La tâche du romancier quand il crée des personnages, ne consiste qu'à immiter le réel?
Publié le 20/01/2011
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Le roman se défini d'abord comme un récit fictionnel. Pourtant le romancier a très vite compris l'intérêt d'utiliser la réalité pour compléter le portait des personnages sortis de son immagination pour leurs donner plus de force et de crédit auprès des lecteurs. Les auteurs ont donc cherché à rapprocher l'invention et la réalité. En effet, le romancier a évolué : il est passé du romantisme, qui consiste à embellir la réalité en mettant en scène des personnages illustres, au réalisme qui consiste a se rapprocher le plus possible de réalité. C'est pourquoi on peut en particulier se demander si la tâche du romancier, quand il crée des personnages, ne consiste qu'à immiter le réel. Suffirait-il de mimer ses connaissances et son expérience personnelles pour faire naître un personnages? Nous verrons premièrement que le créateur s'inspire du réel puis que certains romanciers choissisent de s'éloigner du réel et enfin le problème de la création.
S'inspirer du réel, cela veut dire pour le romancier partir de son expérience. Il peut, en effet, s'inspirer de ses connaissances et de son expérience personnelle mais peut également replacer un personnage dans un contexte historique en le faisant renconter des personnes célèbres. Ainsi le lecteur peut immediatement reconnaître un personnage et peut suivre son « compagnon » et s'incrire dans une époque qu'il connaît bien. En agissant comme cela, Aldous Huxley dans « Le meilleur des mondes » s'inspire de Marx, de Lénine et d'Henri Ford en appelant ses personnages principaux « Bernard Marx », « Lenina » et « Sa Forderie » pour montrer a quel point le monde qu'il décrit repose sur le communisme et l'industrie. On note également que le romancier peut s'inspirer de son vécu et de sa société. Marguerite Duras, dans « Un barrage contre le pacifique » raconte sa jeunesse en Indochine et décrit un système coloniale injuste et immoral en faisant évoluer « Suzanne » (qui est certainement Marguerite Duras dans son adolescence), « Joseph », qui est une « fusion » de ses deux frères et « La mère » qui est sa véritable mère dans un « désert » strérile. D'une autre part, Zola, considéré comme le chef de file du naturalisme, effectue un véritable travail de journalisme pour décrire le plus réelement possible sa société et son époque, notamment dans « Pot-Bouille » où la vie des habitants d'un immeuble de Paris est décrite avec précision et justesse. De cette manière le romancier a moins de mal pour créer son personnage en s'inspirant de personnes réelles (qu'il a connu ou non) plutôt que de créer de toute part un personnage immaginaire.
Le roman se définit par la part de fiction qu'il comporte mais cette part de fiction peut être rendue plus vraisemblable par les romanciers qui s'inspirent du réel.
Cette tendance de ne décrire et de ne raconter que des faits réels a été amenée par le Réalisme. En effet, un personnage qui n'a aucuns traits au réel n'est pas compréhensible pour le lecteur , il faut donc absolument une base de repères réels qui va servir ensuite a donner une dimension plus imaginaire au personnage.
De cette façon, des romanciers mettent en scène des personnages inventés mais proche du réel, comme l'a fait Balzac avec « Le Père Goriot ». On également citer comme exemple plus extrème « Harry Potter » de J.K Rowling. Effectivement, Rowling accentue la vraisemblance du personnage Harry Potter en commençant par le présenter comme un humain comme tous les autres, le lecteur peut aisément se mettre dans sa peau. Mais la suite du livre nous dévoile qu'il a des pouvoirs magiques et que la sorcellerie existe. Rowling s'est donc bien appuyée sur des bases réelles pour laisser ensuite entrer une dimension plus imaginaire dans son livre. Le réel apporte donc sa consistance aux personnages du récit. Grâce à lui, le romancier peut fouler des terres familières et offrir à son lecteur des héros vraisemblables.
