La mort dans l'odyssée
Publié le 11/06/2011
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La Mort dans l’Odyssée
PLAN
I. La Mort présente dans le monde des vivants
A- La mort omniprésente
B- La raison d’être de la mort
C- Les rites et réactions face à la mort
II. La Mort aux Enfers
A- Le rituel
B- Le personnel de la mythologie
C- Ulysse fait une rencontre interpersonnelle
III. La conception de la mort et l’évolution d’Ulysse
A- Comment est perçue la mort ?
B- La perte de ses compagnons indique-t-elle l’évolution d’Ulysse ?
C- Sa visite au royaume des morts ôte tout suspens
A la fin de la guerre de Troie, Ulysse entame son retour à Ithaque. L’Odyssée est le récit de ce parcours parsemé d’obstacles. En effet, ce retour comporte des dangers et Ulysse et ses compagnons seront confrontés à de très nombreuses reprises à la mort. Il navigue dans des lieux dangereux, est confronté à des monstres (éléments merveilleux), devra faire face à la colère des dieux et atteindra un point extrême avec la descente aux Enfers.
Des chants V à XII, la mort est présente de diverses façons que l’on distinguera dans le monde des vivants, aux Enfers et la vision et l’évolution décrite et apportée par l’Odyssée de la Mort ?
I] La Mort PRESENTE DANS LE MONDE DES VIVANTS.
1. La mort est omniprésente.
La mort est un élément central du récit d’Homère car elle est présente durant tout le récit, dans différents lieux et de différentes manières.
« Va donc errer, souffrant mille morts, sur les mers, » p.94 v. 377
C’est une menace de mort que profère ici Poséidon qui nous indique que la mort sera certainement présente lors des déplacements en mer d’Ulysse et de son équipage.
En effet, Ulysse assiste impuissant à la mort de ses compagnons sur terre notamment chez les Cicones les durant des pillages: « mais je ne voulu pas que nos vaisseaux arqués s’en fussent avant qu’on eu hélé trois fois les pauvres compagnons morts dans la plaine » (p.144 v.64-65), « De chacun des vaisseaux, six compagnons guêtrés périrent ; nous autres pûmes fuir le sort et le trépas. » (p.143 v.60-61).
Elle est bien sûr également présente chez le cyclope Polyphème qui ôte la vie de plusieurs des compagnons d’Ulysse pour son dîner. En plus de craindre pour leur propres vies, ils assistent à nouveau impuissant à ces morts : « il en prit deux, et comme des chiots, sur le sol les assomma. La cervelle en giclant mouilla le sol. Découpés membre à membre, il en fit son souper. » (p.150 v.289-291), « [il] attrapa deux autres de mes gens pour son repas. » (p.150 v.311 et p.151 v.344), « sans attendre il en broya un pour son repas. » (p.163 v.116). La mort est également présente dans un autre épisode de l’Odyssée ; chez les Lestrygons : « les bateaux monta le bruit affreux des mortels massacrés et des navires fracassés. » (p.163 v.122-123)
A nouveau avec Elpénor, elle passe inaperçue: « il tomba du toit, se brisa les vertèbres du cou, et son âme fut chez Hadès. » p.175 v.559-560 Personne ne s’est aperçu de la mort de ce dernier en état d’ivresse, peu de temps avant le départ de chez Circé.
Dans l’Odyssée, cette forme de mort est unique et un non sens si on la compare aux autres. Si Elpénor s’est tué c’est par pure bêtise et la cause est singulière : un abus d’alcool. Cette mort est à l’opposé des morts glorieuses de la guerre de Troie ou celles provoquées par des éléments merveilleux. C’est une vision nouvelle de la mort qu’apporte ici Homère car c’est une mort de la vie quotidienne.
