« La foi prétend nous sauver, la philosophie nous ouvre le chemin pour nous sauver nous-mêmes. Il n'y a donc jamais de place à l'une là ou il y a l'autre. Quand la religion avance, la raison recule. » Hamid Zanaz
Publié le 05/12/2010
Extrait du document
A travers cette citation, l’auteur met clairement en avant ses croyances idéologiques. En effet, Hamid Zanaz, professeur à l’Université d’Alger et journaliste, est aussi un philosophe émérite, connu pour ses prises de position pour une réforme de l’islam ainsi que pour une laïcisation de la société.
Or, dans ces phrases, Zanaz nous fait clairement comprendre que, pour lui, la philosophie est le bon chemin à emprunter dans la vie, contrairement à la religion. Nous comprenons le peu de considération que le philosophe éprouve pour la foi grâce à son utilisation du terme « prétend « ou encore lorsqu’il dit que les croyances éloignent la raison. Pour un philosophe, il est évident que la raison est primordiale. Dès lors, une chose capable de faire reculer cette dernière ne peut être vue que comme néfaste pour un homme comme Hamid Zanaz. Il dit aussi que la philosophie ne peut pas cohabiter avec la religion. Pour lui, un croyant ne peut être philosophe et vice-versa.
Nous allons maintenant nous pencher plus longuement sur la citation de Hamid Zanaz. Nous y avons relevé trois grandes idées que nous allons développer ci-dessous.
L’auteur nous dit d’abord que « La foi prétend nous sauver, la philosophie nous ouvre le chemin pour nous sauver nous-mêmes «. Cette phrase met en avant une vision passive de la religion, s’opposant à une conception plus active de la philosophie. En effet, dans « la foi prétend nous sauver «, nous retrouvons une idée de passivité, peu importe ce que l’homme fait ou ne fait pas, il sera sauvé par la foi. Cette perception des choses est très courante chez certains croyants. Prenons comme exemple la confession. Un croyant ayant péché se rend dans son église pour se faire absoudre. Après un bref dialogue avec un homme d’Eglise, il en ressort neuf et purifié, tout ce qu’il a à faire c’est prier afin de se faire pardonner par une certaine instance supérieure. Malgré la manière dont il agit, rien n’est remis en question, ni lui, ni sa foi. On retrouve cette vision dans la définition du terme : pour le Petit Robert, la religion est un « système de croyances et de pratiques, impliquant des relations avec un principe supérieur, et propre à un groupe social «. La philosophie, au contraire, peut-être vue comme un moyen d’avancer, d’évoluer. En effet, toujours selon le Petit Robert, la philosophie est « [l’]ensemble des études, des recherches visant à saisir les causes premières, la réalité absolue ainsi que les fondements des valeurs humaines, et envisageant les problèmes à leur plus haut degré de généralité «. Ici, on trouve les termes d’ « études « ou encore de « recherches « en opposition avec ceux de « croyances « et de « pratiques « de la première définition. Les premiers impliquent l’idée d’une réflexion, d’une activité, souvent intellectuelle, absente dans les seconds. On retrouve cette volonté d’un travail sur soi-même dans la célèbre maxime du philosophe Aristote « Connais-toi toi-même «. Pour Zanaz, alors que la religion est un moyen d’être sauvé sans effort, la philosophie permet à l’homme de réfléchir, de travailler sur lui et le monde qui l’entoure, c’est sa connaissance qui va le sauver. La philosophie ne fait qu’ouvrir la voie, contrairement à la religion qui la trace pour nous.
Cependant, on pourrait lui objecter que cette vision des choses ne correspond qu’à une partie de la réalité. Il y a certes des croyants qui ne s’en remettent qu’à la foi, qui ne comptent uniquement que sur cette dernière pour leur apporter des réponses, déjà toutes faites, sans chercher plus loin. Mais, il existe aussi certaines personnes, croyantes elles aussi, qui étudient les religions, qui se posent des questions, qui remettent en doute les choses déjà dites, en ne se basant pas uniquement sur leur foi et les écrits antérieurs. Nous pensons ainsi à Saint Thomas D’Aquin, religieux du XIIIe siècle, qui s’est penché sur la religion d’une manière structurée, en essayant d’y apporter des réponses par lui-même, notamment en se basant sur les théories d’Aristote. Dans ce cas-là, la foi peut se rapprocher de la philosophie telle que nous l’avons vue ci-dessus.
La deuxième idée présente dans la citation est que la religion et la philosophie ne peuvent cohabiter : « Il n’y a donc jamais de place à l’une là ou il y a l’autre «, nous dit Zanaz. Ici encore, nous pouvons rétorquer à l’auteur que la religion pourrait être vue comme une philosophie selon la manière dont on l’aborde. Qu’il y aurait dès lors moyen de concilier un mode de pensée alliant la religion à la philosophie, mêlant la croyance à la réflexion.
