La place des femmes dans la société française de 1945 à nos jours
Publié le 05/12/2010
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Après la 1GM, la société patriarcale avait vite repris ses droits et fait taire les revendications des F, dont le rôle économique et social avait pourtant été reconnu. A la Libération, les F parviennent à obtenir de nouveaux droits, puis elles développent progressivement un mouvement féministe. Plusieurs lois importantes permettent une émancipation des F et des progrès pour l’égalité, qui, même s’ils sont loin d’être achevés, marquent une transformation profonde de la société française.
Comment la place des femmes a-t-elle évolué dans la société française depuis 1945 ?
• La situation des françaises après la 2GM
• Rupture des années 1960 et 1970
• Le féminisme en devenir depuis les années 1980
I) La situation des femmes après la Seconde Guerre mondiale
44 : Droit de vote des femmes
46 : La constitution de 1946 garantit l’égalité des droits entre l’homme et la femme
49 : Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir
1 . Les femmes françaises citoyennes
Leur rôle dans la Résistance a été essentiel. L’histoire et l’imagerie de la Résistance ont longtemps privilégié les actions armées et les faits héroïques, auxquels les femmes ont en général peu participé. Cependant les actions armées ne sont qu’une partie de la résistance et auraient été impossibles sans les autres réseaux et mouvements de résistance dans lesquels le nombre de femmes est très important. Elles s’occupent de l’alimentation, des fournitures, du secrétariat, des journaux clandestins. Elles cachent les clandestins, organisent plusieurs manifestations, et jouent les mères innocentes ou les séductrices pour accomplir des tâches de renseignement particulièrement dangereuses. Malgré leurs actions indispensables elles ne sont pas reconnues à la fin de la guerre. Seules 6 F sont reconnus Compagnons de la Libération contre 1024 H. Pire, avec l’épuration sauvage apparaît le phénomène des femmes tondues en masse qui touchent 20 000 F, pour la moitié d’entre elles pour « collaboration horizontale «. La collaboration trahit sa fonction de femme gardienne des valeurs de la patrie : elle couche avec l’ennemi comme la patrie s’est couchée devant l’Allemagne. La honte est alors vécue comme une punition de la F sortie de son rôle traditionnel. Le retour d’une France virile fait subir une véritable violence aux F encore largement marquée et façonnée par la « Révolution nationale « du gouvernement Vichy fondée sur les valeurs traditionnelles « Travail, Famille, Patrie «.
2 . 1944 – 1947 : Le droit de voter contre le devoir de rentrer au foyer
Le débat à propos de l’égalité politique qui se tient en mars 1944 à l’Assemblée consultative d’Alger, aboutit à l’ordonnance du 21 avril 1944 qui donne le droit de vote aux F. Pour tous il s’agit alors davantage d’une récompense octroyée aux F pour le rôle qu’elles ont joué pendant la guerre que d’une conquête des féministes. Le 21 avril 1945 les F se rendent aux urnes pour la première fois à l’occasion des élections municipales. Ces droits politiques nouveaux ne s’accompagnent pas de droits civiques qui auraient permis de construire la F responsable et indépendante dont l’image apparaît lors de la Résistance.
Pourtant le principe d’égalité progresse dans la sphère publique par l’obtention de plusieurs victoires en 1945-1946 : l’accès des F à la magistrature, l’abrogation de l’inégalité des salaires, et surtout l’inscription de l’égalité dans la constitution de 1946. La présence féminine à l’Assemblée constituante ne suffira pas à assurer une plus grande émancipation des F, d’autant plus que les élues et l’Etat tiennent à ce que les F ne dérogent pas à leur rôle de mère de famille.
Le statut des F demeure donc ambigu : il repose sur l’ambivalence entre l’instauration légale de l’égalité et la protection des mères. L’arrivée presque en catimini des françaises devant les urnes parallèlement aux turbulences de l’après-guerre n’a suscité ni ferveur ni passion, au point que l’on évoque le terme de « non-événement «. La législation d’après-guerre se focalise plutôt sur la politique nataliste par le biais notamment du quotient familial pour l’attribution des allocations, par les allocations de maternité et de pré-natalité.
