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La coquille vide du Pacte de Varsovie

Publié le 22/02/2012

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1er juillet 1991 - Pouvait-on imaginer fin plus piteuse ? Ce sont finalement les anciens vassaux qui, dans un élan de magnanimité, ont évité l'humiliation suprême à leur ancien maître. Il n'y eut donc pas de sommet de chefs d'Etat, pas de Gorbatchev face à Walesa ou à Havel pour signer l'acte de décès du pacte de Varsovie. Soucieux de ne pas aggraver encore les difficultés intérieures du président soviétique, les dirigeants de l'Europe centrale libérée avaient décidé de lui épargner cela, comme ils lui ont épargné la liquidation pure et simple, d'un coup, de toutes les structures, militaires et politiques, de l'organisation de défense du bloc socialiste. Une telle dissolution aurait d'ailleurs pu se faire sans la présence d'une délégation soviétique : il suffisait, pour cela, que les autres Etats membres dénoncent en bloc le traité. Les anciens vassaux ont donc accepté de ne procéder, lundi 25 février, " qu'à " la liquidation des structures " militaires " et de laisser en place jusqu'à la fin de cette année au plus tard le comité consultatif du pacte de Varsovie, qui tient lieu de structure politique. D'un côté, radieux, voire hilares, les anciens dissidents, prisonniers politiques, universitaires catholiques et autres opposants devenus ministres de la défense ou des affaires étrangères : Jiri Dienstbier, Lubos Dubrovsky, Janusz Onyszkiewicz, Krzysztof Skubiszewski, Geza Jeszenszky... De l'autre, taciturnes et sombres, le ministre soviétique des affaires étrangères, Alexandre Bessmertnykh, et son collègue de la défense, le maréchal Dmitri Iazov, en grand uniforme bardé de décorations. Tous deux évitèrent de participer à la conférence de presse finale, prétextant un " emploi du temps chargé " qui n'a trompé personne. Quelques signatures, beaucoup de photos, et c'en était fini du pacte de Varsovie, créé le 14 mai 1955 et regroupant l'URSS, la RDA, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie et l'Albanie, pour faire pièce à l'OTAN, le traité de défense occidental auquel la RFA venait d'adhérer. Le haut commandement unifié et l'état-major du pacte seront dissous d'ici au 31 mars. Les nostalgiques soviétiques de l'empire est-européen ne rendent pourtant pas l'âme sans résister. En marge de la réunion de lundi, on annonçait en effet qu'une autre réunion sonnant le glas d'une autre structure moribonde de l'ancien empire, le Comecon, prévue pour mercredi au niveau des chefs de gouvernement, était reportée pour permettre " une clarification des positions " des Etats membres. Visiblement, l'URSS, sans doute aussi sous la pression de Cuba, du Vietnam et de la Mongolie, ne se résout pas à renoncer à une organisation économique multilatérale. Les règles de fonctionnement du Comecon elles-mêmes ne sont déjà plus en vigueur : le rouble transférable n'existe plus, les échanges entre pays membres se font en devises... Sans vouloir rompre tous les ponts avec l'URSS, dont elles ont toujours besoin commercialement, la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie ne tiennent pas à voir se perpétuer le Comecon, même sous un autre nom. SYLVIE KAUFFMANN Le Monde du 27 février 1991

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