Mais alors, dans ce cas, la religion ne serait pas vue comme Zanaz nous la décrit ci-dessus et dépasserait le cadre de la définition que nous avons citée plus haut. Et dès lors, est-ce que la religion ne deviendrait pas une forme de philosophie, à partir du moment où elle dépasse la simple croyance et la pratique de cette dernière ? En effet, quand la religion se mêle à la philosophie, il y a une volonté de recherche, d’envie d’évoluer de la part de celui qui puise dans les deux pour trouver des réponses. La religion n’en serait alors plus réellement une. Dans ce cas-là, l’auteur aurait alors raison, la religion ne pourrait pas être là où se trouve la philosophie.
La troisième idée que nous avons relevée au sein de la citation est que « quand la religion avance, la raison recule «. En effet, parfois la foi peut mener à une régression de la raison, voire à commettre des actes insensés. Lorsque le croyant suit sans refléchir les écrits religieux, lorsqu’il n’y a pas de questionnement, on peut parler de bêtise, d’aveuglement. Parfois les écrits religieux parlent par métaphores, tout n’est pas à y prendre au premier degré, choses que certaines personnes ne prennent pas en compte. Pour eux, avoir la foi c’est croire ce qui a déjà été dit, sans rien remettre en question. La religion peut également, dans des cas extrêmes, faire reculer totalement la raison, au point de la faire disparaître. Prenons comme exemple les kamikazes, fanatiques religieux, se suicidant en faisant exploser des bombes et tuant des centaines d’innocent afin de faire passer un message, soi-disant inspirés par leur dieu et sa pensée. Dans ces situations, il paraît évident que la religion prend le pas sur la raison.
Mais ce n’est pas pour autant, comme nous l’avons déjà dit ci-dessus, que tous les croyants se trouvent dans cette situation. Cela dépend de la manière d’envisager la foi de chacun. S’il y a une réflexion dans la croyance, si la personne prend le temps d’interpréter le message qu’on lui propose, si sa foi n’est pas aveugle alors la religion n’éloigne pas forcément la raison. Une personne croyante peut consacrer une petite part de sa vie à son dieu et à ses croyances, de manière raisonnée, en y pesant le pour et le contre. On peut se servir de sa foi comme d’un refuge, de manière compartimentée, pour aider à passer les moments les plus difficiles de sa vie, pour y trouver un réconfort sans pour autant s’y laisser entraîner de manière inconsciente et irréfléchie.
Après avoir analysé et réfléchi à la citation de Hamid Zanaz, nous en sommes venue à la conclusion que son message devait être quelque peu modéré. Nous sommes principalement d’accord avec ses idées. Pour nous, la religion, en tant que croyance, s’oppose à la philosophie, qui est un moyen de réflexion, une manière pour l’homme de remettre en question ses principes et ce qui l’entoure. Mais là on nous voulions pondérer son propos, c’est lorsque le philosophe déclare qu’il y a une incompatibilité entre la philosophie et la religion. Pour nous, c’est justement l’ensemble des deux, la réflexion et le questionnement qui rend une religion plus raisonnée, qui permet à la foi de cohabiter à la fois avec la philosophie et avec la raison. Certains diront alors, comme nous l’avons dit dans notre travail, que la religion, dans ce cas-là, serait plutôt à assimiler alors à de la philosophie.
Nous pensons, comme Hamid Zanaz, que la philosophie est le moyen de s’extraire d’une croyance aveugle, d’aller plus loin dans la réflexion. Mais il n’est pas exclu, pour celui ayant fait l’effort d’étudier et de réfléchir, de retourner par la suite vers ses croyances. Il devra alors le faire avec une certaine réserve, un certain discernement qui ferait alors plutôt de la religion une philosophie de vie, une façon raisonnée de croire. Mais alors, peut-on toujours appeler cette manière de penser une « religion «, est-ce qu’elle ne perd son sens premier ? C’est une question sur laquelle il faudrait peut-être se pencher.
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[ 1 ]. Il est évident que lorsque nous emploierons le terme religion dans ce travail, celui-ci désignera l’ensemble des croyances et non pas une religion en particulier.
[ 2 ]. robert Paul, Le Petit Robert, dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2003 (1967), p.
[ 3 ]. robert Paul, Le Petit Robert, dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2003 (1967), p.
[ 4 ]. Nous utilisons le terme « sauver «, comme nous pensons que Zanaz l’entend, à savoir accéder à la connaissance, au savoir.
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