Toutefois les romancier choisissent parfois de s'éloigner du réel en créant des personnage simplifiés ou caricaturés, ils font ce choix là pour dénoncer des faits ou un contexte ou simplement pour montrer plus clairement leur avis. Comme exemple, on peut prendre le personnage du Père Goriot (dans « Le Père Gorriot » de Balzac) qui est une caricature du père de famille dans la mesure où il veut a tout prix le bonheur de ses filles, il leurs donne absolument tout, il se sacrifie et se ruine pour elles et au final elles le délaisse sans hésitation, il est même appelé « Christ de la paternité ». Dans ce cas là, l'auteur dénonce le mépris des enfants pour leur parents, alors qu'ils leur donnent beaucoup. Dans « Le Ventre de Paris » de Zola, Lisa, charcutière est décrite par Florent, son beau-frère, comme une charcuterie (un jambon). Ainsi, le lecteur assite a une transformation de Lisa qui devient très vite le produit qu'elle vend elle-même pour faire une parfaite caricature d'un charcutier.
Par ailleurs certains écrivains choissisent d'inventer des personnage parfait, idéalisé pour faire rêver le lecteur et lui faire oublier pendant un instant sa vie banale. On peut voir ce type de personnage dans « La Princesse de Clèves » (de Mme de Lafayette) avec la Princesse de Clèves qui est l'héroïne. Elle est présentée comme un individu exemplaire avec des qualité morales et l'éducation qu'elle a reçu est parfaite(« Son père était mort jeune et, l'avait laissé […] dont le bien, la vertu et le mérite étaient extraordinaire »). Elle est également pourvue d'une grande beauté physique (« une beauté a la cour » , « elle donnait de l'admiration dans un lieu où on était si accoutumé a voir de belles personnes ») ce qui peut faire fantasmer le lecteur avec cette femme parfaite où tout autre personnage idéalisé et le projeter dans ce roman .
On réalise donc qu'il y a un véritable problème de la création d'un personnage. En effet, il doit répondre à un projet artistique élaboré par l'auteur mais également répondre a un bon dosage du réel et de l'imaginaire dans sa composition pour convenir au lecteur. Le personnage doit également satisfaire une fonction, avoir une identité et de préférence une personnalité. Mais au fil du temps, on assiste à une déconstruction progressive du personnage et les auteurs ne cherchent plus a respecter aveuglement toutes ces contraintes pour se concentrer d'autant plus sur l'oeuvre en elle-même. Après tout, le personnage n'est qu'un « être de papier » sur lequel on s'appuie pour faire passer des émotions et faire ressentir un sentiment au lecteur. Ainsi, Nathalie Sarraute, dans «Le Planétaruim», donne le portrait de « la mère » de manière indirecte et implicite et le lecteur est amené à construire lui-même le personnage à partir de certains signes ( gestes, relais en focalisation interne, paroles rapportées, notamment le discours indirect libre exprimant les pensées du personnage). L'exemple le plus concret de cette déstructuration du personnage serait « La Jalousie » où le personnage principale est limité a être appelé « A...» et le lecteur doit même deviner la présence de son mari qui est témoin de cette scène, le lecteur voit a travers ses yeux. Même si les personnages sont peu décris, le lecteur ressent un fort sentiment de mystère et de secret grâce à cet extrait.
Le romancier en quête de lecteurs crée donc des personnages inspirés de la réalité et nourris de sa propre expérience. Même si l'on constate parfois des écarts par rapport à cette tendance profonde, c’est que ce créateur de personnages a laissé de coté leur humanité au profit d’un statut purement fonctionnel et au détriment de la vraisemblance. Ainsi s'inspirer du réel ne veut pas dire le reproduire, le réel sous la plume est transposé et transfiguré. Plus qu’un illusionniste comme le dit Maupassant dans la Préface de « Pierre et Jean » le romancier est un créateur qui nous invite réellement à vivre dans le monde qu’il a élaboré. Aussi, le véritable héro romanesque doit devenir un compagnon familier pour le lecteur. Un des signes indiscutable du succès d'un personnage est l'antonomase du nom propre.
Le but du romancier est donc de satisfaire le lecteur et donc de lui offrir une part de réel et d'imaginaire. Mais sa \"tâche\" a-t-elle un but réellement ? N'est elle pas l'expression d'un \"moi intérieur\" sans but ?
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