La Courbe de tes Yeux, Paul Eluard
Publié le 29/05/2011
Extrait du document
INTRODUCTION
« La Courbe de tes yeux « est un poème extrait du recueil Capitale de la douleur. Le titre de l’œuvre évoque les souffrances de P. Eluard qui a connu des pbs de santé à cette époque.. Paradoxalement ce poème n’évoque pas la souffrance mais le bonheur. P. Eluard chante ici son amour pour Gala, sa première femme qui deviendra plus tard la maîtresse de Dali. Ce poème appartient à la période surréaliste du poète.
Lecture
Présentation du texte : poème en vers constitué de trois quintils. Eluard s’inspire des règles formelles de la poésie traditionnelle mais s’en libère aussi : on peut noter que les vers de la strophe 1 ne sont pas réguliers : 12/8/12/12 ; les vers ne sont réguliers que ds les dernières strophes (décasyllabes). Ce poème qui traduit la passion du poète pour sa femme aborde un thème traditionnel de la poésie surréaliste (l’amour fou). Son originalité est lié notamment à la richesse et à l’abondance des métaphores polysémiques et qui sont reliées entre elles par des échos sonores.
Nous verrons d’abord comment ce poème met en scène l’amour fou, synonyme d’une osmose parfaite entre l’homme et la femme puis nous étudierons la richesse et la complexité du réseau métaphorique qui structure le poème.
DEVELOPPEMENT
I- Un poème d’amour qui chante une osmose parfaite
A- thème traditionnel du regard
Les yeux sont traditionnellement considérés comme le reflet de l’âme, ils constituent la partie la plus expressive du corps humain, c’est à travers eux que l’on transmet ce que l’on ressent. Le thème de l’amour est souvent associé à la thématique du regard ds la littérature : la communication avec l’être aimé se fait spontanément à travers le regard qui remplace alors la parole pour des êtres qui se comprennent mutuellement sans avoir à parler . C’est le cas ds ce poème. Le champ lex de la vue est présent (yeux, regards, vu), le poème fait l’éloge des yeux , ce qui l’apparente à un blason. Ceux-ci sont décrits par le biais de métaphores placées en apposition comme ds un blason, rareté des verbes, prépondérance des groupes nominaux comme ds un blason. Cependant on peut noter des différences avec le blason traditionnel (pas de rimes plates, pas d’apostrophes de la partie du corps concernée par le poème : l’auteur ne s’adresse pas aux yeux contrairement à Marot ds Du beau tétin). Ici l’énonciation est caractéristique de la poésie lyrique, le poète s’adresse directement à la femme aimée, ce qui crée une atmosphère d’intimité. Marques de la première personne (mon, je) + marques de la deuxième personne (tes), emploi du présent d’énonciation. Il s’agit bien d’un poème d’amour : les yeux sont une synecdoque de la femme tout entière :en faisant l’éloge des yeux, le poète fait l’éloge de la femme pour elle-même (ce qui n’était pas le cas ds le poème de Baudelaire :attitude fétichiste). L’originalité du poème
B- la récurrence du cercle
chp lexical du cercle, courbe, tour, rond, auréole. Le terme monde connote le cercle puisque la terre est ronde ; berceau connote aussi la rondeur, danse (pensons à la ronde :rond de danse), feuille, sourires parfumées peuvent connoter la circularité puisque la bouche s’arrondit lors d’un sourire.
Les vers 1 et 15 suggèrent aussi l’image du cercle en évoquant la circulation du sang (qui se fait en circuit fermé) ; par l’intermédiaire d’une métaphore la courbe des yeux est assimilée à une artère ds laquelle passe le sang du poète, lorsque le regard du poète croise celui de la femme, l’émotion est si intense qu’il se produit une fusion, l’osmose est parfaite.
Le vers 1 est symétrique du vers 15 :La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur…Et tout mon sang coule ds leurs regards. Le poème par sa forme est donc circulaire, le derniers vers renvoie au premier comme pour fermer une boucle.
L’image du cercle est liée à la forme de l’œil :en fait le cercle renvoie à la fois au contour de l’œil, à l’iris et à la pupille (3 formes circulaires).
Mais le cercle a aussi une valeur symbolique :le cercle connote la douceur, la plénitude et la perfection, l’éternité : on peut faire un rapprochement avec Le Banquet de Platon où l’auteur explique qu’à l’origine il y avait des êtres sphériques à la fois homme et femme, androgynes. Or l’androgyne est synonyme de plénitude puisqu’il est à la fois homme et femme, il se suffit à lui même. Le cercle correspond aussi à la forme de l’alliance symbole de l’amour éternel que se promette un homme et une femme lors du mariage ds la tradition chrétienne. Le dernier vers qui fait allusion au sang symbole de vie suggère une fusion quasi androgyne.
Les yeux sont décrits par l’intermédiaire de métaphores placées en apposition comme ds un blason:
II-
1.
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2.
