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La Scène D'Exposition De Dom Juan

Publié le 25/09/2010

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juan

 

Né en 1621, Molière fut un auteur classique controversé pour nombre de ses pièces. En effet, en dénonçant l’imposture des notables et de la bourgeoisie de la haute société il s’attire les foudres de la cour. Après la publication de Tartuffe, une véritable chasse à l’homme commence alors et il se voit dans l’obligation de réécrire sa pièce, peu de temps après, il publie Dom Juan pièce éponyme qui relate les frasques d’un homme à femme immoral.

En quoi cette scène d’exposition annonce-t-elle une comédie ?

Pour répondre à cette question, nous traiterons tout d’abord les caractéristiques de cette scène d’exposition. Puis, nous verrons quelles sont les différentes caractéristiques de cette scène et enfin, nous concluons avec l’étude du portrait de Dom Juan.

 

      La scène d’exposition de Dom Juan est particulière car elle respecte partiellement les contraintes dramaturgiques classiques qui pèsent sur ce moment crucial de toute pièce théâtrale mais, en même temps on observe qu’elle outrepasse le programme prévu pour une scène d’exposition. D’après le dictionnaire des termes littéraires rédigé par Eric Liseu, une scène d’exposition se doit d’être simple, vraisemblable et si possible intéressante et dynamique. Molière met en scène deux valets, Sganarelle et Gusman valet de Done Elvire qui a travers un dialogue que la mise en scène rend extrêmement dynamique sont chargés de nous informer de la préhistoire tout en préparant l’arrivée sur scène du personnage mythique qu’est Dom Juan. Le spectateur apprend donc que ce dernier, fidèle à sa réputation viens d’abandonner Done Elvire après l’avoir séduite et épousée ; celle-ci est donc à sa recherche pour lui réclamer  les comptes. Sganarelle, typique valet de comédie en profite puisque Dom Juan est absent de faire de son maître un portrait charge qui ne manque pas de séduction : « grand seigneur méchant homme « (l. ) « épouseur à toutes mains « (l. ). Cependant, cette scène d’exposition est particulière.

     Molière s’efforce de rendre plausible le dialogue entre les deux valets mais sans y parvenir vraiment. De plus, il crée avec Gusman un personnage protoattique qui ne réapparaitra pas par la suite. Toutefois, ce sont l’a des infractions mineures, en comparaison de cette étrange ouverture qu’il place dans la bouche de Sganarelle, un éloge du tabac. Cet éloge est encore plus provocateur du fait que le tabac est condamné par les dévots. Suite à la censure de Tartuffe, Molière à écrit cette digression avec le but de provoquer ses censeurs. Mais, la représentation de Mesguich nous pousse à remplacer le mot tabac par le mot théâtre. Ces transgressions à enjeu idéologique permettent malgré tout de faire ressortir le comique.      

      En effet, dans cette pièce, Molière joue sur différents genres du comique tel que le comique de caractère avec une caricature des traits moraux de Dom Juan « il aurait encore épousé toi, son chien et son chat « (l. ) et une caricature des traits physiques «  tu change de couleur à ce discours « (l. ) . Il utilise aussi le comique de mot en faisant plusieurs énumérations « scélérat,…Sardanapale « (l. ), « toi, son chien, son chat « (l. ), « dame, demoiselle, bourgeoise et paysannes « (l. ) ou encore en mélangeant les niveaux de langues dans le discours de Sganarelle qui cite une expression latine « inter nos « (l. ) et cite une expression familière « pèlerin« (l. ) et en s’autorisant des propos décalés par rapport à la situation tel que l’éloge du tabac qui n’a aucun lien avec le dialogue de Sganarelle et Gusman. Dans la représentation de Mesguich on peut apercevoir un jeu de mot avec le « je ne sais où « et une grande utilisation du comique de geste.

