Citoyenneté et démocratie à Athènes (ve - ive siècle avant J.-C.) C'est à la fin du vie siècle avant J.-C. que la cité d'Athènes devient une démocratie, une nouvelle forme de régime politique. Les citoyens athéniens (en grec le « démos »signifie le peuple, le corps des citoyens) ont le pouvoir (« cratos ») et sont au cœur des institutions et de l'administration de ce petit État. Pourtant, le fonctionnement de cette démocratie fait l'objet de beaucoup de débats au sein de la cité et il faut attendre leive siècle pour que ce régime politique, toujours menacé, se stabilise… avant de disparaître. La démocratie athénienne de l'Antiquité est en fait très différente de la nôtre, car les sociétés antiques n'ont ni les mêmes valeurs ni le même fonctionnement que les sociétés contemporaines. I. Être citoyen à Athènes aux ve et ive siècle avant J.-C. 1. Le citoyen et la démocratie de la fin du vie siècle et au début du ve siècle av. J.-C. • La citoyenneté est liée à la cité d'Athènes. Une cité dans l'Antiquité est un État correspondant à une ville (Athènes) et au territoire qui l'entoure (l'Attique). Mais la cité est aussi une communauté d'hommes libres : les citoyens. • À l'origine, Athènes est un régime aristocratique : une forme de gouvernement où le pouvoir est détenu par les aristocrates, l'élite de la société par la richesse et la naissance. Cette élite, composée de quelques familles de grands propriétaires, détenait les terres et dirigeait la cité : le reste du peuple n'avait aucun pouvoir. • Le rôle des citoyens à Athènes a évolué au cours de la période : en −594, Solon, un aristocrate, met en place l'isonomie : l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Mais Athènes n'est pas encore une démocratie ; en −507, Clisthène (un autre réformateur) divise les citoyens en dix tribuscomportant chacune trois dèmes (subdivisions territoriales correspondant à un village ou à un quartier). Les riches et les pauvres sont mélangés et participent ensemble à la vie de la cité. Cependant, les plus riches ont encore les postes de direction de la cité ; au ve siècle, Périclès (un autre aristocrate) met en place des lois plus égalitaires : les pauvres peuvent désormais participer à la direction de la cité. • Beaucoup de débats animent Athènes pour décider si c'est l'ensemble du « démos » qui doit diriger la cité ou, au contraire, l'élite, les plus compétents…. 2. Les citoyens sont au cœur des institutions • Pour les citoyens athéniens, la démocratie est la liberté d'intervenir dans la vie et la politique de leur cité. • Athènes est une démocratie directe : tous les citoyens se réunissent dans une assemblée, l'Ecclésia, où ils décident de la politique de la cité par vote à main levée. Cette assemblée est toute-puissante et possède la souveraineté. • Les valeurs des Grecs de l'Antiquité sont assez différentes des nôtres. À Athènes, les citoyens ont desdevoirs avant d'avoir des droits (idée qui n'est pas dans l'esprit de l'époque). Mais ils bénéficient de réels avantages : ils ont la propriété des terres, peuvent mener une action en justice, se marier légitimement, avoir des aides publiques… 3. Qui peut être citoyen à Athènes aux ve et ive siècles avant J.-C. ? • Les citoyens ne sont qu'une minorité par rapport à la population totale de la cité. Obtenir la citoyenneté dépend des origines familiales et de la naissance sur le territoire de la cité d'Athènes. • Depuis les réformes de Clisthène en -508/ -507 avant J.-C., pour être citoyen il faut : être un homme libre ; avoir un père athénien ; être inscrit à l'âge de 18 ans sur les registres de son dème ; avoir fait son éphébie (service militaire de deux ans que les Athéniens doivent faire à 18 ans). • Périclès réduit encore le nombre de citoyens en 451 avant J.