Les surréalistes cherchaient à renouveler le langage poétique ; ils refusent d’être rationnels, ce qui explique que certaines métaphores soient ambiguës voire énigmatiques. Leur sens est à inventer par le lecteur. L’ambition des surréalistes est de stimuler l’imaginaire et de nous faire pénétrer ds un univers qui ressemble à celui des rêves (ils pratiquaient beaucoup l’écriture automatique pour libérer leur imagination et stimuler leur créativité): ainsi ds ce poème certaines métaphores sont étranges et font appel à l’imaginaire
v
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Il ne faut chercher systématiquement une explication rationnelle mais comprendre que certaines métaphores sont totalement arbitraires. Malgré tout on peut observer une unité thématique et des échos sonores qui relient ces métaphores entre elles.
3.
a)
On peut remarquer que ces métaphores laissent apparaître trois champs lexicaux :
·
Berceau, couvées, éclos, sources ; la paille renvoie aussi à la naissance du Christ (ds une étable) ; la femme aimée a donc une dimension maternelle, elle est un refuge pour l’homme (aspect protecteur d’une mère) et surtout elle lui donne la vie comme une mère : grâce à elle, il commence une nouvelle vie (on peut noter d’ailleurs que deux termes connotent le voyage ailes et bateaux : le femme emmène le poète vers une nouvelle vie). Cet amour correspond à une naissance pour lui parce que la femme lui permet de s’épanouir, de s’ouvrir sur le monde. Grâce à elle, il accède au bonheur, il découvre le monde. La femme donne à voir le monde ds toute sa pureté, elle a une dimension sacrée comme le prouvent les termes auréole, purs, innocence, ciel qui connotent la pureté et le sacré. L’amour permet de s’éveiller à la beauté du monde.
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- sensations olfactives :parfums, sourires parfumés
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Tout se passe comme si les sens grâce à l’amour retrouvaient une nouvelle acuité. On peut noter un phénomène de synesthésie comme chez Baudelaire : les sensations se mêlent et fusionnent :parfums éclos d’une couvée d’aurores (odeur, vue), sourires parfumés (vue, odeur), feuille de jour et mousse de rosée (vue + toucher), etc
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La femme est le miroir du monde ; le microcosme que représente l’œil reflète le macrocosme (le monde)Le monde entier dépend de tes yeux purs. La femme incarne la totalité du monde (les 4 éléments) Les images relatives aux yeux de la femme sont associées au monde extérieur avec lequel ils permettent une communication. L’amour ne désocialise pas ; il ouvre le couple au monde.
Ces trois champs lexicaux montrent que l’on est passé de l’évocation des yeux à l’évocation du monde ; on est passé du microcosme (les yeux) au macrocosme (le monde). Il y a une analogie entre la femme et le monde ; les yeux de le femme reflètent l’univers ; ils sont le miroir du monde. L’ode à la femme aimée devient ode à l’univers.
b)
On peut remarquer que les mots semblent s’appeler les uns les autres ; tout se passe comme si le poète avait été guidé à la fois par le son des mots (plus que par leur sens parfois) lorsqu’il a écrit ce texte. Les mots qui se succèdent ont des similitudes phoniques :
Courbe Cœur (allitérations en [r] et en [C])
Rosée roseaux (allitération en [r]) : on peut alors comprendre la métaphore sourires parfumés ds le même vers : rosée, roseaux évoquent indirectement la rose, d’où la métaphore du parfum
Danse douceur(allitération en [d])
Tour cœur(rime intérieure en [r])
Jour mousse source couleur(assonance en [ou])
Paille astre(assonance en [a])
La logique du poème est avant tout une logique sonore ; l’enchaînement des mots est d’abord dicté par les sons.
Ces échos sonores créent une musicalité (il ne faut pas oublier que la poésie lyrique est à l’origine liée à la musique : Orphée chante ses poèmes en jouant de la lyre ; voir doc complémentaire). La récurrence des sons crée une harmonie euphonique.
On peut observer aussi la prépondérance des rythmes binaires( vers 2,3, 6, 9, 10 sont composés de groupes nominaux qui vont par deux : nom +complément du nom multiplié par deux). Les vers 14 et 15 vont aussi par 2. Ce rythme binaire rappelle le balancement du berceau et confère une unité au poème.
CONCLUSION
La femme aimée est source de vie. Elle incarne une nouvelle mère, elle possède une dimension protectrice mais elle est aussi l’initiatrice, celle qui fait découvrir le monde (comme une mère le ferait avec son enfant). Elle est également source de vie par sa sensualité qui régénère le poète. Ce poème est également un morceau d’anthologie de la littérature surréaliste : par son thème (l’amour fou), par sa musicalité (les sons structurent le poème autant que le sens des mots), par l’abondance et la richesse des métaphores qui stimulent l’imaginaire par leur étrangeté, ce texte illustre parfaitement les principes de la poésie surréaliste.
«
d’intimité.
Marques de la première personne (mon, je) + marques de la deuxième personne (tes), emploi du présentd’énonciation.
