La personne morale : entre fiction et réalité
Publié le 01/11/2012
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Une personne morale est un sujet de droit autre qu'un être humain. Ici le sujet est un « groupement doté, sous certaines conditions, d'une personnalité juridique plus ou moins complète «. (CORNU) La personnalité morale désigne, en droit, la personnalité juridique conférée par la loi à une entité et qui lui permet, à ce titre, d'agir et d'être titulaire de droits, telle une personne physique. Une fiction, entendue comme une fiction juridique, est la technique du droit par laquelle est tenue pour établir une situation juridique contraire à la réalité factuelle. Il existe, en l'état actuel du droit positif, trois types de personnes morales, c'est-à-dire d'entités titulaires de la personnalité morale. Il y a, en premier lieu, les personnes morales de droit public, qui sont l'État, les collectivités territoriales et les Établissements Publics. En second lieu, il existe des personnes morales de droit privé, qui prennent à forme d'associations, qui sont à but non lucratif, ou de sociétés civiles ou commerciales, qui sont à but lucratif. Les personnes morales religieuses, ou associations cultuelles, sont moins facilement reconnues par le droit français, du fait de l'affirmation de la laïcité de la République. Les personnes morales et leur pleine reconnaissance juridique traduisent une philosophie collectiviste dans laquelle l'intérêt collectif , que ce soit l'intérêt général, pour les personnes morales de droit public, ou l'intérêt social, pour celles de droit privé, est consacré. De nombreux débats doctrinaux ont animé, depuis le XVIIIe siècle, la question de la personnalité morale. Les auteurs tendaient soit à considérer qu'il s'agissait là d'une fiction, notamment au début du XIXe siècle, soit à estimer que cela venait consacrer une réalité. Le 22 février 1945, une ordonnance reconnaît l'existence des comités d'entreprises. Le 2 nov. 1945, un décret reconnaît la personnalité morale au comité d'entreprise. le sieur Ray ne rembourse pas le prix d'un marché de vêtements au comité d'établissement de St-Chamond de la société « Cie des Forges et Acieries de la Marine et d'Homécourt «. le comité d'établissement de St-Chamond de la société « Cie des Forges de la Marine et d'Homécourt «, demandeur assigne le sieur Ray, défendeur en remboursement du prix d'un marché de vêtements devant une juridiction civile de 1° instance inconnu. Le tribunal rend un jugement inconnu. La partie mécontente interjette appel. Le 30 octobre 1950 la CA de lyon rejette la demande en 1° instance. Le comité d'établissement de St Chamond forme un pourvoi en cassation. Le 28 janvier 1954, la chambre civile de la cour de cassation casse l'arrêt d'appel et renvoie devant la cour de cassation. Le problème est ici : « Les comités d'établissements peuvent-ils en l'absence de disposition législative se voir reconnaître la personnalité morale ? « La personnalité morale est à la fois une fiction apparente (I), et la consécration d'une réalité (II). La personnalité morale, une fiction apparente La personnalité morale est une fiction en ce que, d'une part, il n'est pas possible à la personne morale d'agir matériellement d'elle-même (A), et, d'autre part, que le droit a consacré sa survie, voire son immortalité (B). A] L'incapacité matérielle d'agir de la personne morale Il ne s'agit pas là du droit d'agir mais de la possibilité matérielle d'agir. Il est assez évident que, contrairement aux personnes physiques, la personne morale ne peut agir d'elle-même. Elle est, en effet, dénuée de corps. La personne morale est conférée à un groupement constitué de biens et de personnes. Ce ne peut non plus être l'ensemble de ces personnes, pour des raisons pratiques, qui agissent conjointement. En conséquence, le propre de toute personne morale est de constituer des organes afin de la représenter, de la personnifier, dans ses rapports avec les tiers. Le droit consacre cela, notamment, pour l'État, à travers la Constitution. Ces représentants sont alors bien des personnes physiques qui tiennent leur pouvoir de la fonction qu'ils occupent au sein de la personne morale, à savoir celle de dirigeant. Ce sera le Président la république pour l'État, le Maire pour la commune, le Président d'association, ou encore le Président-directeur général pour la société commerciale. Ce sont bien ces personnes physiques qui, du fait de leur qualité, vont contracter mais ce ne sera pas eux qui seront personnellement engagés mais bien la personne morale qu'ils représentent. Il y a là une fiction juridique en ce que la réalité est qu'une personne physique agit matériellement, mais que juridiquement ce sera la personne morale qui sera responsable de cet acte. En outre, un élément tendant à ce que la personnalité morale traduise une fiction juridique est la façon dont le droit traite la mort des personnes morales. B] L'immortalité ou la survie juridique de la personne morale La naissance, par exemple l'enregistrement au registre du commerce et des sociétés