Devoir de Philosophie

la tragédie dans les romans au siècle des lumières : deux exemples, Manon Lescaut et Les Liaisons Dangereuses

Publié le 13/03/2011

Extrait du document

lescaut

Le tragique dans les romans du 18°siècle.

 

 

 

 

Le 18°siècle est celui de l'explosion du genre romanesque, au dépend des pièces de théâtres classiques tragiques. Cependant, le tragique n'est pas totalement délaissé par les auteurs ; il est seulement adapté aux romans.

La stylisation de la tragédie classique est d’ailleurs désignée comme un peu excessive (les pièces tragiques classique se situent dans un ailleurs lointain, souvent antique, ses personnages sont épurés, tracés avec des règles formelles et de bienséance, a tel point que le classique pouvait parfois sembler figés). Au contraire, le tragique du roman se défait de ces règles trop strictes. Il s’inscrit dans un monde qui se veut non seulement vraisemblable, mais réel.

Prevost va s'imposer, avec Manon Lescaut, par la synthèse originale d'un univers romanesque et d'une peinture des passions, et Laclos, issue de la génération suivante d'auteurs de romans, suit son exemple dans les Liaisons Dangereuses.

L’adaptation au monde réel, la création d’une intrigue romanesque, et non théâtrale, bref, le manque de stylisation du tragique dans Manon Lescaut comme dans les Liaisons Dangereuses pourrait être vue comme une dégradation du genre. Et pourtant non : le tragique du roman, œuvre moderne, n’est pas inférieur à celui d’une pièce classique ; il reste tout aussi frappant.

Ainsi, Manon Lescaut et Les Liaisons Dangereuses s’apparentent au genre tragique classique tout en le transgressant, mais de façons tout a fait différentes. Nous allons étudier ce genre original et novateur, en voyant comment les deux auteurs ont fait de leur roman une tragédie, puis, dans quelle mesure ils l'ont innové, au risque de s'éloigner un peu trop des règles classiques, et enfin, quel intérêt romanesque apporte cette dimension tragique.

 

 

1 – Le tragique dans les romans.

 

Pour qualifier une œuvre de tragique, il faut avant tout que les faits narrés soient désastreux et émouvants ; puis, que le héros soit une personne noble, distinguée – un roi, un chevalier, bref, une figure qui impose une certaine distance – en proie à une passion brutale, l’amour par exemple ; enfin, qu’une fatalité aveugle et cruelle s’en prenne à lui, incarnée en des entités humaines (figure autoritaire, société répressive) ou même en des accidents ex-machina (évènements imprévu, imprévisibles et inexplicables, mais toujours tendant vers le malheur).

 

a) Or tous ces facteurs sont présents dans Manon Lescaut. L’histoire racontée est celle d’un amour impossible. Manon apparaît dès le début comme une femme inaccessible, volage, vouée à faire souffrir l’homme qui sera amoureux d’elle ; Manon semble inconsciente des souffrances qu’elle provoque. Toute l’intrigue s’articule autour de la quête du bonheur de Des Grieux et Manon, dans un mouvement qui assez vite devient celui de la chute de plus en plus rapide et inéluctable. Et, ultime effet tragique, au moment où finalement l’amour pour Manon semble être possible, où l’intrigue semble déboucher sur une résolution positive, Manon est emportée par la mort.

 Dans les Liaisons Dangereuses, les choses sont différentes : on retrouve une trame sombre, et une logique implacable qui peut évoquer le mécanisme du tragique. Cependant, contrairement à la tragédie grecque, le roman libertin ne convoque pas les dieux. Avant d'être une puissance transcendante que l'homme redoute, la fatalité apparaît comme une arme. En arguant qu'il ne peut lutter contre l'amour qui le submerge, Valmont se présente comme une victime du sentiment, dont il n'est donc pas responsable ; de plus, il engage la Présidente à l'aider. Celle-ci devient l'arbitre de sa destinée : « Par quelle fatalité le plus doux des sentiments ne peut-il vous inspirer que l'effroi ? » (24). Elle aimerait croire à la prédestination : « Qui sait si nous n'étions pas nés l'un pour l'autre ! » (132).