-C. : désormais, il faut aussi avoir une mère fille de citoyen pour obtenir la citoyenneté. • Selon les estimations, sur les 380 000 habitants d'Athènes en -431 seuls 42 000 sont citoyens, c'est-à-dire seulement 11 % de la population. • La majorité des habitants de la cité d'Athènes (presque 90 % !) est donc exclue de la citoyenneté : les métèques (hommes libres, étrangers à la cité, protégés par des lois et pouvant résider et travailler à Athènes en échange du paiement d'une taxe) ; les esclaves (hommes non libres, considérés dans l'Antiquité comme des objets) ; les femmes (exclues de toute vie publique) ; les garçons de moins de 18 ans… • L'Ecclésia peut donner la citoyenneté à un métèque s'il a, par exemple, combattu avec bravoure pour Athènes (métèques et esclaves sont mobilisables dans l'armée), mais c'est exceptionnel. • Périclès réduit encore le nombre de citoyens en 451 avant J.-C. : désormais, il faut aussi avoir une mère fille de citoyen pour obtenir la citoyenneté. • L'assemblée peut également voter l'exil d'un citoyen pendant 10 ans s'il a menacé la sécurité de la cité : c'est l'ostracisme. Exercice n°1 II. Le citoyen dans la vie de la cité 1. Les citoyens défendent la cité • Défendre sa cité et mourir pour elle est considéré comme un honneur dans la Grèce antique. À Athènes, le citoyen est aussi un soldat. Après son éphébie, il peut être appelé à combattre pour sa cité jusqu'à 60 ans. Les citoyens votent eux-mêmes leur départ à la guerre. • Mais l'armée athénienne est largement inégalitaire : il faut payer soi-même son équipement pour se battre. La place des citoyens dans l'armée dépend donc de leurs moyens : les plus riches sont cavaliers et dirigent l'armée. À partir de la guerre du Péloponnèse (-431 à -404), ils doivent aussi équiper une trière (galère grecque) ; les citoyens qui ont moins de moyens peuvent être hoplites (fantassins athéniens) ; les pauvres sont le plus souvent rameurs sur les trières. • Les guerres médiques contre les Perses ont été des événements importants pour la cité. Grâce à ses victoires, Athènes va dominer la mer Égée et les cités de la ligue de Délos. Elle devient riche et la démocratie se renforce : en −490, les hoplites athéniens remportent la bataille de Marathon : les citoyens de classe moyenne gagnent le droit de diriger la cité avec les plus riches. en −480 les rameurs, les plus pauvres, participent à la victoire navale de Salamine et sont aussi intégrés à la gestion des affaires publiques. 2. Les citoyens gèrent la cité • La cité est dirigée par trois assemblées et par des magistrats qui occupent des fonctions, politiques, militaires, ou judiciaires. L'assemblée de l'Ecclésia est la plus importante institution de la démocratie athénienne. Elle se réunit tous les 10 jours sur la colline de la Pnyx. Les citoyens yvotent à main levée les lois et décident de la paix, de la guerre et de l'ostracisme. Tous les citoyens peuvent proposer une loi ou un amendement. Les débats à l'Ecclésia peuvent être très violents. La Boulè, le conseil de la cité, prépare les lois et veille à leur application. Elle est constituée de 500 citoyens tirés au sort pour un an au sein de l'Ecclésia. L'Héliée est le tribunal d'Athènes. Il est principalement situé sur l'agora (place publique d'Athènes). Il est composé d'environ 6 000 citoyens de plus de 30 ans tirés au sort pour un an parmi l'assemblée. Il rend des sentences votées à bulletin secret et sans appel. Les magistrats font appliquer les lois de la cité pendant un an. Les stratèges, les plus importants, commandent l'armée et sont élus chaque année. Les autres, comme lesarchontes, qui président les tribunaux et s'occupent de la religion civique, sont tirés au sort. • Tous les citoyens, riches ou pauvres, peuvent être élus ou tirés au sort pour exercer une magistrature. Exercice n°2 3. Les citoyens organisent la vie religieuse et culturelle de la cité • La religion est essentielle dans la société athénienne : il n'y a pas de séparation entre la vie publique et la religion. Les citoyens organisent donc la religion civique, les fêtes religieuses