Lors de l’épisode de Charybde et Scylla, Ulysse voit encore six de ces compagnons disparaitre tandis que lui survit, accroché au mat du bateau. « Enlevés dans les airs; ils m’appelaient encore, criant mon nom pour la dernière fois avec tristesse. » (v. 249-250 p. 205)
On trouve également les diverses tempêtes auxquelles Ulysse doit faire face et où il frôle de très près la mort : « Tous ses fidèles compagnons furent perdus » (p.87 v.110; p.87 v.133; p.119 v.251), « le mât frappa le pilote à la tête et lui broya les os de la tête d’un coup : pareil à un plongeur, il tomba du gaillard : l’âme fière quitta les os. » (p.209 v.411-414), « ils passèrent par-dessus bord » (p.209 v.417)
Ainsi Ulysse quitte-t-il Troie accompagné d’environ 200 hommes qui disparaissent tous durant son périple. Nombreux sont les épisodes où l’on ne connaît pas le nombre exact de morts, mais, quand c’est le cas, le chiffre récurrent est 6. On ne trouve aucune trace d’une quelconque symbolique de ce chiffre chez les grecs mais, ce sont des morts numériquement nombreuses.
2. La raison d’être de la mort.
L’Odyssée raconte une lutte pour la survie constante : celle d’Ulysse. Cette lutte est voulue par les dieux. En effet, Poséidon a décidé d’empêcher Ulysse de rentrer à Ithaque comme une punition à payer pour la mort d’un de ses fils ; le Cyclope Polyphème.
« Va donc errer, souffrant mille morts, sur les mers, » p.94 v. 377
Cette vengeance divine est inéluctable et explique en grande partie la présence si importante de la mort dans le récit.
La déesse protectrice Athéna tente de préserver Ulysse de la mort en prenant différentes formes et stratagèmes « afin qu’Ulysse, échappant aux génies de mort, » p.95 v.386, « Il s’y fût écorché la peau, brisé les os si Pallas Athéna ne l’avait inspiré.» p.96 v.426, « Alors le malheureux eût succombé, outrant le sort, sans le conseil de la déesse aux yeux brillants ; » p.96 v.438
Une autre déesse, Ino intervient lors d’une tempête après le départ de chez Calypso et vient en aide à Ulysse « Tu n’auras plus à craindre la souffrance ni la mort » p.93 v.347
Le sort des humains dépend donc des Dieux. En effet, dans la vision grecque, l’Odyssée nous montre que ceux-ci ont le pouvoir de vie ou de mort sur les mortels. Les hommes ne peuvent lutter contre leur puissance et sont face à une soumission totale. On distingue également les dieux opposants qui causent les dangers dans lesquels la mort est présente, et les dieux adjuvants qui tentent de préserver les hommes de cette mort certaine par divers moyens.
3. Les réactions et rites face à la mort.
Les réactions face à la mort telles qu’elles sont montrées dans l’Odyssée sont représentatives de celles de l’Antiquité. La mort est particulièrement codifiée. On pleurs les morts, quel qu’ils soient et on engage même des pleureuses. On sait aussi que seules les femmes pleurent et montrent leurs émotions. Ulysse fait exception dans l’Odyssée puisque ses compagnons et pleure aux Enfers : « Mais je pleurais quand je le vis, pris de pitié » (vers 55 p179)
Les pleurs sont donc nécessaires aux hommages faits aux morts. L’exemple d’Elpénor, qui est mort sans que personne ne s’en aperçoivent nous montre également que le rituel d’enterrement est nécessaire pour que l’âme soit en paix.
La mort nous montre également la capacité de survie exceptionnelle d’Ulysse.
« De chacun des vaisseaux, six compagnons guêtrés périrent ; nous autres pûmes fuir le sort et le trépas. » (p.143 v.60-61),
Même dans les situations les plus périlleuses, jamais Ulysse ne meurt. L’énergie dont il fait preuve durant les tempêtes bien qu’il soit dans un état de survie entre la vie et la mort est presque surhumaine.