La dernière partie du roman condense les mécanismes du piège tragique comme une tragédie resserre la crise au moment où, toutes les forces étant posées, le dénouement n'a plus qu'à s'accomplir seul. Le récit de la chute de la Présidente équivaut à la catastrophe qui précipite ce dénouement. Partant de l'exploit de Valmont, Laclos enchaine les évènements comme les rouages d'une mécanique : demande de récompense, exigence de preuve, rupture, humiliation de la Marquise, vengeance, duel, morts. Plus que métaphysique, le dénouement apparaît logique. L'univers qui émane de cette dévastation des passions préfigure la fin d'une société. Aucune descendance n'est envisageable : fausse couche, mort de Valmont et de la présidente, entrée des jeunes gens dans les ordres.

 

 

b) Cependant, l'intrigue ne suffit pas à qualifier une œuvre de tragique : la façon d'adapter le roman à un genre originellement réservé au théâtre n'est pas évident.

Si dans le roman de Prevost, la psychologie du personnage reste ponctuelle (celle d’un homme transi d’amour), la situation tragique du héros se reflète surtout dans son langage. A l’intérieur de la narration, Des Grieux s’exprime très souvent dans un registre tragique: il s’exclame : «Perfide Manon! Ah! Perfide! Perfide!» ; il multiplie les adieux déchirants ; les adjectifs tels que «funeste, cruel, affreux, mortel» ; il parle avec emphase : «adieu père barbare et dénaturé». Tout comme dans une tragédie classique, le héros existe à travers son langage : le drame, qui pourrait être, finalement, tout à fait silencieux, éclate dans les mots. Le langage du héros devient alors plainte désespérée contre le malheur, et la fatalité.

Car Manon Lescaut est tragique surtout par le rôle remarquable de la Fatalité comme moteur même de l’intrigue. Les expressions qui font appel au Ciel, à la fatalité, à la destinée, sont en effet omniprésentes. On parle de «l’ascendant de ma destinée…», du «Ciel», on se demande «Par quelle fatalité suis-je devenu si criminel?». La fatalité est le principe organisateur de tout le roman ; c’est même un expédient narratif par excellence : la «fatalité» permet, en effet, un agencement serré des péripéties, qui semblent avoir ni cause, ni origine, et se déroulent les unes après les autres, s’enchaînant sur un tempo presque furieux.Il est enfin intéressant de voir comment Prévost traite la mort qui clôt le roman tragique. Le roman met directement en scène la mort de Manon, dans un passage qui, par son caractère saisissant, a été comparé à une scène tragique. Le dépouillement des lieux, l’ampleur de l’espace, le désert, la solitude qui environnent les personnages, évoquent le dépouillement théâtral, l’abstraction d’une tragédie classique. En quelques lignes, Manon devient un personnage tragique qui lutte contre la mort pour un dernier geste d'amour, par le discours de Des Grieux qui embellit cette scène.

 

Mais le tragique n'est pas vu, ni abordé de la même façon par Prévost et Laclos : si la fatalité est le principal instrument de tragédie dans Manon Lescaut, dans les Liaisons Dangereuses, c'est la composition épistolaire du roman qui devient cet instrument.

Le lecteur est le seul à lire toutes les lettres, il est plongé, comme au théâtre dans la tête des personnages et peut envisager par avance les trames qui se préparent et qui mènent inévitablement vers un dénouement tragique. La lettre devient l'arme privilégiée de la stratégie de séduction des libertins, elle permet de tromper, de manipuler et de séduire. Cependant, l'écriture peut devenir un relai de la fatalité : elle finit par prendre Valmont à son propre jeu, puisqu'il se plait à écrire à la présidente, alors qu'il est originellement censé la piéger. Valmont se surprend à gouter aux charmes de la résistance, de l'attente des lettres, de la lecture entre les lignes ; ainsi, la lettre agit non seulement sur le destinataire, mais aussi sur l'émmeteur. L'écriture devient l'expression de la lutte entre la raison et le sentiment ; mais aussi de la jalousie, du désir de vengeance, de l'orgueil qui oppose Valmont et Mme de Merteuil dans une lutte implacable pour affirmer sa liberté.

