La Mort De Manon Lescaut L'Abbé Prévost.
Publié le 24/09/2010
Extrait du document
Introduction :
L’histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est une œuvre écrite par l’Abbé Prévost en 1731. Le passage à étudier se situ à la fin du roman. Des Grieux fait le récit de ses aventures à l’homme de qualité Renoncour. Il s’agit d’un récit parfaitement chronologique. Cet extrait se déroule après le duel avec Synnelet (neveu du gouverneur qui veut épouser Manon). Des Grieux est blessé au bras, Manon et lui sont en fuite dans le désert. On se demandera : De quelle manière Prévost dépeint-il la mort tragique de Manon ? Deux thèmes seront abordés : tout d’abord nous analyserons la démonstration de l’amour puis la mort de Manon.
La démonstration de l’amour :
Dès le début du passage, on voit que Des Grieux et Manon sont très proches. Il y a plusieurs marques d’affections qui apparaissent, on dénote une parfaite complicité entre les deux êtres. En effet on remarque qu’il y a un besoin inné d’apporter ses services à l’être aimé, « satisfaire sa tendresse « est avant tout un plaisir personnel qui se transforme en preuve d’amour pour l’autre. Une foi que Manon est arrivé au paroxysme de son désir, c’est au « tour « de Des Grieux de montrer son dévouement pour elle. D’une manière classique l’homme se doit de subvenir aux besoins de sa bien aimée, il se doit de la protéger. On voit que Des Grieux se comporte tel un homme de son rang, il se « dépouille de ses habits «. Prévost utilise le style indirect libre « malgré elle « pour rapporter les propos de Manon. On comprend alors qu’elle proteste, elle ne veut pas que Des Grieux enlève ses habits, mais il réussit à la persuader « Je la fis consentir «. On remarque que même dans le désert, Des Grieux cherche à atténuer le désarroi de Manon en lui cédant ses vêtements. On observe un contact physique très important, qui surplombe le récit « J’échauffai ses mains « « en touchant ses mains « « Je les approchais de mon sein « « le serrement de ses mains « « des marques d’amour « ce qui met en évidence leur union et leur passion intense. De façon traditionnelle le lexique des soins corporels est inséparable du vocabulaire amoureux. La situation est romanesque : la fuite de deux amants dans la nuit en plein désert. Ils n’ont pas de feu de bois, aucun moyen pour se protéger du froid, alors Des Grieux utilise « la chaleur de ses soupirs « et de « ses baisers ardents «. Des grieux se dévoue totalement pour Manon, c’est un amour démesuré il veille sur elle « la nuit entière «, l’amour qu’il ressent pour elle est un enchantement qui le dépasse et qui le conduit à la folie et à la perte de soi, on retrouve ici le jansénisme, il prend un être humain pour un être divin, c’est ça qui le conduira à la fatalité. Des Grieux s’adresse aux puissances célestes ce qui montre l’intensité de leur désespoir il prit alors « Le ciel «, il demande de l’aide. Puis on note une apostrophe « O Dieu ! « il cri à l’injustice, il s’insurge devant un tel abandon, en une phrase on relève trois points d’exclamations ce qui marque son indignement face au destin. Des Grieux se plaît à se présenter comme une victime, il est persécuté par la fatalité, c’est une posture qu’il adopte pour qu’on éprouve de la pitié.
Première intervention du narrateur
Intervention du narrateur, il s’adresse au style direct à son recepteur le marquis de Renoncour avec de la réticence « Pardonnez «, il annonce qu’il abrégera le récit de la mort de Manon « si j’achève en peu de mot un récit qui me tue « on note des propos hyperboliques. « Un malheur qui n’eut jamais d’exemple « Des Grieux se présente encore une foi comme l’éternelle victime avec l’emploi du passé on constate que personne n’a jamais vécu une telle histoire, il est le seul. La fatalité plane sur cette intervention « toute ma vie est déstinée à le pleurer «. On relève que le contraste « qui me tue « et « toute ma vie « sert essentiellement à renforcer la situation tragique dans lequel il se trouve. « Toute ma vie est destinée à le pleurer « « sans cesse dans ma mémoire « ces phrases nous mènent inexorablement vers un futur malheureux, sa conscience est remplie de ces souvenirs morbides qui ne le quitteront jamais. Il y a une rupture avec la conjonction « Mais «, Des Grieux éprouve du mal à raconter cette histoire, on le voit avec la personnification « mon âme semble reculer d’horreur «.