3 . Années 1950 marquées par le modèle du bonheur de la ménagère et Le deuxième Sexe
Après la peur, les séparations, les privations imposées par la guerre, la société française rêve de romance et de consommation dans l’exaltation du foyer. Le modèle américain gagne la France dans le contexte des Trente glorieuses, les médias proposent aux françaises un univers doré dans lequel le progrès technique est valorisé pour sa capacité à alléger les tâches ménagères et la gestion domestique semble devenir possible pour toutes. C’est le début de Christian Dior qui révolutionne la mode par son « new look «, des magazines féminins (ELLE crée en 1945) qui mettent en avant le modèle de la femme parfaite. Petit à petit la F qui était le sujet de la consommation en devient aussi l’objet. Elle doit être belle pour séduire son époux et devenir un produit répondant à l’appétit sexuel masculin dont la satisfaction devient un facteur d’équilibre des familles clairement revendiqué. La F est double : à la fois objet sexuel et sujet sexué. Ces deux rôles contradictoires sont incarnés par les F de la nouvelle vague : femme-objet dont le corps symbolise l’aliénation de la société de consommation et F mystérieuse à la recherche de son propre sens.
En 1949 Simone de Beauvoir publie Le Deuxième Sexe, livre qui démontre qu’ « on ne naît pas femme : on le devient «, autrement dit qu’il n’existe pas une nature innée des F mais que la féminité et son poids restent un produit social, la F étant aliénée par l’homme ainsi que par elle-même, sous la pression des mères envers leurs filles. En témoignant ouvertement en faveur de l’égalité Simone de Beauvoir a fait figure de détonateur des changements sociaux considérables qui apparaissent à partir des années 1960.
Années 1960 – 1970 : la rupture
65 : Droit pour les F d’ouvrir un compte en banque et de travailler sans l’accord de leur mari
67 : Loi Neuwirth légalise la contraception
75 : Loi Veil autorise l’avortement
Les années 60 constituent une véritable rupture pour la condition féminine en ouvrant une période qui met progressivement fin à la contradiction entre l’affirmation de l’égalité entre les sexes et une situation inégalitaire.
1 . La conquête progressive du marché du travail
Au delà du combat intellectuel, les F prennent une nouvelle place dans la société qui évolue elle aussi au gré de l’avènement de la consommation de masse. La France compte 6,5 millions de femmes actives dont leur place reste fragilisée par les périodes de crises et de chômage. Accèdant encore difficilement aux diplômes supérieurs, les françaises se contentent d’emplois tertiaires subalternes (secrétariat, vente…). C’est seulement en 1965 que les F mariées peuvent exercer une profession, ouvrir un compte en banque et jouir de leurs biens acquis sans l’autorisation signée de leur mari. Le développement économique des Trente glorieuses se nourrit en bonne partie de leur travail dans les industries d’équipement et les services publics dans lesquels l’emploi féminin devient indispensable. La force physique désormais moins nécessaire, et les capacités relationnelles plus importantes, la demande de personnel féminin s’accroît, comme en témoigne la nette progression du taux d’activité des F qui passe de 40% en 1962 à 66% en 1985. Une demande inavouée comme telle afin de laisser l’impression que ce sont les femmes qui veulent un emploi et qu’elles acceptent donc en contre-partie d’être moins bien payées. L’écart moyen entre les salaires masculins et féminins s’élève à 36% en 1950.
2 . La nécessité de maîtriser son corps et sa fécondité
Malgré le mauvais accueil politique et médiatique du Deuxième sexe, le mouvement en faveur d’une libération individuelle semble irréversible. Aux yeux des lectrices, attentives au décalage entre le droit et le fait, ce qui jusqu’alors, n’était pas consciemment perçu, apparaît comme une évidence : la démocratie abstraite ne les comprend pas. De fait, l’égalité des droits n’est plus qu’une utopie au regard d’une société profondément inégale. De nouveaux regroupements féministes se multiplient, tente de repenser les rapports H/F et axent de plus en plus leurs revendications sur le droit à la contraception et à l’avortement. La devise « un enfant quand je veux, si je veux « devient le mot d’ordre. En 1967 la loi Neuwirth autorise la contraception et la fabrication de contraceptifs. Toutefois les conditions la rendent difficilement applicable car la contraception n’est autorisée que sous strict contrôle médical, avec accord parental obligatoire et elle n’est pas remboursable. Il faudra attendre 1974 pour que Simone Veil, ministre de la Santé fasse lever l’autorisation parentale et rembourser les contraceptifs par la sécurité sociale. La contraception est de plus en plus plébiscitée par ces F, mariées ou non, qui ont un travail salarié et veulent maîtriser leur vie. Les filles du « Baby-Boom «, plus éduquées et intolérantes à la « discrimination sexuelle «, participent massivement aux grands mouvements sociaux en France, comme dans tout l’occident à la fin des années 1960.
