La Corée du Sud se félicite de sa "croissance verte", malgré un bilan nuancé
Publié le 04/03/2012
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Séoul Envoyé spécial - Toujours volontariste sur l'une des politiques les plus importantes de son mandat, le président sud-coréen Lee Myung-bak a rappelé en ce début d'année l'importance de la \"croissance verte à faible émission carbone\", lancée en août 2008. \"Dans une cinquantaine d'années, a-t-il déclaré devant la commission présidentielle ad hoc, l'ère des énergies fossiles sera peut-être terminée et celle des nouvelles énergies s'ouvrira.\"
Young Soo-gil, président de ladite commission, se réjouit des résultats obtenus. Au cours des trois années écoulées, écrivait-il dans une tribune publiée fin décembre 2011 dans le quotidien Korea Times, l'opération a \"stimulé les investissements dans les énergies propres et les technologies environnementales\". Les efforts consentis - notamment la promesse d'affecter 2 % du produit intérieur brut (PIB) à cette politique et 2 800 milliards de wons (1,84 milliard d'euros) d'investissements en 2011 dans la recherche sur les technologies vertes, le double du montant de 2009 - auraient déjà permis à la Corée du Sud, selon M. Young, de combler une partie de son retard avec les autres nations développées en matière de technologies vertes.
Choi Kook-young, de la Kemco, une organisation spécialisée dans les questions énergétiques et financée par le gouvernement, a annoncé, fin janvier, 40 milliards de dollars (29,7 milliards d'euros) d'investissements dans les trois prochaines années au profit des énergies alternatives.
En parallèle, la mise en oeuvre du projet phare de cette politique, la \"restauration des quatre fleuves\", imaginée pour régénérer l'environnement, limiter les risques de catastrophes naturelles, améliorer la gestion des ressources en eau et créer des emplois, s'est traduite par le lancement d'importants chantiers, de barrages notamment. 2012 sera marquée par l'inauguration d'un centre pour les technologies vertes, chargé de soutenir la recherche et le développement dans ce domaine.
Les sept principaux producteurs d'électricité devront, eux, à partir de cette année, générer 2 % de leur courant à partir des énergies renouvelables. Ce taux dit RPS devra atteindre 10 % en 2022. Tout cela pour remplir les objectifs fixés, à savoir réduire de 4 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 par rapport au niveau de 2005 et porter à 11 % d'ici à 2030 la part de l'électricité d'origine renouvelable.
Pour autant, cette politique reste critiquée, notamment sur sa réelle innocuité environnementale. Le projet des quatre fleuves est particulièrement visé. \"Les opérations de dragage des fleuves provoquent de graves problèmes d'érosion qui menacent les fondations des barrages, signale Yun Sun-jin, spécialiste d'études environnementales à l'université de Séoul. Et la construction des barrages est à l'origine d'inondations de terres cultivables, notamment en aval du fleuve Nakdong.\" Les travaux entrepris dans le cadre de l'aménagement des quatre fleuves ont également fortement perturbé les écosystèmes locaux.
Plus généralement, les efforts pour convaincre l'industrie de s'engager dans les technologies vertes se heurtent aux réticences des conglomérats. Confrontés à un contexte économique difficile et hostiles à l'application de toute mesure risquant, selon eux, de menacer leur compétitivité, ils ont demandé en décembre 2011 au Parlement le report des débats sur un projet d'introduction de marché des droits d'émissions à l'horizon 2015.
Plus grave, les tentatives de susciter une prise de conscience des problèmes environnementaux dans l'opinion ne donnent pas de résultats tangibles. \"Le contexte politique, marqué par une régression démocratique, et les difficultés économiques rendent les gens peu sensibles aux questions d'écologie\", note le Pr Yun. Selon elle, l'insistance sur le nucléaire - Séoul veut porter la part de l'atome à 59 % de la production d'électricité nationale en 2030, contre 34,1 % en 2010 - et les dérives du projet des quatre fleuves qui suscitent de vives critiques de mouvements de protection de l'environnement brouillent l'image du projet de croissance verte.
Quant au bilan réel des trois premières années de cette politique, il mérite d'être nuancé. Avec 0,7 % de ses sources d'énergie primaire, dont 0,063 % pour le photovoltaïque, produite à partir des énergies renouvelables, la Corée du Sud reste loin de la moyenne de 7,6 % des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Et Séoul n'a pas la même définition de ces énergies puisqu'elle y inclut notamment l'usage des rejets gazeux des usines, technologie considérée généralement comme nocive pour l'environnement.
Malgré tout, c'est la Corée du Sud qui a été sollicitée par le Mexique pour présider en juin la réunion du G20 sur l'efficacité énergétique et la croissance verte.
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