Devoir de Philosophie

La philosophie dans le monde

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

philosophie

L'enseignement de la philosophie dans le monde Contrairement à une idée reçue, l'enseignement obligatoire de la philosophie au lycée ne fait pas partie de l'« exception française ». Aujourd'hui, des dizaines de pays l'ont intégré dans le programme du lycée, et parfois dès l'équivalent de la classe de Seconde. Un modéle plutôt qu'une exception Le terme d'« exception française », qui désigne la singularité du modèle culturel français, est souvent employé à tort et à travers, et ne convient pas à l'enseignement de la philosophie. Au contraire, la philosophie est enseignée dès le début du lycée dans de nombreux pays, et son enseignement dépasse souvent l'aspect très théorique du modèle français.

L'enseignement philosophique s'articule néanmoins autour d'un incontestable modèle français, hérité de la Révolution de 1789 et des valeurs qui ont alors vu le jour. Lakanal fut le premier à définir cet idéal révolutionnaire, et que l'on peut résumer comme étant le droit à la liberté d'esprit et au développement de la raison critique pour chaque citoyen.

Victor Cousin institua au système éducatif la philosophie et le modéle de la dissertation en 1848.

Aujourd'hui, la philosophie constitue au sein de certains systèmes éducatifs un véritable entraînement à l'exercice de la pensée critique. Extension de l'enseignement philosophique dans le monde L'enseignement de la philosophie dans le monde s'est étendu sur les bases de ce modèle. C'est ainsi que dans les pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'Europe de l'Est, qui sont pour la plupart sortis de systèmes dictatoriaux, la philosophie assure la sensabilisation des jeunes aux principes de liberté de la pensée. Son enseignement y est perçu comme un élément durable du processus de démocratisation.

Les organismes internationaux soutiennent ce développement. L'Unesco est en première ligne du combat pour l'apprentissage de la pensée. En 1995, des philosophes venus de 18 pays ont signé sous son égide la Déclaration de Paris pour la philosophie, dont voici un extrait :

Une activité philosophique libre doit être partout garantie, sous toutes les formes et dans tous les lieux où elle peut s'exercer, à tous les individus. L'enseignement philosophique doit être préservé ou étendu là où il existe, créé là où il n'existe pas encore, et nommé explicitement« philosophie ». approcher la philosophie des préoccupations essentielles de notre époque : tel est le but de la Chaire d’enseignement et de recherche La philosophie dans le monde actuel. Comme au temps de Socrate, le philosophe engagé dans la Cité, la Chaire entend contribuer à la vie de notre espace public. Elle le fera par des colloques et des conférences s’adressant à un large public, par des interventions dans les médias, par des publications qui nourrissent et stimulent la réflexion. En outre, la Chaire consacrera une partie importante de son budget au financement d’activités présentées dans le cadre de concours dont on trouvera plus loin la description. Ces programmes d’aide recoupent la mission qu’elle s’est donnée : celle de témoigner du rôle essentiel de la philosophie dans nos sociétés contemporaines. Thomas De Koninck est l’actuel titulaire de la Chaire. Philosophe de grande réputation, ses écrits les plus récents ont été consacrés aux thèmes de la dignité humaine, de la culture et de l’éducation. La proposition de rendre optionnels les cours de philosophie au cégep trahit une conception étriquée de cette dernière et manque singulièrement de réalisme. L'éducation supérieure doit apprendre à penser toujours mieux. Ce qu'il s'agit de former avant tout, c'est le jugement critique ; lui seul rend autonome, libre.

Les problèmes de société et les problèmes politiques s'avèrent de plus en plus globaux, complexes au sens de tissés ensemble, cependant que le déploiement des connaissances va dans le sens opposé, suivant des labyrinthes toujours plus spécialisés, fragmentés, détachés du tout. Paradoxalement, de moins en moins de personnes sont préparées, par leur formation, à faire face à ces problèmes globaux. On sait pourtant ce que risque de donner au niveau collectif l'écoute exclusive d'un expert — en économie, par exemple, mais quel que soit le domaine —, expert qu'on ne comprend souvent du reste plus guère.

En même temps, les nouveaux pouvoirs de communication restructurent tant l'action politique que le monde de l'économie et de la science et façonnent la société selon de nouveaux modèles culturels. Leur impact sur la vie des personnes et des peuples, le libre afflux des mots et des images à l'échelle mondiale transforment les relations humaines à tous les niveaux, et même la compréhension du monde, démontrant à neuf à quel point l'évolution des sociétés est déterminée par la culture d'abord, bien avant les modes de production ou les régimes politiques. On le voit, jamais une bonne formation générale n'a été aussi nécessaire, et à la base de celle-ci, la philosophie.

Le sens de la vie

Toute démocratie dépend de la qualité de la formation des citoyens, de leur jugement, et, par conséquent, du langage et de la capacité de discerner, de détecter ce qui est démagogique, de tenir de véritables débats rationnels sans lesquels la démocratie périclite vite en son contraire. L'histoire l'a démontré d'innombrables fois : à proportion que la faculté d'expression, de communication, de penser dépérit dans une société, la violence croît. Cette violence prend notoirement au Québec la forme d'une violence faite à soi-même : le suicide.