de la cité. • Les magistrats prêtent serment devant les dieux et pratiquent les rituels et les sacrifices lors des guerres et des événements importants pour la cité. • La plus importante fête religieuse de la cité est la fête des Panathénées. Elle rassemble l'ensemble de la société athénienne (y compris les non-citoyens) et témoigne de la cohésion sociale, mais aussi de la hiérarchie de la cité. • La prospérité de la cité permet à Périclès de faire construire par Phidias (sculpteur) et Ictinos (architecte) le temple du Parthénon sur l'Acropole. Ces bâtiments prestigieux montrent aux autres cités la puissance d'Athènes et la solidité de sa démocratie. • Les Grecs apprécient aussi le théâtre qui est lié à la religion civique (représentations en l'honneur du dieu Dionysos). Exercice n°3 III. Les limites de la démocratie athénienne 1. Une démocratie qui ne profite qu'à une minorité de citoyens • Les citoyens athéniens les plus riches, les grands propriétaires terriens, disposent de temps librepour assister aux assemblées grâce au travail de leurs esclaves et des métèques. • La majorité des autres citoyens sont des paysans, des artisans. Voyager coûte cher, et ils ne vivent pas forcément à Athènes. Ils n'ont pas assez d'esclaves pour faire le travail à leur place. Ils n'ont donc souvent ni le temps, ni les moyens de se rendre jusqu'à Athènes pour siéger à l'Ecclésia. Sur environ 40 000 citoyens à la fin du ve siècle, on estime que seuls 6 000 environ devaient assister régulièrement aux assemblées. • Les Athéniens tentent de trouver des solutions pour résoudre ce problème : ils utilisent l'argent des cités alliées. Périclès fait verser une indemnité aux citoyens pauvres qui viennent à l'Ecclésia (le misthos) et les citoyens les plus riches paient certaines dépenses publiques (liturgie)… Mais beaucoup de citoyens pauvres renoncent à venir, car s'ils sont tirés au sort pour être magistrats, ils devront payer les frais liés à leur charge. • La plupart des magistrats sont donc issus de l'aristocratie. 2. Une démocratie critiquée • À la fin du ve siècle, les auteurs de comédie comme Aristophane dénoncent les dérives de la démocratie athénienne. • Ils critiquent les hommes politiques tels Périclès ou Démosthène (au ive siècle) qui ont appris l'art de la parole auprès des sophistes (professeurs qui enseignent à prix d'or comment convaincre un auditoire pour avoir le pouvoir). On reproche à ces orateurs d'être des démagogues : de flatter les citoyens, voire de leur mentir, pour les convaincre. Périclès a ainsi été réélu stratège 20 fois ! On reproche aussi à certains magistrats d'être incompétents et corrompus. • Au ive siècle, cette critique est reprise par les écoles de philosophie de Platon ou d'Aristote où on débat sur le meilleur système politique. Dans la République, Platon (reprenant les idées de Socrate)critique la démocratie qui permet à des citoyens pauvres, sans aucun savoir ou compétences, de diriger Athènes. Il propose un régime politique dirigé par les philosophes. 3. Un régime fragile • L'oligarchie (un petit groupe de personnes dirige l'État) et la tyrannie (un homme seul qui ne descend pas d'une famille royale, prend le pouvoir par un coup d'État et dirige seul le pays) ont toujours menacé la démocratie athénienne : en −411 et en −404 des partisans de l'oligarchies'emparent du pouvoir en profitant de la défaite d'Athènes contre Sparte. • Au ive siècle, la démocratie est sauvée et prend des mesures contre ceux qui la critiquent : Socrate est condamné à mort, les auteurs de théâtre changent de sujets… • Mais le problème reste le même : les citoyens se détournent de leurs obligations militaires et civiques. Démosthène s'inquiète de la perte de l'esprit civique, la cité doit employer desmercenaires pour se défendre. • En −338, Athènes perd sa guerre face à Philippe de Macédoine et en −322, la démocratie athénienne est remplacée par une oligarchie.