement les idées, et de ne pas entrer dans la confusion. Descartes reste par ailleurs persuadé que tout le monde possède cette même « lumière naturelle » qui va permettre à ceux qui le souhaitent d’exercer leur intuition et leur déduction. L’évidence est ainsi une intuition instantanée qui permet d’affirmer avec certitude une proposition. Pour Descartes en effet, l’évidence se place en tant que criterium suprême de la vérité. Nous avons ainsi démontré comment pouvait fonctionner l’idée évidente, mais nous pouvons toujours nous questionner sur son application face au doute. Descartes nous explique certes que l’évidence est l'idée si claire et si distincte que l'esprit ne peut pas en douter, mais il ne nous donne pas de « recettes magiques » pour appliquer ses règles et ainsi faire usage de l’évidence. Il est en effet difficile pour l’homme de capter les évidences les plus rationnelles, comme l’écrit Aristote : « De même que les yeux des chauves-souris sont éblouis par la lumière du jour, ainsi l’intelligence de notre âme est éblouie par les choses les plus naturellement évidentes ». Ainsi Descartes use, pour balayer les fausses opinions, du doute cartésien : à la différence des sceptiques, qui ne doutent que pour douter, Descartes doute pour parvenir au vrai et donc à l’évidence. Il fonde pour ce faire deux méthodes : le dieu trompeur et le malin génie avec lesquelles on doute de notre réalité et du monde réelle qui nous entoure. Spinoza se distingue quant à lui de Descartes en affirmant qu’on peut reconnaître qu’une idée est évidente sans forcement user d’un doute, du malin génie et d’un dieu trompeur. Spinoza évoque la notion d’idée suffisante (dans son Traité de la Reforme de l’Entendement), c’est à dire d’une idée qui serait évidente puisqu’elle contiendrait en elle-même sa propre preuve. Par exemple, dire « L’homme pense» est une idée suffisante et dont l’idée n’a pas à se prouver puisqu’elle se prouve toute seule. Dire le contraire pour cet exemple serait complètement absurde, puisque je suis moi même un être humain en train de penser. L’évidence agit ainsi en tant que criterium suprême qu’on ne pourrait contester. Il a ici été prouvé que l’évidence était un critère propre de vérité et même un critère suprême selon Descartes, en ce premier temps. Cependant, si l’on considère l’évidence comme une notion subjective à tout individu, alors quel crédit apporter à cette notion ? Nous verrons en ce second temps que certain son contre cette évidence en tant que critère de vérité. La vérité est ou n’est pas, et un critère de vérité ne peut alors être subjectif. La vérité doit être égale et pareil pour tous, indépendamment de ses expériences de vie, de sa nationalités etc… La vérité est universelle et éternelle, et le criterium suprême de la vérité ne peut alors être une notion subjective. Si l’on considère que chacun peut voir une évidence propre à sa personne, cette dernière ne devient plus qu’une vague impression, une sorte d’émotion propre à chaque individu. L’évidence relève donc plus d’un sentiment personnel que d’une réelle intuition, un critère accessible à tous. Or un sentiment est subjectif et ne peut être égale à un résultat pleinement objectif : l’évidence n’est plus fiable si elle est relative à la vision du monde de chacun. Bachelard disait également « il n’y a pas d’évidences premières, mais que des erreurs premières. » En ce sens Bachelard essaie de nous avertir sur le danger de l’idée évidente qui peut aveugler l’esprit qui écarte dès-lors le doute (peut-être trop vite) : l’évidence est parfois trompeuse et peut ainsi être un critère beaucoup trop floue pour pouvoir distinguer la vérité. Dès-lors que l’évidence appartient au domaine du subjectif, quel crédit peut-on lui accorder ? L’évidence ne diffère-t-elle pas selon l’état physique ou mental de l’observateur ou, encore, selon les types de mentalité ? Leibniz est le philosophe qui, contrairement à Descartes, révoque cette idée de notions claires et distinctes et de criterium suprême de vérité qu’il considère comme trop confus pour pouvoir distinguer le vrai du faux. « La philosophie cartésienne est comme l'antichambre de la vérité. On se prive de la véritable connaissance du fondement des choses quand on y reste » écrit-il. La mise en question de ce philosophe de l’évidence cartésienne conduit à s’interroger sur les limites d’une évidence critère de vérité. Descartes et Leibniz accepte tout deux cette notion d’évidence, mais présentent une différence entre l’évidence cartésienne et l’évidence formelle de Leibniz : pour ce dernier l’évidence n’est pas un critère unique de vérité. Certes il ne la réfute pas pour autant, mais il ne peut être satisfait de son caractère subjectif, puisque seule notre conscience témoigne de la vérité que peut saisir l’évidence. Cette notion ne lui apparaît donc pas comme étant un critère valable, à qui il préfère le doute qu’il juge plus formel. L’esprit humain use en effet de démonstration pour pouvoir définir la vérité, et c’est ce que Leibniz préfère, car l’évidence, pense-t-il, pourrait être corrompu par quelques préjugés (par exemple). L’esprit humain peut ainsi voir un rectangle sur une feuille, mais il peut lui sembler évident que cette forme géométrique représente un carré. Cependant, en usant d’une bonne démonstration, il lui