Ulysse et ses compagnons rencontrent donc à de nombreuses reprises la mort; alors que les compagnons disparaissent tous au fur et à mesure du voyage, il reste vivant soulignant que c'est lui le héros. En effet, quoi qu'il se passe il ne meurt jamais, même dans les pires situations.
Il est impossible pour Ulysse, présenté comme un héros et un aventurier d’être indifférent face à la mort. En effet, celle-ci touche son équipage, ses amis et le plus important : sa mère. Le champ lexical de la tristesse est présent à chaque épisode ce qui apporte à Ulysse une dimension humaine contrairement au personnage présenté dans les récits glorieux durant la guerre de Troie.
Au début du récit, la mort prend de l’importance par sa violence. La mort n’ayant pas de sens, la vie n’en a aucun également. Or, lorsqu’il est confronté à la mort passée, la vie va alors prendre de l’importance. En effet, Ulysse descend aux Enfers afin d’interroger le devin Tirésias sur son destin. Cette catabase (katábasis : action de descendre) prouve qu’Ulysse est un héros (mi mortel mi Dieu) puisque les mortels ne peuvent normalement y accéder.
La descente aux Enfers est un épisode majeur de l’Odyssée.
II) La mort aux Enfers
1. Le cadre et le rituel
Homère nous livre tout d’abord une description du lieu où doit se dérouler le rituel. Ce lieu est ancrée dans un topos grec. En effet, plusieurs héros tel que Orphée, Héraclès ou encore Thésée se sont risqués à descendre aux enfers. Orphée pour aller chercher Eurydice mais, trop impatient pour attendre la Terre ferme pour la regarder et il la perdra pour toujours, Héraclès pour aller chercher Cerbère et le ramener à Euryclée, et Thésée qui y perdra la mémoire selon la volonté d'Hadès et qui la retrouvera après qu'Héraclès ait menacé Hadès. C'est un lieu qui semble sinistre, sombre, privé de soleil. Il connote une sorte de souffrance, de tristesse. « Là où se trouvent la ville et le pays des Cimmériens, couvert d'un voile de brouillard; sur eux jamais le soleil éclatant ne fait descendre ses rayons [...] une funeste nuit s'étend sur ces infortunés » (v. 14 à 19 page. 178)
C’est un lieu précis, Ulysse nous décrit le chemin pour arriver à l'entrée des Enfers et nous dit aussi que cette entrée ne peut être trouvée que grâce à l'aide d'un dieu, elle n'est donc pas à la portée de tous les immortels.
« puis on longea les eaux de l'Océan jusqu'à l'endroit désigné par Circé » (v. 21-22 page. 178), « je fis d'abord un trou d'une coudée carrée » (v. 25 page. 178)
Les âmes ne peuvent apparaitre à Ulysse que si elles sont nourries de sang animal. Pour cela, Ulysse procède à un rituel bien précis qui nous est décrit. Dans un premier temps, les ingrédients : « d'abord le lait miellé, puis le vin doux, l'eau en troisième et dessus, la farine blanche » (v. 27 à 29 page. 179), « je saisis les deux bêtes, leur tranchai la gorge sur le trou; le
sang noir coula » (v. 35-36 page. 179), « j'enjoignis à mes compagnons d'écorcher, de brûler les bêtes qui gisaient » (v. 45-46 page. 179). Ici le sang noir connote directement la mort et nous donne une illusion de merveilleux.
Il doit également préparer son esprit à entrer aux Enfers et doit d’une part implorer les âmes d’apparaître et leurs promets de nombreuses offrandes.
« j'implorais longuement les têtes sans force des morts, leur promettais, si je rentrais, une génisse, ma plus belle génisse, avec un bûcher lourd d'offrandes, et, réservé au seul Tirésias, un bélier noir sans taches, le meilleur de tout le troupeau. Puis le peuple de morts par vœux et prières implorés, (v.29 à 34 page. 179), « en adjurant les dieux » (v. 46 page. 179)
Ulysse doit se montrer suppliant envers les âmes, implorant, promettre une multitude d'offrandes. Certaines spécialement dédiées à Tirésias.