pour la société commerciale, produit relativement les mêmes effets, mais la mort elle, est différente. En réalité, pour l'État, il n'y a pas de mort. Le principe de continuité de l'État suppose que l'État vive indéfiniment. Le principe est le même pour les personnes morales de droit privé, qui peuvent être prorogées indéfiniment. La personnalité morale peut donc ne jamais mourir. La fiction est ouvertement affirmée dans le cadre de la mort de la société commerciale ou civile. Celle-ci meurt en effet par sa dissolution. Cependant, le droit positif français estime qu'il y a survie de la personnalité morale afin que soient effectuées les opérations de liquidation, et ce, dans le but de protéger les personnes physiques composant la société. Sous cet angle, la fiction est évidente : la personne meurt mais survit néanmoins à sa propre mort. Les intérêts individuels de ceux qui composent la personne morale priment alors, conformément à ce que souhaitaient les auteurs partisans de la théorie de la fiction, tel Savigny. À côté de cela, l'existence d'un groupement de personnes autonome de ses membres et bien une réalité, que le droit est venu consacrer. La personnalité morale, une réalité consacrée Lorsque des personnes se regroupent dans un même but, en mettant en commun une partie de leurs biens et afin de constituer une entité distincte, il y a bien une autonomie de celle-ci vis-à-vis de ses membres (A). Le droit vient la consolider en protégeant l'intérêt collectif (B). A] L'autonomie de la personne morale vis-à-vis de ses membres La personne morale dispose d'un véritable état. Elle naît, et cette naissance est constatée officiellement, comme pour une personne physique. C'est notamment l'inscription au registre du commerce et des sociétés pour les sociétés. Les personnes qui la créent lui confèrent également un nom. Selon l'arrêt Bordas rendu par la Cour de cassation en 1985, même si le nom de la personne morale reprend celui d'un de ses fondateurs, le départ de celui-ci ne lui permet d'exiger que la personne morale change de nom, ce le nom s'est détaché de la personne physique au profit de la personne morale. La personne morale a également un domicile, comme la mairie pour la commune. Elle a, en outre, une nationalité, ce qui est évident pour les personnes morales de droit public. La personne morale est titulaire d'un certain nombre de droits subjectifs. Dès sa naissance, elle possède un patrimoine complet, distinct de ceux de ses membres. Ce patrimoine évolue en cours de vie de la personne morale, il est géré par son dirigeant. À travers lui, la personne morale peut contracter et ainsi devenir débiteur ou être titulaire d'un droit de créance. À ce titre, la personne morale pour être civilement responsable. Elle peut même être pénalement responsable, en vertu de l'article 121-2 du Code pénal, à l'exception de l'État. Évidemment, la personne morale ne peut encourir de peine d'emprisonnement. Cependant, la personne morale, si elle a les mêmes droits patrimoniaux que toute personne physique, n'a pas exactement les mêmes droits extrapatrimoniaux. Ainsi, par exemple, la personne morale ne peut voter. Le législateur est venu protéger cette autonomie en renforçant le concept d'intérêt collectif. B] La protection de l'intérêt collectif L'intérêt collectif, ce peut être l'intérêt général, pour les personnes morales de droit public. Ce peut être également l'intérêt social, pour les sociétés, ou encore l'intérêt collectif défendu par une association. Cet intérêt collectif, qui est la raison d'être la personne morale, est d'abord protégé face aux menaces extérieures. Ainsi, la jurisprudence habilite de plus en plus facilement les associations à agir en justice pour défendre les intérêts qu'elles défendent. C'est la jurisprudence dite des ligues de défense. De même la société peut, par le biais de son représentant, agir en justice dans l'intérêt social, notamment pour obtenir exécution d'une prestation qui lui est due. Enfin, l'État peut agir en justice dès qu'une règle d'ordre public est violée, c'est-à-dire lorsque l'intérêt général est menacé. Tel est notamment le cas en cas d'infraction pénale. Surtout, l'intérêt collectif est protégé contre les menaces internes à la personne morale. Ainsi, son représentant peut être civilement ou pénalement responsable pour les actes qu'il a commis et qui sont contraires à l'intérêt défendu. La responsabilité pénale du Président de la République est notamment consacrée depuis longtemps en cas de haute trahison et, depuis une révision constitutionnelle datant de 2007, a été étendue à tout « manquement grave manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat «, la notion de manquement grave renvoyant à une attitude contraire à l'intérêt général. Il en va de même pour le dirigeant d'une société ou d'une association, civilement responsable de ses actes devant elle et pénalement responsable, notamment en cas d'abus de biens sociaux, c'est-à-dire de détournement de biens de la personne morale à son profit personnel.
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