La Figure Du Roi Dans Les Pensées De Pascal

INTRO : La figure du Roi est un thème récurrent dans les Pensées de Pascal. Le roi, la royauté sont souvent des sujets de comparaisons et de critiques. Nous nous sommes donc interrogés sur les différentes figures que pouvait prendre le Roi : D'abord il est envisagé comme un véritable souverain qui impose le respect à son peuple. Mais c'est également un homme fragile, qui connait les mêmes doutes et se pose les mêmes questions que n'importe quel autre être humain. Et enfin nous nous rendrons compte qu'il n'y a en vérité qu'un seul Roi, et que tout les hommes sont des rois dépossédés.

I_ Roi est envisagé comme Roi.

A- Le peuple pense 

que le roi a une autorité incontestable car l'Histoire lui donne un droit de naissance, ce qui ne peut être donc qu'un droit légitime. De plus, il a été choisi par Dieu pour gouverner (comme l'indique son sacre). Cela provoque donc le respect chez ses sujets.

PASCAL (24) : "La puissance des Rois est fondé sur la raison et sur la folie du peuple."

B-Critiques

La faiblesse du peuple est donc de penser que ce pouvoir est légitime par nature, qu'il est fondé sur la raison et la sagesse.

Or ce pouvoir n'est que l'effet de la coutume (=traditions): le Roi occupe donc une place usurpée car il n'y a aucune justification rationnelle à son règne.

PASCAL(28) "On ne choisit pas...meilleure maison" + (55)"C'est un seul homme qui juge et encore intéressé; ce devrait être un tiers indifférent"

On ne peut adhérer à ce système lorsqu'on réfléchit car il est irrationnel : un seul homme décide de tout, même de la vie et de la mort.

Le Roi est le seul à gouverner , il prend ses décisions seuls, parfois sans tenir compte de l'opinion de ses conseillers ou du peuple.

La puissance du Roi vient de sa force, il possède une armée, une garde rapprochée... Il joue également sur l'apparat qui impose le respect. 

PASCAL (23) : "La coutume de voir ...son visage"

La coutume nous fait représenter la Roi entouré d'une troupe, ce qui le rend imposant. Et donc on s'incline machinalement devant lui même si ce n'est qu'un enfant. C'est donc pour cela que le peuple s'imagine que "le caractère de la divinité est empreint sur son visage" car en effet, la coutume force le respect et la terreur. Comme on ne peut pas l'expliquer, on l'attribue à Dieu.

(NB : On peut remarquer que les Cannibales eux ne comprennent pas pourquoi nous obéissons à un enfant : donc les coutumes sont bien  propres à un seul pays. Et celles-ci dirigent le pays)

==> Pascal (conservateur) ne remet pas en cause le système de la monarchie, mais il déplore les aléas de l'hérédité. Il convient alors d’éduquer les rois et les grands et leur faire prendre conscience de leur responsabilité.

II_ Le Roi envisagé comme un homme.

A- Fragilité de la fortune des Rois

(58) : Après avoir démontré que tout les hommes sont soumis à la coutume (et que les Rois sont donc puissants, invincibles, supérieurs aux autres hommes ...), Pascal réfute ce raisonnement dans cette pensée : 

Le pouvoir peut être renversé par une Révolution : (Charles Ier, Roi d'Angleterre, décapité en 1649) 

Le pouvoir peut être renversé par la guerre (Jean II Casimir, Roi de Pologne, 1656) 

Le pouvoir peut être renversé par l'abdication (Christine de Suède, 1654)

Donc peu importe que le Roi semble élu par Dieu ou qu'il est la coutume et la force, il ne reste qu'un homme qui peut être tué, renversé par un autre royaume ou par son propre peuple.

B- Le Roi est un être humain qui souffre comme les autres de sa condition humaine.

Bien qu'il occupe le "plus beau poste du monde" "Un Roi sans divertissement est un homme pleins de misères" (PASCAL : 126 - 127)

En effet, le Roi a plus de soucis, de responsabilités que les autres hommes car il a une fonction plus élevée. Si on laisse "tout seul, sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin (=soucis) dans l'esprit, sans compagnies ... est un homme pleins de misère" (127)

C'est pour cela que le Roi est toujours entouré de courtisans qui le distraient du matin au soir, de son lever à son coucher. 

Il a besoin d'un maximum de distractions, de divertissements afin d'obtenir des satisfactions, et d'être détourné de sa simple condition humaine comme n'importe quel autre humain.

III_ Renversement de situation : Tout homme est Roi, mais un Roi dépossédé qui cherche à combler ce qu'il a perdu.

A- Notion de dépossession.

PASCAL (108) : "Paul Emile ..." 

La privation du consulat n'est pas une peine car il ne pouvait pas être consul toute sa vie, mais seulement un an, alors que Persée était destiné à être Roi toute sa vie.

Il y a donc privation d'un droit qui est dû ontologiquement, qui est vital, essentiel. Le Roi ne veut et ne peut être que Roi.

"Qui se trouve ... qu'un œil" reprend Pascal pour exprimer la même idée 

==> On est déposséder de ses signes de grandeurs, on se retrouve donc seul.

B- Si l'homme est comme un Roi dépossédé, c'est qu'il lui manque quelque chose de vital.

L'homme s'épuise à se divertir pour se détourner de sa condition humaine qui est insupportable : en effet l'homme ne possède que l'inutile (choses matérielles) et ne possède pas l'indispensable (Dieu), du moins il le possède de façon partielle, car en chaque homme, il y a une trace de Dieu. 

L'homme ne peut retrouver sa grandeur qu'il a perdu lors du pêché originel que dans l'amour divin. 

Adam était un Roi au Paradis car il ne possédait rien de matériel, mais était possédé de l'essentiel.

L'homme se souvient qu'auparavant il était réellement un Roi, et il se rend compte qu'aujourd'hui il est dépossédé de sa grandeur.

L'homme quel qu'il soit est donc comme un Roi dépossédé. Et le Roi n'est donc qu'un homme, soumis au même sentiment d'ennui que n'importe quel autre homme. Il n'est qu'un être ordinaire, même s'il est au pouvoir.

==> Il n'y a qu'un roi essentiel : Dieu.

CONCLUSION : Bien qu'usurpateur dans les faits, le Roi doit être respecté, parce qu'il assure l'ordre dans son royaume en encourageant la concupiscence (cela lui permet d'étayer l'ambition et donc ainsi d'avoir un œil sur ses sujets ==> ce qui assure l'ordre et le calme) Il vaut mieux, pour Pascal, un ordre faux mais solide qu’un désordre multiplicateur de violences et de tyrannies. 

Pascal rappelle que l'homme doit en fait se tourner vers Dieu car il est le seul roi.