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La Langue Française: Sa Place Au Sein De L'Europe, La Dimension Européenne Des Lumières (Xviiie Siècle)

Publié le 18/01/2011

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La Langue Française

 

I- Origine de la langue française

Le français vient en grande partie du latin populaire, tel qu'il était parlé en Gaule depuis la conquête romaine (52 av. J.-C.). Ce latin évolue lui-même diversement au contact des parlers locaux (celte, ibère, ligure, osque, etc.). Mais, en même temps, on a pu dire que c'était «  la plus germanique des langues romanes «. C'est en effet la seule qui ait subi à ce degré l'influence des peuples du Nord, surtout des Francs, qui durant des siècles ont occupé la partie septentrionale du pays (d'où le nom de France).

Le français, langue très importante en Europe du XVIIIe siècle, devient l’outil principal qui servit à propager les idées et les valeurs des Lumières durant cette période.

 

II- Le développement du français en France:

L’État ne se préoccupait pas plus au XVIIIe siècle qu'au XVIIe de franciser le royaume. On estime qu'à cette époque moins de trois millions de Français pouvaient parler ou comprendre le français, alors que la population atteignait les 25 millions. 

Au milieu du XVIIIe siècle, le peuple francisant parlait un français populaire non normalisé, encore parsemé de provincialismes et d'expressions argotiques. Seules quelques provinces étaient résolument francisantes. Par contre, la plupart des gens du peuple qui habitaient la Normandie, la Lorraine, le Poitou et la Bourgogne étaient des semi-patoisants : les habitants de ces provinces pratiquaient une sorte de bilinguisme: ils parlaient entre eux leur patois, mais comprenaient le français. Le patois est alors considéré comme étant essentiellement la langue des paysans et des ouvriers. Il s'agit d'un usage dévalorisé et subalterne. Les seuls Français à parler le français relativement standardisé étaient ceux qui exerçaient le pouvoir, c'est-à-dire le roi et sa cour, puis les juristes, les officiers, les fonctionnaires et les écrivains. 

L’obstruction de l’école

L'école fut l'un des grands obstacles à la diffusion du français. L'État et l'Église estimaient que l'instruction était non seulement inutile pour le peuple, mais même dangereuse: « Non seulement le bas peuple n'en a pas besoin, mais j'ai toujours trouvé qu'il n’y en eût point dans les villages. Un paysan qui sait lire et écrire quitte l'agriculture sans apprendre un métier ou pour devenir un praticien, ce qui est un très grand mal! «. Dans l'esprit de l'époque, il apparaissait plus utile d'apprendre aux paysans comment obtenir un bon rendement de la terre ou comment manier le rabot et la lime que de les envoyer à l'école.

 

III- Le développement du français en Europe :

À la veille de la Révolution française, on estime qu'un quart seulement de la population française parle français, le reste de la population parle des langues régionales.

En revanche, depuis le traité de Rastadt (1714), le français est devenu une grande langue diplomatique internationale, parlée dans toutes les cours des rois et les ambassades. Le français était la langue diplomatique universelle (de l'Europe) et celle qu'on utilisait dans les traités internationaux. Le personnage le plus prestigieux de toute l’Europe, Frédéric II de Prusse, écrivait et s’exprimait en français: toutes les cours l'imitaient. On prend conscience du prestige ainsi acquis, ce qui ne manque pas d'amener un certain sentiment de supériorité. En 1784, le prix de l'Académie de Berlin est donné à Rivarol pour son Discours sur l'université de la langue française, où il soutient la thèse d'une perfection de forme propre à la langue française, grâce à sa clarté et la rationalité. 