C'est une simple lettre qui détruit Mme de Tourvel, c'est sa correspondance dévoilée au grand jour par une ultime attaque de Valmont qui anéantit la réputation que Mme de Merteuil s'est appliquée à construire pendant des années, les lettres de Laclos, plus complexe que la fatalité de Prévost, ont ultimement le pouvoir de tuer.

Cependant, tout comme dans Manon Lescaut, une voix exprime toute la passion et le pathétique d'un personnage de tragédie classique, celle de Mme de Tourvel. Personnage pathétique par excellence, voué au déchirement entre le devoir et l'amour, entre la paix intérieure et les orages de la passion, c'est une amoureuse tragique. Tout ce qu'elle dit, écrit ou fait est un pas de plus vers sa chute, qui semble, dès la seconde partie du roman, inévitable. Partagée entre le devoir et l'amour, elle ne peut choisir que la fidélité conjugale. Le libertin transforme le dilemme. Sommée de trancher entre le bonheur et la mort de Valmont, elle tente de le sauver. Sa fin dans l'enceinte du couvent, en proie au délire, unit les deux faces de sa personnalité : l'âme pieuse et l'amante, et font d'elle une héroïne tragique par excellence.

 

 

2 Le dépassement du tragique dans son adaptation romanesque.

 

En refermant le livre, le lecteur est donc frappé au premier abord par le tragique d’intensité croissante, qui culmine par la mort de Manon, ou par la chute des personnages de Laclos.

Toutefois, faire de ces deux romans la restitution romancée d’une tragédie de Racine serait forcer certains traits à outrance, et oublier les éléments qui dépassent le domaine du tragique, ou constituent même une transgression de ses règles.

 

a) La construction de l’intrigue de Manon Lescaut diffère radicalement de celle d’une tragédie classique qui se résout selon la règle des trois unités ; son intrigue est linéaire, et doit avancer d’une façon toujours égale et nécessaire, jusqu’à la crise finale. L’intrigue de Manon Lescaut ou des Liaisons Dangereuses, bien au contraire, est complexe, construite autour d’une série de répétitions, de péripéties, et d’évènements secondaires (on pourrait supprimer plusieurs péripéties sans affecter le sens général de l’intrigue et son déroulement global).

De plus, les scènes d'actions se déroulent dans un monde connu des lecteurs, ancré dans le réel. Alors que la tragédie classique se déroule dans un espace et un temps aussi clos que lointains, Manon Lescaut se développe dans un cadre spatio-temporel proche du lecteur, qui contribue à la restitution d’un monde réel : ce sont Le Havre, Chaillot, Paris et ses lieux célèbres : l’Hôpital de la Salpêtrière, le quartier Saint Lazare, l’Opéra… Le monde évoqué n’est pas celui élevé et sublime des classiques. Au contraire, toute une partie des évènements se déroule dans des auberges, des carrosses, des appartements loués, des cabanes, lieux inintéressants et médiocres. Il s’agit d’une société corrompue, où délinquance et prostitution sont présentes. Et comme dans la société réelle, la force qui motive le drame dans le roman est celui de l'argent. L’escalade dans la débauche est provoquée par le besoin d’argent de Manon. La question est cruciale : chaque somme payée, empruntée, ou perdue, est spécifiée. Un héros tragique ne s’abaisserait jamais à faire ses comptes ou à parler d’argent.

Bien que l'intrigue se déroule dans des lieux connus du lecteur, les questions d'argents ne sont pas du tout évoquées dans le roman de Laclos, pas plus que l'action ne sort des cadres nobles et riches des châteaux et des appartements de luxe. Quant à la prostitution, elle est seulement évoquée, et reste luxueuse et non-vulgaire.

 

b) Le roman de Prévost présente même d’autres tonalités, incompatibles avec le tragique : le comique, et se rapproche en cela des Liaisons Dangereuses.

