LA LITTERATURE SATIRIQUE
Publié le 16/12/2018
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LA LITTERATURE SATIRIQUE
Les Chansons de Geste et les Romans courtois s’adressaient surtout à la société aristocratique. Mais dès le XIIe siècle, la bourgeoisie a sa littérature propre, littérature narrative, malicieuse et satirique, pittoresque et même réaliste, souvent grivoise, parfois morale. Les monuments de cette littérature sont le Roman de Renard et les Fabliaux.
LE ROMAN DE RENARD
Cette œuvre se compose de 27 « branches » ou récits indépendants, en octosyllabes rimés. L’unité de ces poèmes tient à leur héros central, le goupil, surnommé Renard, et aux péripéties de sa lutte contre le loup Ysengrin.
Les origines Ces narrations peuvent se rattacher à la fois à des
traditions populaires et à des sources littéraires.
1. La plupart des épisodes du Roman paraissent remonter à des contes qui se retrouvent dans le folklore de divers pays. On suppose donc que les auteurs ont puisé leur matière dans les récits oraux de la campagne.
2. Le Moyen Age a connu des fables imitées des auteurs anciens (Phèdre et Ésope). Dans ces contes les animaux se comportaient comme les hommes, et quelques épisodes du Roman de Renard paraissent s’en inspirer. D’autre part, du Xe au XIIe siècle, certains poèmes contaient la lutte du goupil et du loup. On y trouve déjà les épisodes essentiels du Roman de Renard, avec comme principaux héros des animaux nommés Reinardus, Ysengrinus, etc. Peut-être d’ailleurs ces poèmes latins remontent-ils à la tradition orale.
L’œuvre Tributaires de la tradition populaire ou des sources
littéraires, les auteurs du Roman de Renard n’en ont pas moins fait œuvre personnelle. Ils ont enrichi les épisodes de leur invention, de leur observation, de leur art. De ces auteurs, quelques noms seulement nous sont parvenus : Pierre de Saint-Cloud, le prêtre de la Croix-en-Brie, Richard de Lison.
Un premier recueil réunit, dès le début du XIIIe siècle, de bonnes histoires destinées à amuser le public et non à moraliser.
Un deuxième cycle groupe les autres branches, échelonnées dans la première moitié du XIIIe siècle : l’intention morale et satirique y est beaucoup plus sensible.
Les « suites » données au Roman de Renard à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle sont avant tout satiriques. L’ensemble des récits consacrés à Renard comprend plus de 100 000 vers.
L’épopée animale On a souvent dit que cette œuvre disparate était
« l’épopée animale » du XIIe siècle. C’est le goupil qui est au centre. Généralement vaincu par les êtres plus faibles que lui, il triomphe au contraire des plus forts et, en particulier, du loup dont la force n’a d’égale que sa naïveté. Ce triomphe de l’esprit et de la ruse sur la force brutale était la revanche du bourgeois et du peuple écrasés par la noblesse.
Dans ces œuvres, le monde des bêtes est organisé à l’image de la société française du temps. Chaque espèce s’y trouve représentée. Renard (le goupil), Ysengrin (le loup), Noble (le lion), Chantecler (le coq), Tardif (le limaçon), Couard (le lièvre), etc. Ces personnages sont nettement individualisés. Chacun a une famille.
Autour de Noble, le roi, vit une cour de seigneurs comme Ysengrin, Renard, Brun (l’ours) ; plus bas encore le menu peuple : Tardif, Couard, Frobert (le grillon), etc. Certains d’entre eux ont une fonction sociale déterminée : le Roi commande les armées et rend la justice ; Ysengrin est son connétable, Brun son messager et Bernard, l’âne, son archiprêtre.
L’aspect satirique 1. LA PARODIE. LITTÉRAIRE. Ces auteurs popu-
laires s’amusent visiblement à singer la littérature aristocratique des Chansons de Geste et des Romans courtois. Même dans les parties les plus sobres, les animaux sont des « barons » qui chevauchent des destriers. La parodie est souvent plus appuyée : Renard soutient des sièges dans sa forteresse pourvue d’une herse et d’un pont-levis.
2. LA PEINTURE MALICIEUSE DU MONDE HUMAIN. Certains caractères sont finement tracés : Renard, l’universel trompeur, esprit cynique, sans scrupule, ancêtre de Pathelin et de Panurge ; Ysengrin, aussi stupide que vigoureux ; Chantecler, orgueilleux et parfois subtil ; la Mésange, qui aime jouer avec le danger ; le Lion, majestueux et crédule ; la Lionne coquette et courtoise... A tout instant nous rencontrons des attitudes pleines de vérité, des réactions si bien observées qu’elles nous amusent. Les Hommes eux-mêmes apparaissent çà et là : hobereaux maladroits ; bourgeois âpres au gain ; riches fermiers bien pourvus ; moines charitables et hantés par l’idée du salut, etc. C’est toute une époque avec ses mœurs et ses conditions sociales qui se dresse devant notre imagination.
3. LA SATIRE SOCIALE. On verra dans l’extrait « Renard pèlerin » comment l’auteur s’attaque à certains croisés et pèlerins qui expient leurs fautes en se promenant, sans pour autant améliorer leurs âmes. La parodie même des mœurs aristocratiques et féodales, des coutumes judiciaires, de la vie religieuse, est d’ailleurs une forme légère de la satire sociale. Mais c’est surtout dans les branches écrites au XIIIe siècle que la prédication morale et la gravité didactique prennent le pas sur la bonne humeur et la raillerie sans conséquence. Le caractère de Renard devient symbolique : il représente la ruse et l’hypocrisie triomphantes.