3 . 1968 – 1970 : Les mouvements de libération des femmes
Les mouvements de libération naissent de la conjonction de deux courants : un féminisme politique, déjà organisé qui veut peser dans les institutions, et un féminisme nouveau, radical, issu de la participation des jeunes filles aux grandes mobilisations étudiantes de 1968. Le changement des mentalités est préparé par le retentissement médiatique du « mouvement pour le Planning Familial « ainsi que l’apparition de la « Nouvelle gauche « et de l’extrême gauche dont le Mouvement démocratique féminin (MDF) fait partie. Le MDF est la seule présence féministe spécifique dans les événements de mai 68. Parallèlement, des groupes se multiplient, et malgré leur hétérogénéité, ils revendiquent tous la libération des F. Le Mouvement de libération des femmes (MLF) est en train de naître dans la diversité.
En août 1970 un petit groupe en solidarité avec une manifestation new-yorkaise de grève des F contre le devoir conjugal, dépose une gerbe l’arc de triomphe en hommage symbolique à la « femme du soldat inconnu « car « un homme sur deux est une femme « clame le MLF. Le geste est spectaculaire et les médias s’en emparent, l’acte officiel de naissance est né en 1970. La revue Partisans publie un article intitulé « libération des femmes : année zéro «, traduisant la volonté de faire table rase du passé pour « reconstruire le moi féminin «. En affirmant que « le personnel est politique «, les mouvements de Libération des F signifient que l’oppression quotidienne des F dépend des lois et des mentalités. Jusqu’alors les F cherchant à dépasser l’assujettissement procédaient par analogie en référence aux théories déjà existantes. Désormais les « dogmes libérateurs « font émerger des théories féministes autonomes. Mais ce qui va véritablement donner une dimension de masse au MLF est le combat pour l’avortement.
4 . Le combat pour l’avortement
Plus encore que la contraception, l’avortement symbolise la libération première pour les femmes, celle de disposer librement de leur corps. Les manifestations pour l’avortement diffusent l’idée fondamentale du droit à l’autonomie absolue, sans pour autant que l’avortement ne soit considéré comme un acte anodin. Le 5 avril 1971 le Nouvel observateur publie un texte signé par 343 femmes qui déclarent avoir déjà recouru à l’avortement et réclament « l’avortement libre et gratuit «. En affirmant haut et fort avoir enfreint la loi de 1920, elles créent un immense scandale. Charlie Hebdo emploiera ironiquement le terme de « salopes « pour saluer leur geste. La voie de la législation commence à s’ouvrir. En 1974 Françoise Giroud inaugure le Secrétariat d’Etat à la condition féminine. Simone Veil devenue ministre de la Santé en 1974, fait voter par l’Assemblée nationale en janvier 1975 dans une atmosphère houleuse et hostile, grâce au soutient de VGE et de la gauche, une loi autorisant de manière limitée et payante, l’interruption volontaire de grossesse. La bataille est rude et le triomphe bien réel.
Ces années 1974-1975 sont décisives pour l’amélioration de la place des F. L’entrée des F dans des professions de plus en plus diversifiées, la déculpabilisation des mères en activité sont autant de signes symboliques qui marquent l’évolution des mentalités. Les décrets en faveur de l’égalité s’accélèrent : pour la mixité de tous les concours de la fonction publique en 1974, contre la « discrimination sexiste « et pour le divorce par consentement mutuel en 1975. Ces lois accompagnent la lente reconnaissance des femmes salariées. Incontestablement le féminisme a pénétré l’entreprise. Mais les inégalités persistent, non seulement dans le monde du travail, mais aussi dans la vie politique et familiale malgré les nombreuses conquêtes sociales et les progrès du droit au cours de ces deux dernières décennies.
Depuis les années 1980, l’émancipation des femmes se poursuit malgré les difficultés
1983 : La loi Roudy interdit toute discrimination sexiste au travail
1991 : Pour la 1ere fois une femme, Edith Cresson est Premier ministre
1992 : Une loi crée le délit de harcèlement sexuel dans les relations au travail
2000 : Loi sur la parité qui impose aux partis politiques de présenter autant d’hommes que de femmes aux élections
2007 : Pour la 1ere fois une femme, Ségolène Royal est présente au second tour des élections présidentielles.