Communiquer avec les morts exige un rituel précis. Lorsque Tirésias le rencontre, il lui faut boire le sang : « « Pourquoi, ô malheureux, ayant quitté la lumière de Hélios, es-tu venu pour voir les morts et leur pays lamentable ? Mais recule de la fosse, écarte ton épée, afin que je boive le sang, et je te dirai la vérité ». Ce sang est indispensable pour que les échanges puissent avoir lieu, comme l’indique le devin : « Tous ceux des morts qui ne sont plus, à qui tu laisseras boire le sang, te diront des choses vraies ; celui à qui tu refuseras cela s’éloignera de toi ».
On perçoit ici une vision archaïque, associé à une religion sacrificielle, religion primitive.
La mort apparaît comme une immense faiblesse dans la mesure où les morts ont besoin de se nourrir de sang d’animaux sacrifiés pour communiquer avec Ulysse. Ce sang leur redonne force et mémoire. Le sang redonne la vie, Homère fait ici appel à la connaissance grecque ainsi qu’aux usages de l’époque. Les fantômes ne sont pas agressifs car un simple mouvement d’épée suffit à les faire fuir. La mère d’ULysse, elle, disparaît alors qu’il tente de la saisir entre ses bras.
2. Le personnel de la mythologie aux Enfers.
Ulysse rencontre de nombreux personnage, appartenant au personnel de la mythologie, qu’Homère nous décrit très précisément. En effet, il nous résume la vie de chacun ainsi que leurs liens familiaux.
La princesse Tyro, fille de Salmonée et d’Alcidicé. Elle a deux fils d'une première union avec Poséidon :Pélias et Nélée, puis trois autres avec Créthée :Phérès, Eson et Amythaon.
Antiope, fille d’Asopos, qui eut deux enfants de Zeus :Amphion et Zéthos qui ont fondé Thèbes.
Alcème, femme d’Amphitryon, enfanta Héraclès.
Mégaron, fille de Créon.
Epicaste, qui épousa son fils Œdipe sans le savoir.
Cloris l’incomparable, femme de Nélée, qui eut de splendides enfants.
Léda, femme de Tyndare qui eut deux fils :Castor et Pollux.
Iphimédie, épouse d’Aloée, qui eut deux enfants (qui ne vécurent pas longtemps) de Poseidon.
Phèdre, Procris.
La belle Ariane, fille de Minos, qui aida Thésée (fil d’Ariane).
Maera, Clymène.
L’odieuse Eriphyle, qui vendit son mari à pris d’or.
Patrocle, Antiloque.
Ajax, fils de Télamon.
Minos, fils du grand Zeus, rendant la justice aux morts.
Le géant Orion, chassant les fauves.
Le puissant Héraclès.
Homère nous donne ici un catalogue des personnages de la mythologie, au fur et à mesure qu’Ulysse avance. Ainsi, Homère, à chaque personnage qu’Ulysse rencontre, raconte-t-il le mythe qui lui est attribué.
3. Ulysse affronte la mort et retrouvent d’anciens amis.
Ulysse rencontre différents types de morts et de relation face à la mort.
Il est confronté aux suppliciés, Tantale, Sisyphe, Ixion, Tityos et les Danaïdes, réduits à effectuer des tâches sans fin, qui recommencent sans cesse.
Tantale qui servit aux dieux son fils découpé en morceau était tourmenté par la faim et la soif devant un ruisseau et un arbre fruitier inaccessibles.
Sisyphe obligé de pousser sur une pente un énorme rocher qui retombait avant d'avoir atteint le sommet.
Ixion attaché à une roue enflammée qui tourne sans cesse pour avoir tenté de séduire Héra.
Tityos
Les Danaïdes condamnées à remplir un tonneau sans fond pour avoir tué leur mari.