RENARD ET LE CORBEAU
La flatterie est, dans le Roman de Renard, l’arme principale du trompeur. Cette aventure du Renard et du Corbeau est devenue un thème traditionnel chez les fabulistes : déjà traité notamment par Ésope, par Phèdre, par Marie de France, il sera repris par La Fontaine. Le conteur du Moyen Age supporte avantageusement la comparaison avec ses prédécesseurs et son successeur, par ses dons & observation et par la richesse d’invention qu’il prête au trompeur dans ces deux épisodes. On comparera le langage flatteur de Renard à celui de Pathelin (p. 80).
Renard, affamé, attend sa nourriture sous un arbre. Le corbeau, plus entreprenant, dérobe un fromage malgré les insultes de la fermière.
Tiécelin, le corbeau, vient tout droit au lieu où était sire Renard. Les voilà réunis à cette heure, Renard dessous, l’autre sur l’arbre. La seule différence c’est que l’un mange et l’autre bâille. Le fromage est un peu mou ; Tiécelin y frappe de si grands coups, du bout du bec, qu’il
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Dans
ces œuvres, le monde des bêtes est organisé à l'image de la société française du
temps.
Chaque espèce s'y trouve représentée.
Renard (le goupil), Ysengrin (le loup), Noble
(le lion), Chantecler (le coq), Tardif (le limaçon), Couard (le lièvre), etc.
Ces personnages
sont nettement individualisés.
Chacun a une famille.
Autour de Noble, le roi, vit une cour de seigneurs comme Ysengrin, Renard, Brun
(l'ours) ; plus bas encore le menu peuple : Tardif, Couard, Frobert (le grillon), etc.
Certains
d'entre eux ont une fonction sociale déterminée : le Roi commande les armées et rend la
justice ; Ysengrin est son connétable, Brun son messager et Bernard, l'âne, son archiprêtre.
L'aspect satirique r.
LA PARODIE.
LITTÉRAIRE.
Ces auteurs popu-
laires s'amusent visiblement à singer la littérature aristo
cratique des Chansons de Geste et des Romans courtois.
Même dans les parties les plus
sobres, les animaux sont des « barons " qui chevauchent des destriers.
La parodie est
souvent plus appuyée : Renard soutient des sièges dans sa forteresse pourvue d'une herse
et d'un pont-levis.
z.
LA PEINTURE MALICIEUSE DU MONDE HUMAIN.
Certains caractères
sont finement tracés : Renard, l'universel trompeur, esprit cynique, sans scrupule, ancêtre
de Pathelin et de Panurge ; Ysengrin, aussi stupide que vigoureux ; Chantecler, orgueilleux
et parfois subtil ; la Mésange, qui aime jouer avec le danger ; le Lion, majestueux et
crédule ; la Lionne coquette et courtoise ...
A tout instant nous rencontrons des attitudes
pleines de vérité, des réactions si bien observées qu'elles nous amusent.
LES HoMMES
eux-mêmes apparaissent çà et là : hobereaux maladroits ; bourgeois âpres au gain ; riches
fermiers bien pourvus ; moines charitables et hantés par l'idée du salut, etc.
C'est toute
une époque avec ses mœurs et ses conditions sociales qui se dresse devant notre
imagination.
3· LA SATIRE SOCIALE.
On verra dans l'extrait « Renard pèlerin" comment
l'auteur s'attaque à certains croisés et pèlerins qui expient leurs fautes en se promenant,
sans pour autant améliorer leurs âmes.
La parodie même des mœurs aristocratiques et
féodales, des coutumes judiciaires, de la vie religieuse, est d'ailleurs une forme légère
de la satire sociale.
Mais c'est surtout dans les branches écrites au XIIIe siècle que la
prédication morale et la gravité didactique prennent le pas sur la bonne humeur et la
raillerie sans conséquence.
Le caractère de Renard devient symbolique : il représente la
ruse et l'hypocrisie triomphantes.
RENARD ET LE CORBEAU
La flatterie est, dans le Roman de Renard, l'arme principale du trompeur.
Cette
aventure du Renard et du Corbeau est devenue un thème traditionnel chez les fabulistes :
déjà traité notamment par Ésope, par Phèdre, par Marie de France, il sera repris par
La Fontaine.
Le conteur du Moyen Age supporte avantageusement la comparaison avec
ses prédécesseurs et son successeur, par ses dons d'observation et par la richesse
d' invention qu'il prête au trompeur dans ces deux épisodes.
On comparera le langage
flatteur de Renard à celui de Pathelin (p.
8o ).
Renard, affamé, attend sa nourriture sous un arbre.
Le corbeau, plus entreprenant, dérobe
un fromage malgré les insultes de la fermière.
T iécelin, le corbeau, vient tout droit au lieu où était sire Renard.
Les voilà réunis à cette heure, Renard dessous, l'autre sur l'arbre.
La
seule différence c'est que l'un mange et l'autre bâille.
Le fromage est
un peu mou; Tiécelin y frappe de si grands coups, du bout du bec, qu'il.
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