La démocratie véritable est extrêmement concrète et complexe. Elle implique le dynamisme constant de recherches, de découvertes, de développements, de choix en vue du bien commun, qu'on s'efforce dès lors sans cesse de réaliser de manière pratique. Elle suppose une éducation aidant chacune et chacun à se forger, de façon critique, une culture philosophique propre. Seule une telle culture peut sauver l'expert de son expertise, le technicien de sa technique, les sociétés humaines de la montée de l'insignifiance.

Tout être humain a une philosophie implicite, consciente ou point, certes souvent peu critique, mais qui commande sa vie entière. Les questions les plus « brûlantes » (Husserl) sont les questions qui portent sur le sens ou sur l'absence de sens de la vie. Ces questions engagent la totalité de l'expérience humaine. Or, cette préoccupation est au cœur même de la philosophie.

L'importance que l'on accorde à la démarche des sciences pures vient de ce qu'elle est la seule qui paraisse rendre possible un accord universel, en reposant sur une réduction préalable de l'expérience humaine à deux domaines, extrêmement limités l'un et l'autre : celui de la perception et celui du raisonnement formel. La décision méthodique de s'en tenir à leur double évidence implique la mise entre parenthèses de dimensions fondamentales de la vie humaine qui toutes doivent trouver à se dire, s'expliciter et se comprendre. Les arts, les lettres et la philosophie s'avèrent en cela indispensables.

L'implication réciproque de tous les problèmes au niveau planétaire et les effets de la techno-science sur la nature mettent chaque jour davantage en relief l'importance de l'humain. Il y a lieu de s'en réjouir s'ils suscitent leur pendant éthique, le lien de solidarité, le fait de tenir et de porter ensemble la responsabilité de l'humain comme tel. Cette personne-ci, chacune et chacun d'entre nous, est ce qu'il y a de plus complexe et de plus concret à la fois en ce monde. De là vient la difficulté de l'éthique et le défi majeur qu'elle pose à la philosophie.

Repère indispensable

L'éducation vise l'être humain concret, donc total. Dans le respect de tout ce qu'il est, dans le concret de la dignité égale de tous les humains, quels qu'ils soient. La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 a posé en principe « la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables », comme constituant « le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Une prise de conscience accrue de cette valeur fournit un repère indispensable aujourd'hui dans la pluralité des cultures, parmi tant de morales différentes, permettant la convivialité, le vivre-ensemble.

La dignité humaine, rappelle la philosophie, signifie que chaque être humain est au-dessus de tout prix, unique au monde, devant être considéré comme une fin, et jamais réductible à un moyen — ainsi que l'affirmait si justement Kant — avec toutes les conséquences pratiques que cela entraîne. Seule la philosophie peut, dans le contexte pluraliste actuel, pleinement assurer une telle prise de conscience et la porter à maturité.

On a d'autre part raison d'insister aujourd'hui sur l'urgence d'éveiller plus que jamais à « la connaissance de la connaissance », c'est-à-dire à l'évaluation critique du savoir, permettant de mieux prévenir la part d'illusion qui aura été si considérable dans l'histoire, s'agissant de l'être humain lui-même ou de telle forme de savoir qu'on croyait définitive alors qu'elle ne l'était pas du tout. La connaissance de la connaissance, en premier lieu la connaissance de l'illusion, revient à savoir discerner, être critique, devant les vues simplettes qui se présentent comme autant d'absolus. On reconnaît là encore une des tâches les plus aisément identifiables de la philosophie.

Le goût de l'avenir

En ce moment, l'éducation publique s'aligne sur les besoins du marché de l'emploi. Cette approche d'apparence pratique ne l'est pas du tout, elle est largement illusoire. Se concentrer sur la technologie, par exemple, générera des diplômés obsolètes. Il saute aux yeux, en pleine révolution technologique, que cela signifie enseigner ce qui sera périmé dans 5 ou 10 ans — à l'instar des ordinateurs du même âge — et qui ne fera par la suite qu'accroître davantage encore les frustrations.

Le problème n'est pas celui de créer des habiletés au sein d'une technologie galopante, mais bien plutôt d'enseigner à des étudiants à penser et leur fournir les outils intellectuels qui les rendront aptes à réagir à la myriade de changements, y inclus de changements technologiques, auxquels ils auront à faire face dans les prochaines décennies.

Les gouvernements doivent s'appliquer à redonner aux humains le « goût de l'avenir », selon l'expression de Tocqueville. En pareille perspective, le premier défi de l'éducation est de générer l'enthousiasme qui poussera les jeunes, les décideurs de demain, à progresser d'eux-mêmes vers de nouvelles quêtes de sens et de savoir et de nouvelles questions, en n'évitant pas les questions les plus brûlantes, à savoir les questions ultimes dont nous parlions, comme celle du sens de leur vie elle-même et de leur collectivité. Rien n'est plus nécessaire à cet égard encore, dans le présent contexte, que la philosophie.

Thomas De Koninck Titulaire de la chaire La philosophie dans le monde actuel, de l'Université Laval

 

Liens utiles