Ulysse retrouve des membres de son entourage.
Sa mère Anticlée: « Pénélope attend avec impatience en ton palais![...]ton fils gère en paix ton domaine et assiste aux festins harmonieux[...]Pour ton père, il ne bouge pas de la campagne, et il ne va même plus en ville » (v. 181-182-184-185-187-188 page. 184), « c'est le soucis de toi, noble Ulysse, c'est mon amour pour toi qui m'ont ôté la douce vie. » (v. 202-203 page. 184).
Ulysse rencontre sa mère Anticlée, qui lui dit être morte de chagrin du fait de son non retour depuis la guerre de Troie et qui lui donne des nouvelles de sa famille. Cette mort est inhabituelle pour Ulysse, en effet, il ne peut pas concevoir qu’on puisse mourir ou même seulement être accablé de la disparition d’un être cher. La mort lui semble malade, il y a une dédramatisation de la mort chez Ulysse. Ce sont des retrouvailles chaleureuses mais désespérées car sa mère étant juste une âme, une ombre inconsistance, Ulysse ne peut la serrer dans ses bras. Ulysse est alors confronté à une prise de conscience de ce qu’implique la mort, souffrance de l’absence à jamais, mais aussi que la mort est inéluctable.
Il rencontre également les héros de Troie et amis.
Agamemnon: « c'est Egisthe qui a préparé mon trépas, aidé de ma maudite épouse, et il m'a tué chez lui [...] Telle fut ma mort lamentable » (v. 409-410 page. 189)
Agamemnon se plaint de sa mort due à un vil assassinat proféré par lâcheté.
Achille: « Ne cherche pas à m'adoucir la mort [...] J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan, fût-il sans patrimoine et presque sans ressources, que de régner ici parmi ces ombres consumées » (v. 488 à 491 page. 191)
Achille, le héros à la vie brève, regrette sa mort en pleine gloire pour une vie longue de domestique agraire, contrairement à Ulysse qui l'admire d'avoir pu mourir en pleine gloire. On observe également une prise de conscience de la part d’Ulysse, il se rend compte que ces héros qu’il admire sont des héros brisés.
Les Enfers sont constitués d'une multitude d'âme, dont Ulysse cite une vingtaine, ce sont des personnages plus au moins importants pour lui.
Le chant XI est donc la charnière du récit puisque Ulysse apprend la façon dont va se passer la fin de son voyage et de sa vie. Cela marque une opposition avec le début du récit où Ulysse ne savait pas où il allait, ce qu'il devait faire, ce qui allait lui arriver, alors qu'à partir de là il sait son futur et à quoi s'attendre.
III] La CONCEPTION DE LA MORT ET l’EVOLUTION D’ULYSSE
1. comment la mort est-elle perçue ?
Elle est perçue comme gloire: « Trois, quatre fois heureux les Danaëns qui ont péri dans la plaine de Troie, pour le service des Atrides ! Plût au ciel que j’eusse trouvé la mort et mon destin le jour que les Troyens en nombre m’accablaient de leurs lances de bronze auprès du cadavre d’Achille ! J’eusse obtenu les honneurs militaires, on eût chanté ma gloire… » (p.92 v.307-311)
En effet les Danaëns sont morts lors d’un combat glorieux. La mort est donc idéalisée.
Néanmoins, elle est remise en cause par Achille qui la perçoit comme un ennui : “ Ne cherche pas à m’adoucir la mort ” (v.488 p. 191)
Achille ne supporte pas sa mort et encore moins l’ennui qui l’accompagne. La valeur épique de la mort est absente ici. On ne perçoit aucune gloire. Contrairement à Agamemnon, Achille a pris conscience de la valeur de la vie.