Ce sont les Anglais qui ont inventé le mot gallomanie – du latin Gallus («Gaulois«) et manie, ce qui signifie «tendance à admirer aveuglément tout ce qui est français« – pour identifier cette mode qui avait saisi l'Europe aristocratique. Voltaire explique ainsi l'universalité du français en son temps, en se fondant sur les qualités internes du français: « La langue française est de toutes les langues celle qui exprime avec le plus de facilité, de netteté, de délicatesse tous les objets de la conversation des honnêtes gens. «  

 

Tant et tant que pour l’aristocratie intellectuelle de l’Europe, les traductions ne sont même plus nécessaires, et que le français tend à devenir la langue universelle. C’est ce que dit Guy Miège, genevois établi à Londres, qui publie un dictionnaire français-anglais et anglais-français parce que « la langue française est dans un certain sens en train de devenir universelle «. C’est ce que dit Gregorio Leti, qui, à Amsterdam, traduit en français sa Vie de Cromwell : en français, « parce que la langue française est devenue, en ce siècle, la plus généralement connue par toute l’Europe : soit que la grandeur de la France l’ait rendue plus florissante, comme on vit autrefois que la puissance des Romains répandit leur langage par tout l’univers ; soit que la langue française, cultivée comme elle l’est, ait des beautés particulières, dans la netteté sans affectation que l’on y remarque «. 

Mais de tous les témoignages, aucun sans doute n’est plus significatif que celui de Bayle : « La langue française est désormais le point de communication de tous les peuples de l’Europe, et une langue que l’on pourrait appeler transcendantelle, par la même raison qui oblige les philosophes à donner ce titre aux natures qui se répandent et se promènent dans toutes les catégories. «

 

IV- La dimension européenne des Lumières

La plupart des cours européennes connaissaient le français au XVIIIe siècle. Cela a permis une propagation facile des idées des Lumières. De l'Italie à l'Ukraine, ce mouvement a marqué tout le continent, mais non sans malentendus. Les philosophes français comme Diderot et Voltaire, énoncent des principes généreux sur le droit naturel, l'égalité entre les hommes, et disent la nécessité d'améliorer la société, de libérer les opprimés, d'instruire les pauvres. Leurs théories inspirent le despotisme éclairé (mode de gouvernement autoritaire où tout doit être fait pour le peuple, mais sans le peuple), qui suscite aussi bien les libérales maladresses de Joseph II d'Autriche et de certains princes allemands, que les froids calculs de Frédéric II de Prusse ou les impostures de Catherine II de Russie. 

Pour les contemporains des Lumières, l’Europe n’existe pas encore en tant qu’ensemble structuré. Or l’idée d’Europe s’impose au cours du XVIIIe siècle, moins par la construction d’un espace divisé, moins par le développement de son économie et de sa population, que par le renouvellement de sa littérature. C’est, en effet, la philosophie des Lumières qui confère à l’Europe son authenticité dans l’histoire.

« L'Europe est le plus morcelé des continents «, disait Hume. « C'est en cela que réside sa nouvelle unité et c'est pour cela qu'elle a pu engendrer les Lumières «.

 

V- Conclusion : Le début de l'anglomanie

A partir des années 1740, la France vivait une période d'anglomanie. L'avènement du parlementarisme anglais suscitait beaucoup d'intérêt en France encore aux prises avec la monarchie absolue. Des philosophes français, tels Montesquieu et Voltaire, se rendaient en Angleterre et revenaient dans leur pays en propageant de nouveaux mots. 

Après 1763, la perte de quelques unes de ses colonies, la France n'intervint à peu près plus en Europe. La chute de la Nouvelle-France constituait la plus grande perte de l'histoire de France, qui finit par être écartée de la scène internationale au profit de la Grande-Bretagne, laquelle accrut sa richesse économique et sa prépondérance grâce à la maîtrise des mers et à sa puissance commerciale. 

Dans ces conditions, le français ne pouvait prendre que du recul, d'abord en Amérique, puis en Europe et ailleurs dans le monde. Certes, le français continuera d'être utilisé au Canada et en Louisiane, mais il régressera sans cesse au profit de l'anglais. Au milieu du XVIIIe siècle, l'anglomanie commençait en Europe et allait reléguer le français en seconde place. 

Quoi qu'il en soit, cet idéal de perfection aristocratique prêté au français ne pouvait pas durer, car la réalité allait se charger de ramener le français à ce qu'il devait être: une langue parlée par de vraies personnes faisant partie de la masse des Français, non par des aristocrates et des lettrés numériquement fort minoritaires. Le français demeura, durant un certain temps encore, par-delà les nationalités, une langue de classe à laquelle toute l'Europe aristocratique s'était identifiée. Cette société privilégiée restera figée de stupeur lorsque éclatera la Révolution française, qui mettra fin à l’Europe francisante.

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