La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette : Un Roman D'analyse
Publié le 04/08/2010
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Mme de La Fayette (1634 ; 1693) : romancière française et une grande dame de son temps, auteur du célèbre roman La Princesse de Clèves. Synopsis : Ce roman est publié en 1678, sous l'anonymat. Œuvre la plus célèbre de Mme de L. et œuvre très importante dans la littérature française car elle est considérée comme le chef d'œuvre du roman classique et un modèle du roman d'analyse psychologique. Écrit à la troisième personne, le récit a pour toile de fond historique la vie à la cour des Valois, dans les dernières années d'Henri II. Il met en scène une jeune femme superbe et parfaite, Mlle de Chartes et plus tard Mme de Clèves, mariée sans amour, qui s'éprend du Duc de Nemours. => Roman qui évoque les troubles de l'amour passion ressenti par le personnage principal de l'œuvre. On considère que La Princesse de Clèves est le premier roman d'analyse. Nous allons donc désormais confirmer ou infirmer cette supposition. Avant de commencer, il serait de bon ton de définir ce qu'est un roman d'analyse : le roman d'analyse se consacre à explorer les sentiments de personnages souvent partagés entre l'amour et la vertu, le désir et le renoncement. Dans un décor resserré, le roman d'analyse décrit leurs réactions devant une passion soudaine qui les déborde, un choix de vie difficile. Anxieux, tourmentés, les personnages interprètent les attitudes, les paroles, les regards des autres; ils s'analysent eux-mêmes, avec exigence, avec lucidité. Voilà ce qui définit le roman d'analyse. I) Étude de l'amour C'est un roman qui évoque les trouble de l'amour passionnel ressenti par Mme de Clèves, mais également celui des deux hommes qui l'aiment (à savoir M. de Clèves qui aime vraiment sa femme et M. de Nemours qui tombe sous ses charmes). A) Le coup de foudre 1er coup de foudre : Mlle de Chartes Étude fine et précise des sentiments de cette dernière et des différents personnages, tout en nuances ● Litote : ne pas haïr "Ce qu'avait dit Madame de Clèves de son portrait lui avait redonné la vie, en lui faisant connaître que c'était lui qu'elle ne haïssait pas " ● Antithèses : "passion tendre et violente" ; "les plus doux et les plus cruels" ==> Lutte des sentiments. Le masque qu'elle est obligée de porter pour resister à ses sentiments la fait souffrir et accroît la crise morale : elle ne voit plus clair en elle, hésite entre la sincérité (conforme à sa vertu) et le mensonge (imposé par le jeu social). Il y a combat chez elle entre le «ça« et le «surmoi«. Parenthèse : Les notions de Ça et de Surmoi viennent de la psychanalyse (Vient du grec ancien ψυχή, psychê, "âme", "esprit" et d’un terme grec « ανάλυσις « qui signifie « décomposition « , lui-même formé à partir d'un verbe simple "λΰειν" qui signifie "décomposer"). Même les dictionnaires de traduction entre les différentes langues ne définissent pas clairement la différence entre le ça, le moi, le surmoi et le soi, que ce soit en anglais ou en allemand. «Ça« se dit das Es en allemand. En réalité, ce mot allemand est intraduisible exactement en français. Le titre du document de Sigmung Freud: "Das Ich und das Es" (1923) a déjà été été traduit par "Le Moi et le Soi" Cela montre la confusion sémantique entre le «Ça« et le «Soi« Une confusion bien gênante pour tenter d'aborder plus précisément les différences entre ces éléments distincts de la psyché. Le ça : Si Freud n’a pas énoncé clairement de quelle nature est la source du Ça (peut être n’est-ce pas trouvable ?), il a cependant pointé la nature de ce qui s’en écoule : c’est la libido. Le Ça est la source de la libido. Mais la réponse est à peine plus claire si on ne clarifie pas la notion de libido ! Voici encore un mot très usité dont la signification précise est rarement clairement connue. La libido c’est l’énergie psychique. Freud