La dent d'or, FONTENELLE
Publié le 15/09/2006
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L'auteur : Fontenelle est né à Rouen en 1657. Philosophe et savant, il publia Dialogue des morts et Histoire des oracles. Dans la querelle des anciens et des modernes, il fut du côté des modernes. Secrétaire de l'académie des sciences, il fit preuve toute sa vie d'un engagement pour la connaissance, la lutte contre les préjugés et les superstitions. Il mourut en 1757 à l'âge de 100 ans. Le texte : A- Présentation : Écrit en 1686, ce texte fondamental dans la naissance de l'esprit philosophique se situe au moment où naît la querelle des anciens et des modernes. Il annonce en quelque sorte les futurs combats des Lumières. Cette anecdote touche aux grands problèmes humains et met en avant la science positive et l'esprit critique face au respect aveugle de la tradition, aux préjugés, à la croyance aux miracles. On peut repérer 2 mouvements dans la composition de ce texte : un énoncé de la thèse tout d'abord ( l. 1 à 4 ) puis sa validation pas l'anecdote ( l. 5 à 22 ). B- Explication : a- La thèse ( l. 1 à 4 ) L'idée maitresse s'affiche avec force dès les premiers mots avec l'utilisation de l'impératif ''assurons-nous'' qui donne à la phrase le caractère d'une leçon à retenir : seul le fait est valable. Ainsi la formulation de cette première phrase concourt à l'esprit scientifique qui veut que l'on vérifie le fait avant de l'expliquer. L'observation ironique qui suit ( ''il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause , et passent par-dessus la vérité du fait'' ) vise alors à convaincre le destinataire de la nécessité d'une attitude prudente dans l'analyse des phénomènes, ce que ''la plupart des gens'' ne savent pas faire, emportés par une hâte déraisonnable que traduisent les métaphores contenues dans les verbes ''courent'' et ''passent''. L'ironie s'affirme encore dans la reprise de la formule de Bayle qui termine le paragraphe : ''le ridicule d'avoir trouvé la cause de ce qui n'est point''. Ainsi posée, l'argumentation de Fontenelle va trouver sa pleine signification dans l'anecdote qui va suivre et qui constitue une sorte de conte plaisant destiné à emporter la conviction du lecteur. b- L'anecdote ( l. 5 à 22 ) L'originalité de cette anecdote tient d'avantage à la manière plus qu'à la matière. Le ton général est celui de l'ironie détachée avec cette présentation pseudo-scientifique soulignée par la présence des dates et des lieux : ''1593'' ; ''Silésie'' ; ''Université de Helmstad'' , et par la référence au conflit opposant les turcs et les ''Habsbourg'' entre 1593 et 1601. De même les clins d'œil amusés et complices au lecteur : ''Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens ni au Turcs'', renforcent l'ironie. Mais surtout l'ironie est évidente dans la satire de l'attitude des savants qui rivalisent de vanité et de présomption en affirmant sans démontrer le bien fondé de leurs théories dans des controverses sans fin : ''Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d'or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique'' ; ''Rullandus, en écrit encore l'histoire''. Nous obtenons ainsi le portrait de cuistres prétencieux qui pontifient comme s'ils étaient infaillibles. Mais l'ironie est également obtenue dans les titres ronflants qui accompagnent les noms des savants : ''autre savant'', ''autre grand homme'' et par la latinisation des noms propres ( noms en -us ), procédé qu'avait déjà utilisé Molière dans Le malade imaginaire. Remarquons que la raillerie atteint tous les savants en particulier Hortsius, auteur d'un subtil ''distinguo'' par lequel ''il prétendit que la dent ''était en partie naturelle, en partie miraculeuse'' ( remarquons l'emploi du verbe prétendre qui traduit le doute sur cette assertion ), et qui surtout trouve à l'existence de cette dent d'or une explication pour le moins inattendue ''envoyée de Dieu à cet enfant, pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs''. Il y a aussi une moquerie à l'égard de Libavius, traduit par le verbe ramasser. Soulignons la sobriété des moyens utilisés par l'auteur pour laisser percevoir le jugement moqueur qu'il porte sur cette histoire : par exemple dès le début l'existence de la dent est donné comme une rumeur par l'expression ''le bruit courut'', les interventions du locuteur par des clins d'œil au lecteur ( ''Figurez-vous'' ) et l'usage du commentaire moqueur dans cette remarque ''afin que cette dent ne manquât pas d'historiens'' ce qui souligne le ridicule de la multiplication des études sur le phénomène. Observons enfin l'ironie de cette restriction à valeur universelle : ''sinon qu'il fut vrai que la dent était d'or''. La chute et le coup de théâtre final sont obtenus par un moyen très simple : l'intervention de l'orfèvre qui contrairement aux savants examine la dent et prouve par la simple observation l'inanité, la fausseté de toutes les théories avancées jusqu'alors. La dernière phrase résume admirablement la position de l'auteur dans une formulation déjà Voltairienne : ''mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l'orfèvre'', sous entendant que l'inverse eut été nettement préférable c- Conclusion Ce texte fait date : par le biais de l'anecdote spirituelle Fontenelle y fonde et y vulgarise à la fois la méthode expérimentale. C'est la naissance d'un nouvel esprit scientifique dont l'Encyclopédie marquera l'épanouissement ; mais c'est aussi et surtout sur le plan de l'écriture et de la démarche ( thèse, anecdote, ironie... ), l'apparition d'une arme nouvelle que Les lettres persanes de Montesquieu et les Contes de Voltaire porteront à la perfection. C- Problématique Quelle stratégie argumentative est utilisée dans ce texte ?
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