Manon Lescaut présente des scènes lancées sur une tonalité tragique, mais qui se rapetissent peu à peu et perdent leur grandeur pour apparaître tout simplement comme des échecs sans éclat. Ainsi l’attaque du coche présente un dégonflement de la grandeur épique et chevaleresque. Le dialogue avec le père également : face aux tirades grandiloquentes du fils, le père répond, froidement et platement : «Je retourne au logis ; je t’ordonne de me suivre». Le décalage entre les deux discours brise l’effet tragique, introduisant un effet humoristique. Quelques situations frôlent même le cocasse. Lorsque le héros sort sans «culotte» par exemple – détail comique de bas étage, grave entorse pour un noble héros. On remarque aussi des doubles sens troublants : par exemple, lorsque Des Grieux est présenté comme le frère de Manon, et, qu’on remarque leur ressemblance, Des Grieux dit « c’est que nos chairs sont bien proches ». On a ici une connivence avec le lecteur qui est digne d’une comédie.

 

Cette connivence se retrouve dans les Liaisons Dangereuses ; Le lecteur est dans la position du spectateur de théâtre, omniscient, qui en sait toujours plus que chacun des personnages : il connait les manipulations des deux libertins, les doubles emplois, les doubles messages des lettres, il est au courant des variations de tons, qui changent en fonction du destinataire, il se moque de l’aveuglement de Mme de Volange à l’égard de Mme de Merteuil, ou celui de la Présidente envers Valmont. De plus, Laclos met en scène la naïveté de certains personnages à travers les quiproquo. Le premier concerne bien évidemment Cécile (Lettre 1) qui confond un simple cordonnier avec un homme du monde, celui qui s’apprête à devenir son mari.

Ainsi juxtaposés, les éléments tragiques de l’œuvre et les éléments comiques créent un décalage, qui jette une lumière nouvelle sur les romans. Comment interpréter une longue tirade tragique lorsqu’elle est suivie d’un épisode comique ? Rétrospectivement le tragique est dévalorisé, il perd de sa portée.L'aspect comique des Liaisons n'est pas le seul qui s'éloigne des conventions tragiques classiques.

 

c) Les genres abordés par l'auteur l'éloignent du théâtre classique et de sa rigueur de construction. Dans le roman de Laclos, la lutte entre passion et raison, si elle est réelle, ne ressemble pas à celle qui est menée dans Phèdre ou dans Le cid… La bienséance n’est plus respectée : il s’agit d’un adultère consenti pour Mme de Tourvel qui s’abandonne à la passion parce qu’elle y découvre une vérité du cœur ; la sanction est sociale et non morale. Certes, elle en meurt, mais c’est après avoir écouté son désir. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Le mélange des genres et des registres nous éloigne davantage encore du théâtre classique qui ne peut pas tolérer les intermèdes comiques.

 

La conception du tragique de Manon Lescaut et des Liaisons Dangereuses est donc plus complexe que l’on pourrait croire au premier abord ; mais loin d’être une dégradation du tragique cette conception originale sert là l’idée de l’œuvre même et ses ambitions.

 

 

3 – L'intérêt romanesque apporté par la dimension tragique.

 

Le XVIII° siècle a la passion du «je». Deux formes romanesques envahissent alors la littérature : le roman mémoire et le roman épistolaire. Leur point commun : la fiction du non-fictif. Les lecteurs de romans cherchent une illusion du vrai, qui contraste radicalement avec l'attente d'une tragédie, censée être éloignée spatialement et temporellement.

 

a) Dans Manon Lescaut, au-delà même de l’histoire, le choix de la mise en abime, extrêmement fréquent au XVIII° siècle, permet une motivation supplémentaire de l’intrigue, tout en soulignant l’aspect tragique : le roman débute in medias res, ce qui donne au lecteur un aperçu, déjà, de la suite des évènements. Le lecteur sait déjà que Manon sera emprisonnée, et que Des Grieux sera séparé d’elle. L’effet d’attente, de connivence du lecteur avec la fatalité qui guette les personnages, ignorants ce qui les attend, et se débattant vainement, crée le tragique.