y a vu essentiellement l’énergie sexuelle. Mais on néglige souvent de préciser que Freud a fait une différence précise entre la sexualité et la génitalité et cela a conduit à de nombreux contresens. (génitalité : Ensemble des caractères liés aux organes génitaux, ou se dit de la faculté des organismes sexués de se reproduire) La sexualité, selon lui, est l’expression de l’énergie libidinale. La génitalité, selon lui, c’est l’expression de cette énergie dans le cadre de ce que tout un chacun appelle habituellement «sexualité«. La libido ne désigne donc pas à proprement parler la sexualité, mais une énergie psychique, entre autre à l’origine de la sexualité. Cette énergie pousse donc le Moi à agir d'une certaine façon, dans certaines circonstances. Le Moi, c'est la conscience du moment, ce que l'on pense sur le moment, à l'heure H. Le surmoi En allemand Über-Ich : ce qui est au-dessus du Moi. La construction est ici la même qu’en français. En anglais superego : ce qui est plus que le Moi. Ici il s’agit d’un élément comme le Moi, mais plus fort que lui. Ces mots, eux, ne comportent pas d'ambiguïté linguistique Face à son environnement, l’individu ayant développé son Moi (ego), voit des attitudes et des comportements chez autrui qu’il prendra plus ou moins comme modèles d’efficacité et de performances. D’autre part, son expérience personnelle l’amènera à choisir des modèles de comportement plus efficaces que d’autres, en fonction des punitions ou récompenses qu’ils ont suscités de la part d’autrui envers lui. Il en résulte un idéal à atteindre pour optimiser la performance de l’écoulement d’énergie, de l’écoulement du flux libidinal vers l’extérieur. A défaut d’avoir développé une conscience d’autrui suffisante, même si c’est encore à des fins personnelles, il va néanmoins se mettre à tenir compte des autres. (La conscience est un processus cérébral qui se traduit par la faculté mentale et subjective d'apercevoir les phénomènes, (sa propre existence ou ses états émotionnels. Si je suis triste, heureux et que je me rends compte que je suis triste ou) (heureux, par exemple, je prends conscience de mes états affectifs. ) Le Moi avait pour tâche d’orienter le flux libidinale (gouvernail) dans le projet d’un profit maximum. Le Surmoi aura pour tâche d’éviter les débordements impulsifs du Ça, mais aussi de ménager son environnement (évitement des récifs réels ou supposés de l’égoïsme). Les motivations restent basées sur les notions de plaisir/déplaisir, mais en tenant compte des autres. Pourtant il ne s’agit là que d’un faux Soi (faux ego), d’une fausse conscience qui se contente de refouler ce qui n’est pas en accord avec le modèle. II) Les souffrances de la passion A) Les Affres de la passion ==> La jalousie. Amoureuse passionnée ( même si elle réfrène ses sentiments), Mme de C. découvre un autre sentiment très fort jusque là inconnu, la jalousie. Notamment dans le passage dans lequel elle lit une lettre et comprend qu'elle n'est pas la seule femme aimée. Extraits : "Madame de Clèves lut cette lettre et la relut plusieurs fois, sans savoir néanmoins ce qu'elle avait lu. Elle voyait seulement que monsieur de Nemours ne l'aimait pas comme elle l'avait pensé, et qu'il en aimait d'autres qu'il trompait comme elle. Quelle vue et quelle connaissance pour une personne de son humeur, qui avait une passion violente, qui venait d'en donner des marques à un homme qu'elle en jugeait indigne, et à un autre qu'elle maltraitait pour l'amour de lui ! Jamais affliction n'a été si piquante et si vive : il lui semblait que ce qui faisait l'aigreur de cette affliction était ce qui s'était passé dans cette journée, et que, si monsieur de Nemours n'eût point eu lieu de croire qu'elle l'aimait, elle ne se fût pas souciée qu'il en eût aimé une autre. Mais elle se trompait elle-même ; et ce mal qu'elle trouvait si insupportable était la jalousie avec toutes les horreurs dont elle peut