La vision qu’a Ulysse de l’âme aux Enfers est effrayante; l’âme est immatérielle et seul le sang permet une vision de la personne morte. C’est une vision de néant. Ulysse rejete alors tout le prestige qui l’entoure, refusant même les jeux des Phéaciens car il pense que si nous finissons tous de la même façon, la gloire acquise sur Terre n’est pas utile. Seule l’idée de chasser les prétendants de ces terres rappellent la période où Ulysse tuait sans réfléchir.
2. La perte de ces compagnons indique-t-elle l’évolution d’Ulysse ?
Chez les Cicones, Ulysse, cruel, perd six compagnons et un vaisseau. Chez Polyphème, Ulysse, rusé et arrogant, perd 2 compagnons. Ainsi que chez les Lestrygons. Chez Circé, Elpénor se tue par accident. Scylla lui fait perdre six de ses compagnons. Ulysse se retrouve seul sans rien après la tempête déclenchée par Zeus à la demande d’Hélios car les compagnons d’Ulysse avaient mangé des vaches de son troupeau sacré. En partant de chez Calypso, Poséidon déclenche une tempête, qui détruit le radeau d’Ulysse.
Depuis le départ de Troie, à chacune de ses escales, Ulysse perd des compagnons, sauf chez les Lotophages, chez Eole ; et ultimement sur l’île d’Hélios ceux qui restent sont tués pour avoir sacrifié les vaches sacrées. Plus Ulysse se retrouve seul, plus il retrouve son humanité, son humilité. En effet, il part guerrier, cruel et arrive chez les Phéaciens, seul, nu et humble. Il respecte également ces morts puisqu’il retournera chez Circé et dressera une sépulture à Elpénor. En effet, plus on avance moins Ulysse tue gratuitement mais seulement si il est confronté à un danger. On note cependant une sorte d’attirance pour la mort lorsque lors de l’épisode des sirènes, Ulysse souhaite entendre le chant de ces dernières bien qu’il en connaisse les conséquences.
Chez Calypso, Ulysse est confronté à une autre forme de mort puisque la nymphe lui promet l’immortalité, qu’il refusera.
On peut donc dire que la mort dépossède Ulysse et le rend plus humble, et plus simple.
3. Sa visite au royaume des morts ôte tout suspens.
La mort fait partie des thèmes récurrents et attendus de l’Odyssée. Elle crée une dynamique. Tirésias, le but de sa catabase, le prévient de son périple et lui annonce la fin de sa vie, tout en l’informant que des incidents peuvent arriver à son équipage. Ainsi, tout suspens sur la suite des évènements est levé. Si Ulysse reste prudent, Tirésias lui annonce qu’il mourra âgé et à Ithaque. Les chants XII et XIII de la descente aux Enfers se situent au milieu de l’œuvre. On peut alors s’interroger sur l’intérêt de la seconde moitié puisqu’on sait que le héros va atteindre son but. Il vient donc du personnage d’Ulysse, de son évolution et de l’économie narrative.
On remarque également des oppositions révélatrices du caractère initiatique du voyage d’Ulysse. Il y a une opposition entre Achille, le héros à la vie brève et Ulysse qui va mourir âgé; entre Achille qui a connu une mort glorieuse au combat tandis qu’Ulysse a en quelque sort raté sa mort puisqu’il erre de façon misérable. Ces éléments indiquent qu’Homère introduit dans l’Odyssée une nouvelle valeur à la vie ; celle-ci est indispensable, « rien ne vaut la vie ». Cette idée est totalement neuve dans la mentalité grecque.
La mort dans l’Odyssée est un thème récurrent qui ponctue le retour d’Ulysse. La mort est présente autant sur terre que sur mer. Le Chant XI de la descente aux Enfers est entièrement placé sous le thème de la mort. Ulysse est soit confronté à la mort de ses compagnons soit confrontés aux morts lors de la descente aux Enfers. Dans son récit, L’Odyssée nous présente également des rituels liés à la mort. Au fur et à mesure, on comprend que cette mort est un parcours initiatique pour comprendre l’importance et le respect de la vie.
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