Cette mise en abime permet à l’auteur de mettre deux fois au centre de l’action l’homme du roman : Des Grieux, un homme noble et incarnant le héros tragique. Il est d’abord décrit par un regard extérieur, celui du marquis de Renoncour, qui ouvre le roman au «je».Il apparaît tout de suite comme l’ «homme de bien», idéal aristocratique de l’époque. Puis le narrateur laisse la parole à un autre «je», le narrateur devient Des Grieux : la focalisation permet de partager l’intériorité du personnage, sa vision des évènements, ses peines et ses sentiments. Doublement Des Grieux apparaît comme un homme bon et vertueux, noble en son cœur, entraîné malgré lui dans le malheur, jouet d’une fatalité qui le pousse même au meurtre : quand il tue, c’est sans savoir que son pistolet, qui devait être vide, était en fait chargé.

 

Comme un certain nombre d'auteurs avant lui, Laclos repend l'idée qu'il n'est pas l'auteur, mais seulement l'éditeur de ses lettres, afin de leur donner lui aussi une dimension réelle, mais contrairement à Prévost, il impose une certaine distance de l'histoire avec son lecteur, puisque il est écrit, dans l'avertissement de l'éditeur : «(…) si les aventures rapportées dans cet ouvrages ont un fond de vérité, elles n'ont pu arriver que dans d'autres lieux ou d'autres temps.»

Les lettres des Liaisons Dangereuses apparaissent comme l'expression à chaud des sentiments, parce qu'elle supprime la distance temporelle entre le sentiment vécu et son expression écrite, ce qui permet de maintenir le suspense dramatique. Les Liaisons Dangereuses est un roman épistolaire à plusieurs voix, ce qui permet de faire un mélange entre le maintien du suspense et la connaissance de l'intrigue. Le point de vu est limité et aucun personnage ne peut connaître à l'avance son avenir.

 

b) Mais l'utilisation du tragique dans les romans du XVII° siècle ne sert pas que pour la forme, il sert aussi le fond : la légèreté du ton, la gravité de l’histoire et l’ambiguïté du propos moral en font des œuvres originales pour l'époque. Il y a dans Manon Lescaut comme dans les Liaisons Dangereuses un tragique qui tranche de celui d’une tragédie classique.

 

La conception du tragique de Manon Lescaut est donc plus complexe que l’on pourrait croire au premier abord ; mais loin d’être une dégradation du tragique cette conception originale sert là l’idée de l’œuvre même et ses ambitions.

Car, si l’œuvre d’essence tragique a classiquement une visée cathartique – obtenue par l’expression de sentiments violents de peur et de compassion – le romancier reprend ce principe en l’adaptant à ses fins.

L’enseignement moral de Prévost ne se transmet pas uniquement par des sentiments violents, mais aussi par la sensibilité et la légèreté. Le mélange du tragique et du comique permet une variété de sentiments, des effets de contraste et de surprise : le lecteur est conduit «du rire aux larmes».

Dans la même idée, l’enseignement moral de l’abbé Prévost ne prend plus la forme d’une fable mythologique et atemporelle, mais il traite du monde contemporain. Le tragique de Manon Lescaut est donc pour l’Abbé Prévost le moyen de racheter l’immoralité du récit ; mais l’irrégularité du tragique, son impureté du à la présence d’un décalage ironique, à la peinture d’une réalité choquante par exemple ont tendance à poser une ambiguïté dans le propos même du romancier.

 

Le dénouement des Liaisons Dangereuses, très rapide, provoque l’effroi des personnages secondaires, Mme de Volanges et Mme Rosemonde, et au-delà de l’ensemble de la société. La mort de Mme de Tourvel, morte d’amour, fait d’elle une héroïne tragique, comme celle en dernier ressort de Valmont, tandis que la Marquise apparaît châtiée : physiquement elle est défigurée, socialement, elle est déchue. Mais le dénouement de Laclos conserve son ambiguïté.

Liens utiles