Il s’agit bien d’un poème d’amour : les yeux sont une synecdoque de la femme tout entière :en faisantl’éloge des yeux, le poète fait l’éloge de la femme pour elle-même (ce qui n’était pas le cas ds le poème deBaudelaire :attitude fétichiste).
L’originalité du poème
B- la récurrence du cercle
chp lexical du cercle, courbe, tour, rond, auréole.
Le terme monde connote le cercle puisque la terre est ronde ;berceau connote aussi la rondeur, danse (pensons à la ronde :rond de danse), feuille, sourires parfumées peuventconnoter la circularité puisque la bouche s’arrondit lors d’un sourire.Les vers 1 et 15 suggèrent aussi l’image du cercle en évoquant la circulation du sang (qui se fait en circuit fermé) ;par l’intermédiaire d’une métaphore la courbe des yeux est assimilée à une artère ds laquelle passe le sang du poète,lorsque le regard du poète croise celui de la femme, l’émotion est si intense qu’il se produit une fusion, l’osmose estparfaite.Le vers 1 est symétrique du vers 15 :La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur…Et tout mon sang coule dsleurs regards.
Le poème par sa forme est donc circulaire, le derniers vers renvoie au premier comme pour fermer uneboucle.
L’image du cercle est liée à la forme de l’œil :en fait le cercle renvoie à la fois au contour de l’œil, à l’iris et à lapupille (3 formes circulaires).Mais le cercle a aussi une valeur symbolique :le cercle connote la douceur, la plénitude et la perfection, l’éternité :on peut faire un rapprochement avec Le Banquet de Platon où l’auteur explique qu’à l’origine il y avait des êtressphériques à la fois homme et femme, androgynes.
Or l’androgyne est synonyme de plénitude puisqu’il est à la foishomme et femme, il se suffit à lui même.
Le cercle correspond aussi à la forme de l’alliance symbole de l’amouréternel que se promette un homme et une femme lors du mariage ds la tradition chrétienne.
Le dernier vers qui faitallusion au sang symbole de vie suggère une fusion quasi androgyne.
Les yeux sont décrits par l’intermédiaire de métaphores placées en apposition comme ds un blason:
II- une description métaphorique des yeux
1.
Métaphores qui décrivent les différents composants de l’œil
berceau nocturne et sûr :l’image du berceau peut s’expliquer par la forme de l’œil .
Le regard dessine un cerclemagique où le poète peut se réfugier comme un enfant.
La femme incarne la sécurité, le bien-être.
Le termenocturne peut évoquer métaphoriquement la pupille noire.
Roseaux du vent :l’image peut renvoyer aux cils Rosée : larme ? Brillance de l’œil ? Ailes qui couvrent le monde de lumière :cette métaphore peut renvoyer aux paupières Bateaux chargés du ciel et de la mer : cette métaphore peut renvoyer à l’iris (bleue ou verte)
2.
Métaphores en partie énigmatiques liées à l’influence du surréalisme
Les surréalistes cherchaient à renouveler le langage poétique ; ils refusent d’être rationnels, ce qui explique quecertaines métaphores soient ambiguës voire énigmatiques.
Leur sens est à inventer par le lecteur.
L’ambition dessurréalistes est de stimuler l’imaginaire et de nous faire pénétrer ds un univers qui ressemble à celui des rêves (ilspratiquaient beaucoup l’écriture automatique pour libérer leur imagination et stimuler leur créativité): ainsi ds cepoème certaines métaphores sont étranges et font appel à l’imaginaire Chasseurs des bruits et sources des couleurs : quel rapport entre les yeux et des chasseurs de bruits et decouleurs ? On peut songer aux mouvements des yeux qui guettent ce qui se passe comme s’ils chassaient.
Parfums éclos d’une couvée d’aurores :quel rapport entre les yeux et un parfum ?Il ne faut chercher systématiquement une explication rationnelle mais comprendre que certaines métaphores sonttotalement arbitraires.
Malgré tout on peut observer une unité thématique et des échos sonores qui relient cesmétaphores entre elles.
3.
Unité des métaphores
a) Unité thématique liant ces métaphoresOn peut remarquer que ces métaphores laissent apparaître trois champs lexicaux :
• Chp lex de la naissance :Berceau, couvées, éclos, sources ; la paille renvoie aussi à la naissance du Christ (ds une étable) ; la femme aiméea donc une dimension maternelle, elle est un refuge pour l’homme (aspect protecteur d’une mère) et surtout elle luidonne la vie comme une mère : grâce à elle, il commence une nouvelle vie (on peut noter d’ailleurs que deux termesconnotent le voyage ailes et bateaux : le femme emmène le poète vers une nouvelle vie).
Cet amour correspond àune naissance pour lui parce que la femme lui permet de s’épanouir, de s’ouvrir sur le monde.
Grâce à elle, il accèdeau bonheur, il découvre le monde.
La femme donne à voir le monde ds toute sa pureté, elle a une dimension sacrée.
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