sautera aux yeux que son évidence première était erronée : c’est en effet en admettant avec logique une opinion qu’il n’y aura pas besoin d’autre critère afin de prouver la vérité. Nous avons secondement démontré que l’évidence n’est pas forcement un critère valable pour tous. Trop subjectif, trop floue, il n’apparaît pas comme le seul et unique critère de vérité. Mais alors que représente l’évidence vis à vis de la vérité ? C’est ce que nous allons montrer en cette troisième partie. Selon Kant, l’évidence n’est pas en mesure de fonder la vérité d’une connaissance. La vérité comporte plus qu’une simple dimension d’évidence : elle est en effet confrontée à la réalité. Mais comment être certain que mon idée, même réellement évidente d’un objet, corresponde exactement à la réalité alors que cette réalité n’est que la formation de mon cerveau, de ma perception personnelle ? Et sachant que ma perception de la réalité n’est propre qu’à moi même, et qu’elle ne correspond donc pas à ce que représente réellement la réalité, comment mon esprit pourrait-il définir ce qu’est la vérité par rapport à ma réalité ? La vérité est en effet une notion universelle et son universalité ne peut donc pas dépendre des pensées de chacun. Ce paradoxe nous amène à penser que la vérité formelle, n’exprimant alors que la forme indiscutable d’un raisonnement, pourrait être considérée comme le seul critère de vérité valable. Une proposition scientifiquement prouvée est irréfutable, une opinion parfaitement démontré est incontestable, certes. Mais qu’en est-il du syllogisme ? Prenons un syllogisme parfaitement vrai : « tout ce qui est rare est cher. Un cheval de race bon marché est rare. Donc un cheval de race bon marché est cher ». On voit bien le danger d’une vérité simplement formelle : elle ne renvois à aucune « matière » réelle ; elle n’est vraie que « formellement », que par son raisonnement. La vérité formelle peut donc être parfaitement absurde, ce qui prouve que la vérité scientifique n’est pas absolue : une démonstration n’a pas forcement besoin d’être rigoureuse pour être vrai. Des-lors, existe-t-il réellement un critère valable de vérité ? Il n’existe selon Kant aucun critère matériel universel à la vérité, vérité que chaque individu devrait ainsi trouver par lui même. Comme le disait Descartes : « tout ce qui est évident est certain, mais tout ce qui est certain n’est pas forcement évident », ainsi la certitude pourrait agir comme critère de vérité si on admet bien sûr que l’évidence n’est pas le critère essentiel à la vérité. D’après Descartes, tout ce qui est évident est forcement vrai. Certes, cette théorie pourrait s’appliquer à bons nombres de choses simples dans notre quotidien, mais elle peut également être absurde : la religion pose par exemple ses évidences. En effet, il était convenu de croire que le soleil tournait autour de la terre, qui était le centre de l’univers. Cette proposition paraissant évidente, semblait ainsi vrai pour tous. Mais elle est pourtant fausse, comme le prouva Galilée. Ainsi, certitude et évidence peuvent être des notions qui évoluent selon le temps et l’espace, les époques comme les mentalités, et les hommes devraient certainement s’en méfier comme nous le dit Leibniz. Certes ils peuvent nous permettre d’accéder à la vérité, mais jamais avec certitude complétée. Nous avons finalement démontré, dans un premier temps, que oui, l’évidence pouvait être critère de vérité, grâce à Descartes et aux idées claires et distinctes. Seulement, et en deuxième moment, nous avons démontré que l’évidence était tout de même beaucoup trop subjectif pour être un critère infaillible à la vérité, comme le disait ce même philosophe. Leibniz nous prouve ainsi qu’il reste trop floue. Enfin, dans un dernier moment, nous avons pu en déduire que le critère de l’évidence serait double face : l’évidence est certes un critère de vérité, mais pas le plus important puisqu’il ne permet pas de distinguer le vrai du faux avec certitude. L’évidence est ainsi trop subjective pour parvenir à délivrer une vérité. Certes elle peut être considérée comme un critère de vérité, mais à ce point seulement de moitié : sa subjectivité lui enlève son autorité et la classe parmi les critères « flous ». La vérité est finalement accessible à tout individu doué de bons sens : à lui de trouver les critères valables pour sa propre perception. Certains hommes aiment se reposer sur l’opinion du plus grand nombre pour fixer leur avis et ainsi trouver leur vérité, d’autre ne croit qu’en leur propre perception des choses… La vérité est ainsi relative et subjective à chacun, et chaque critère pourrait par conséquent être discuté. En définitive, on ne sait peut être et simplement pas bien définir la vérité. Platon exprime en effet le fait que si l’on savait ce que signifiait la vérité, nous n’aurions ainsi pas besoin d’être constamment à sa recherche. Or, cette recherche définit la philosophie, et la condition existentielle de l’homme. En définitive, on ne peut jamais vraiment être certain d’une vérité, à part des plus formelles ou des plus matérielles. Nous pouvons alors nous poser cette question : n’y a-t-il eu jamais une vérité vraie ? L’évolution de la réflexion au fil du temps nous poussez sans cesse à remettre en question les vérités qui nous paraissaient évidentes….