être accompagnée. Elle voyait par cette lettre que monsieur de Nemours avait une galanterie depuis longtemps. " Quelques lignes plus bas... : "Tout ce qui la consolait était de penser au moins, qu'après cette connaissance, elle n'avait plus rien à craindre d'elle-même, et qu'elle serait entièrement guérie de l'inclination qu'elle avait pour ce prince." Évocation de la jalousie qui traverse le personnage. L'auteur offre une peinture précise de la psychologie de son personnage en proie à la jalousie. Tout est vu et ressenti du point de vue de Mme de C : on a une peinture précise des sentiments de leurs évolutions (au pluriel!). Le personnage souffre : chp lexical, expression évoquant la douleur "jamais affliction n'a été si piquante et si vive" B) l'aveu ==> Aveu très exceptionnel fait avec avec sincérité, franchise et netteté. PDC aime un autre homme. Quelques citations : "Eh bien, Monsieur, lui répondit-elle en se jetant à ses genoux, je vais vous faire un aveu que l'on n'a jamais fait à son mari, mais l'innocence de ma conduite et de mes intentions m'en donne la force. " "Quelque dangereux que soit le parti que je prends, je le prends avec joie pour me conserver digne d'être à vous. Je vous demande mille pardons, si j'ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai jamais par mes actions. Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d'amitié et plus d'estime pour un mari que l'on en a jamais eu ; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et aimez-moi encore, si vous pouvez." Aveu exceptionnel, pourtant malgré l'aveu de son amour et sa passion, le personnage reste inexorablement vertueux. C'est par sa grande honnêteté que Mme de Clèves révèle à son mari la passion dont elle est la proie, sans lui dire qui en est l'objet. Toutefois, cela va bouleverser son mari qui, persuadé à tort que sa femme lui à été infidèle, meurt désespéré. C) La passion prohibée La mort de son mari la "libère" et la laisse épouser celui qu'elle aime... Mais cette mort dont elle se sent responsable va au contraire mettre un terme définitif à son histoire avec Nemours, elle va lui avouer son amour pour y renoncer. C'est par vertu qu'elle va renoncer à sa passion. "Ma destinée n'a pas voulu que j'aie pu profiter de ce bonheur ; peut-être aussi que sa passion n'avait subsisté que parce qu'il (M de Clèves) n'en aurait pas trouvé en moi. Mais je n'aurais pas le même moyen de conserver la vôtre : je crois même que les obstacles ont fait votre constance. Vous en avez assez trouvé pour vous animer à vaincre ; et mes actions involontaires, ou les choses que le hasard vous a apprises, vous ont donné assez d'espérance pour ne vous pas rebuter." Le renoncement définitif de la princesse correspond au goût de la société du XVII siècle habitué à l'esthétique précieuse → il fallait que l'amour demeure insatisfait pour conserver dans son ardeur même une idéale pureté. En définitive, il faut constater la vérité humaine de ce roman : les sentiments sont authentiques. L'analyse de la passion dans les âmes des trois héros n'a pas le moins du monde vieilli ; le drame qui se joue dans le cœur de l'héroïne nous touche directement. Il peut se résumer par ces deux maximes de La Rochefoucauld : «La même fermeté qui sert à résister à l'amour sert aussi à le rendre violent et durable« - «Qu'une femme est à plaindre quand elle a tout ensemble de l'amour et de la vertu«. Ce roman est donc bien un roman d'analyse, retranscrivant les sentiments des protagonistes, et les décryptants. L'auteur a su mettre des personnages aux comportements humains, a les faire interagir entre eux et à les mettre en relation, et à les laisser ressentir des sentiments. La façon dont Mme de La Fayette s'est servie de la troisième personne, et du point de vue interne relève du génie, et la souffrance/joie/désillusion que les héros ressente sont presque palpables.
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