Avant la mort de Manon
On peut dire que le troisième paragraphe s’oppose au deuxième car Des Grieux parvient tout de même à exprimer le malheur de sa vie. Il évoque à l’imparfait lorsqu’ils étaient encore « ensemble « « nous avions passé tranquillement une partie de la nuit « Cette phrase annonce le drame car on se demande qu’est ce qui se passe durant l’autre partie de la nuit ? Prévost laisse planer le mystère afin de captiver le lecteur. « Je croyais ma chère maitresse endormie « cette phrase appartient au registre tragique car elle n’est pas entrain de dormir paisiblement mais elle est entrain de mourir, il se trompe. Il la nomme « ma chère maîtresse « on relève une formulation traditionnelle du langage amoureux, ce terme rend le texte encore plus pathétique. Des Grieux donne des précisions temporelles, « une partie de la nuit « « dès le point du jour « pour mettre en relief l’authenticité de son récit. Dans ce passage l’amour est encore marqué par le contact physique : les mains renforcent l’idée d’union. Des Grieux se dévoue il y a une opposition entre « froid « et « échauffer « il est la seule source de chaleur.
LA MORT DE MANON
Manon est en phase finale. On le voit grâce à cette phrase saccadée « Elle sentit ce mouvement, et, faisant un effort pour saisir les miennes, elle me dit d’une voix faible, qu’elle se croyait à sa dernière heure «. Le rapport au style indirect des propos de Manon donne un ton sombre au passage, Prévost utilise une syntaxe simple « Elle me dit d’une voix faible «. Des Grieux ne prend pas cet aveu au sérieux il l’explique en utilisant un mot de liaison « d’abord «, mais il y a une rupture avec « Mais « cette conjonction annonce une rupture nette, annonce qu’il a enfin compris. Le champ lexical de la mort domine ce passage « froides et tremblantes « « sa dernière heure « « la fin de ses malheurs « « je la perdis « « elle expirait «. Ces termes s’opposent au propos amoureux « les tendres consolations de l’amour « « sentiments « « marques d’amour « cette opposition sert à dramatiser la scène, l’abbé reste allusif. On peut dire que la mort se présente sous forme de deux étapes : tout d’abord auditivement « ses soupirs fréquents, son silence à mes interrogations « puis tactilement « le serrement de ses mains dans lesquelles elle continuait de tenir les miennes«, souligne l’intensité de leur amour, jusqu’au dernier moment ils sont liés. Manon est présenté comme une femme courageuse, une héroïne tragique accablée par la fatalité, elle ne se plaint pas durant son agonie « marques d’amour, au moment qu’elle expirait «. Pour annoncer cette mort Des Grieux a recourt à un euphémisme « Je la perdis « ce qui montre qu’il a du mal à accepter cette mort subite bien que ce soit un récit après coup. On constate que le verbe « mourir « ou le terme « mort « n’apparaissent pas, il cherche à ne pas se brutaliser en utilisant des mots cru, il contente alors d’une atténuation. La douleur de Des Grieux est claire dans ce passage alors que Prévost ne la développe au maximum, il reste sobre dans la description des sentiments, il n’y a pas de crise émotionelle. Des Grieux est aussi présenté comme un héro, il garde ses moments pour lui, et tente de dissimuler sa tristesse devant l’homme de qualité. « Ce fatal et déplorable événement « ces mots appartiennent au registre de la tragédie.
Deuxième intervention du narrateur
« N’éxigez « rappelle la première intervention du narrateur avec « Pardonnez «. Il a recours à des négations syntaxiques « point « « ni «. On remarque que Des Grieux a recours à l’emploi du forclusif « point « ce qui met en évidence que Des Grieux est un homme de qualité, c’est un langage classique soutenu, cet emploi est une tournure d’insistance. Ces interventions marquent l’intensité de la douleur.
Conclusion :
Pour conclure, Prévost, dépeint la mort de Manon d’une manière très sobre, peu descriptive, avec une syntaxe simple. Mais cette simplicité nous conduit tout de même à une scène pathétique qui nous laisse imaginer l’esprit torturé de Des Grieux. L’abbé en fait un héro, car Des Grieux a la délicatesse de ne pas partager ses plus intimes sentiments, en gardant l’essentiel pour lui seul il reste fidèle à Manon. Il reste digne et ne se laisse pas emporter par une crise émotionnelle durant ce récit. Le chatiment du ciel est tombé sur eux, Manon est punie par la mort pour sa décadence, et Des Grieux est puni par la solitude. Au siècle suivant, ces libertins ont inspiré les opéras de Massenet et Puccini, Manon Lescaut et le chevalier Des Grieux est un couple immortelle.
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