          Notamment lorsque Sganarelle tente de retirer son chapeau ventouse au début par politesse. Les deux personnages présents sont vêtus de même manière et le font remarquer par des gestes et une expression d’étonnement. Leurs maquillage et vêtements laissent penser à des clowns et à l’univers du cirque. Pensée renforcée par le trombone qui sert de musique de fond. L’utilisation de plusieurs mimiques par les personnages tout au long de la scène crée une connivence et provoque le rire. Le comique de geste apparaît également grâce à la trouvaille cynique suite à un objet tel que la lettre ou le long papier sur lequel sont notées toutes les conquêtes de son maître Dom Juan.  Le comique est également présent lors de tout les sons sortant de la bouche des deux personnages présents tel que « miaou « ou des sons incompréhensibles ou encore lorsque Sganarelle jubile lorsqu’il fait le portrait de son maître.

      Ce portrait que Sganarelle fait de son maître sert à le blâmer et le critiquer avec l’utilisation d’une syntaxe énumérative d’injures et de comparaisons (L.46), avec une utilisation d’hyperboles superlatives «  le plus grand scélérat « (l. ). Il utilise également des gradations ascendante et descendante tel que «  Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne « (l.54). Plusieurs métaphores animales sont citées afin de qualifier Dom Juan « un chien « (l.47) « bête brute « (l.48) « pourceau « (l.48). Ce portrait permet de montrer que Dom Juan est un libertin qui ne croit pas à la religion «  qui ne croit ni Ciel, ni Enfer « (l.47) et qui ne respecte pas le ciment de la société qu’est le lien sacré du mariage «  épouseur à toutes mains «  (l.53)

      Tout en faisant un portrait à charge du libertin qu’est Dom Juan, Sganarelle son valet se révèle et apparaît comme un moraliste aux sentiments ambivalents. Les rapports valets maître sont traditionnels dans les comédies de Molière où les valets servent les intérêts de jeunes maîtres pour déjouer l’autorité abusive des pères rien de cela dans Dom Juan où Sganarelle se pose en moralisateur qui tout au long de la pièce va tenter sans succès de ramener Dom Juan à la raison et au droit chemin. Ses échecs réitérés en font certes un personnage comique, qui, cependant, n’est pas dénué de profondeur. La fin de sa tirade est révélatrice. Il hait le double jeu que sa condition de valet lui inflige et couvre à la fois de la crainte : « la crainte en moi fait l’office du zèle « (l. ) « me réduit d’applaudir à ce que mon âme déteste « (l. ). L’antithèse applaudir ; déteste traduit se déchirement qui inévitablement génère de la colère « suffit que le courroux du ciel l’accable quelques jours «  (l. ) Sganarelle en vient à souhaiter sa punition, tant il est révolté par sa conduite comme le traduise les jeux de sonorité : allitération du [r] [k] [u]. Toutefois, il sert malgré lui de faire valoir et prend un plaisir manifeste à peindre son maître devant Gusman qui lui sert de public. La métaphore filée le comparant à un peintre en témoigne : « ébauche « (l.58) « coup de pinceau « (l.57-58) « achever le portrait « (l.58).

       Cette scène d’exposition particulière, tout en poursuivant un enjeu idéologique lié au contexte politique et cultural de l’époque, n’en reste pas moins une scène de comédie, où le comique repose autant sur le verbal que le non-verbal comme en témoigne l’inventive mise en scène de Mesguich en 2003 de plus, elle dresse un double portrait paradoxale du libertin Dom Juan et de son valet moraliste Sganarelle. Ce faisant elle revisite les rapports traditionnels de la comédie moliéresque et redéfinie leur relation de façon plus complexe, plus originale et plus profonde.

        La scène d’exposition de Dom Juan qui joue de la digression et de la provocation est emblématique de place qu’occupe la pièce dans l’ensemble de l’œuvre moliéresque : celle-ci montre que en effet un tournant dans la production de l’auteur qui va s’affranchir des contraintes classiques et prendre plus de liberté avec le pouvoir.

 

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