1 . La métamorphose de la famille
Le modèle traditionnel patriarcal est en crise : les couples mariés et de longue durée, aidant leurs enfants à s’installer, se font plus rares, tandis que d’autres types de vie en commun, plus souples et instables apparaissent. Entre 1964 et 1985, la fécondité passe de 2,9 à 1,79 enfants/F, le taux de nuptialité diminue de 35% et le taux de divorce passe de 10% à 32%. Le mariage, plus tardif en raison de l’allongement des études, n’est plus la condition nécessaire pour avoir des enfants. Sa fragilisation et la désinstitutionalisation de la famille est marquée par l’apparition des familles monoparentales dans lesquelles les F ont les enfants à charge dans 85% des cas. Ces dernières constituent le moteur de la métamorphose familiale car si elles ont été les premières à secouer la famille patriarcale en la refusant dès qu’elle devenait un carcan trop pesant, elles ont aussi contribué à libéraliser l’institution familiale pour obtenir l’égalité avec leur conjoint et l’autorité parentale, néanmoins le partage des tâches domestiques reste difficile à opérer.
2 . 1980-1990 : L’émancipation s’accélère
En 1981 la victoire de la gauche et la présidence de François Mitterrand élargissent les capacités d’interventions des féministes. Un ministère des droits des F est mis en place, des réseaux scientifiques et féministes se constituent, le féminisme entre dans les institutions de recherche comme au CNRS qui met en place un « programme de recherche sur les femmes et de recherches féministes «. L’historienne Michelle Perrot publie en cinq volumes « L’histoire des femmes « avec un succès immédiat. L’ampleur internationale du mouvement des F sensibilise les grandes instances internationales. L’ONU déclare ainsi l’année 1975 « année de la Femme «. Le MLF porte au grand jour un thème jusque–là privé et caché : celui du viol et de toutes les violences exercées sur les femmes. En 1980 la loi qui pénalise la violence sexuelle permet aux associations de se porter partie civile. En 1983 la loi Roudy interdit toute discrimination sexiste au travail. La Secrétaire d’Etat aux droits de la Femme, Véronique Neiertz, fait modifier le code pénal pour punir le harcèlement et permettre un recours aux prud’hommes en cas de licenciement en 1992.
3. Depuis les années 1990 : rien n’est gagné
Les F cherchent à faire reconnaître leur poids déterminant dans la production de la richesse et leur droit à gagner leur vie, condition sine qua non de leur autonomie. Pourtant les acquis sont toujours remis en question et l’égalité n’est toujours pas au rendez-vous, notamment dans la famille. Les hommes conservent le pouvoir décisionnel, les femmes continuent de servir de médiatrice. Ce déséquilibre sur le marché du travail s’explique par le choix des filières littéraires et juridiques moins porteuses d’emplois. A diplôme égal les possibilités de carrière sont inégales, entravées par les maternités et la gestion du foyer. Selon le Service des droits de la femme, «à compétence, formation et expériences égales, une femme sera toujours sous-employée«. Si la discrimination persiste c’est que la plus grande volatilité de l’emploi féminin convient parfaitement au marché mondial caractérisé par l’essor des emplois atypiques.
En revanche, les progrès du mouvement paritaire sont spectaculaires en politique. Le premier sommet européen « Femmes et pouvoir « adopte une charte signée par le France selon laquelle « la parité doit être le principe de l’administration et de la gestion politique des nations «. La loi qui « favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives « est adoptée par l’Assemblée en 2000. Pour la première fois, en 2007, une femme, Ségolène Royal est présente au second tour des élections présidentielles. Bien que des pas décisifs aient donc été franchis, le système représentatif reste fondé sur l’exclusion des femmes de la sphère politique. Elles n’accèdent en effet au statut de représentantes qu’au terme d’un alinéa spécifique à la Constitution nécessaire malgré le principe d’égalité des sexes de la Constitution de 1946.
Ainsi se trouvent maintenues en politique comme au travail et à la famille, malgré les progrès absolus, la hiérarchie entre les sexes et les représentations traditionnelles qui prétendent définir leurs vocations respectives.
Le rêve des féministes du siècle précédent s’est enfin réalisé : l’égalité des droits entre les sexes est inscrite dans les lois, à défaut d’être réellement conquise dans les faits. Malgré les obstacles qui paraissent infranchissables, une irrésistible volonté d’émancipation des femmes née de la consciente croissante de l’importance déterminante de leur rôle social s’est fait jour et continue de faire son chemin dans le droit et le discours public.
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