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JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE

Publié le 22/02/2012

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Le droit international gouverne, en principe, les seuls rapports entre États. Il n'en prohibe pas moins certains actes susceptibles d'être commis par des personnes privées, notamment des individus. Parfois même, ses dispositions coutumières ou conventionnelles incriminent les comportements interdits à ces personnes en posant, au moins, un principe de répression. Ces dispositions créent, de la sorte, des infractions : des « crimes » et des « délits » internationaux. Toutefois, pour qu'il soit question de « justice pénale internationale », l'existence de ces crimes et délits internationaux ne suffit pas. Il faut encore que des juridictions internationales puissent être saisies de procès intentés aux personnes accusées d'avoir commis ces infractions. Or, il n'a rien existé de tel avant 1945 et ce qui a été créé ensuite, dans ce domaine, est demeuré embryonnaire. Il faut d'abord observer qu'en dépit d'un projet de la Commission du droit international (CDI) de l'ONU relatif aux délits et aux crimes engageant la responsabilité des États, le règlement juridictionnel des différends opposant ces États n'a pas de caractère pénal. Incriminations internationales et justices nationales. Quant aux individus soupçonnés, par exemple, de piraterie maritime, de traite des esclaves ou de violation des lois et coutumes de la guerre, avant 1945, ils relevaient exclusivement de tribunaux nationaux dans les conditions fixées par le droit de l'État dont chacun de ces tribunaux est l'organe. Pour les châtier, il fallait donc articuler des incriminations internationales sur les législations et les justices nationales. Cette articulation est, aujourd'hui encore, la solution de principe. Elle convient, en effet, à la répression de la plupart des infractions internationales : celles qui ont des mobiles privés - comme le trafic de stupéfiants - ou celles qui ont été perpétrées au service d'un État par des agents subalternes. Les appareils répressifs nationaux sont, à cet égard, mieux armés que de lourdes machines internationales. C'est pourquoi le recours aux juges nationaux est facilité, pour certaines infractions, par un principe de « compétence universelle » qui tantôt autorise et tantôt oblige tout État dont les autorités en ont le moyen, à traduire les personnes suspectées devant ses propres tribunaux (par exemple, en matière de crimes de guerre, les quatre conventions de Genève du 12 août 1949). En réalité, la mise en oeuvre de normes internationales d'incrimination devant une juridiction également internationale n'est utile pratiquement et n'a été effectivement décidée qu'en matière de crimes d'État, commis par des agents civils et militaires d'un rang relativement élevé. C'est ainsi que l'article 227 du traité de Versailles du 18 octobre 1919, à l'issue de la Première Guerre mondiale, prescrivait la comparution de l'empereur allemand Guillaume II devant un « tribunal international » pour violation de la neutralité belge et luxembourgeoise ainsi que des lois et coutumes de la guerre. Ce texte n'eut cependant aucun effet. Un projet de cour pénale permanente, formé à la même époque, n'aboutit pas davantage. Par la suite, l'accès d'individus à de véritables juridictions internationales s'est progressivement élargi (les « tribunaux arbitraux mixtes » institués par les traités de 1919 et les « commissions de conciliation » créées par les traités de 1947 ; les tribunaux administratifs chargés de régler les litiges opposant les organisations internationales à leurs fonctionnaires ; surtout, les juridictions compétentes en matière de violations des droits humains, notamment, dans le cadre du Conseil de l'Europe, la Cour européenne de Strasbourg, créée par la convention du 4 novembre 1950). Pourtant, des personnes suspectées d'avoir commis des actes incriminés par le droit international n'ont été que relativement tardivement traduites devant des juges internationaux. En effet, il ne peut guère s'agir que d'agents civils ou militaires d'un État dont les crimes ont nécessairement une grande portée politique. Or, les gouvernements redoutent avec raison que l'intervention d'instances difficilement contrôlables - comme doivent l'être des tribunaux - n'entrave leur action diplomatique. De plus, chacun d'eux répugne à ce qu'un organe de cette sorte soit compétent pour des poursuites dirigées directement contre ses agents et donc, indirectement, contre lui-même. Dans ces conditions, il fallait des circonstances tout à fait extraordinaires pour qu'une justice pénale internationale fût effectivement établie. Elle n'a d'ailleurs comporté que des juridictions ad hoc, conçues sur le modèle ébauché par l'article 227 du traité de Versailles, pouvant juger des crimes particuliers, et vouées à disparaître une fois leur tâche accomplie : les tribunaux militaires internationaux (TMI) de Nuremberg en 1945 et de Tokyo en 1946 ; puis, après un demi-siècle, le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), en 1993, et celui d'Arusha pour le Rwanda (TPIR), en 1994. Quant à la juridiction permanente (CPI - Cour pénale internationale) dont le statut fait l'objet de la convention de Rome du 17 juillet 1998, elle suppose, pour être mise en place, un nombre suffisant de ratifications. Les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. Exception faite pour l'expérience avortée de 1919, la méfiance des grandes puissances envers la justice pénale internationale a cédé pour la première fois devant l'ampleur des crimes perpétrés au cours de la Seconde Guerre mondiale et grâce à la reddition complète (debellatio) du IIIe Reich et du Japon. L'accord de Londres signé le 8 août 1945 par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Union soviétique - auquel une vingtaine d'autres États ont adhéré - a créé le Tribunal de Nuremberg afin de juger les « grands criminels des puissances européennes de l'Axe » dont les « crimes sont sans localisation géographique précise ». Les autres criminels étaient renvoyés devant les juridictions nationales « dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés ». Cependant, le 19 janvier 1946, une décision du Commandement suprême des puissances alliées en Extrême-Orient, reproduisant pour l'essentiel les dispositions adoptées à Londres, a mis en place le Tribunal de Tokyo chargé de juger les grands criminels de guerre japonais. Les juges et le parquet des deux tribunaux étaient nommés par les quatre principales puissances victorieuses, parmi leurs nationaux. Ils devaient réprimer trois sortes de crimes définis dans les statuts des tribunaux : la préparation, le déclenchement et la conduite d'une guerre d'agression (crimes contre la paix) ; les violations des lois et coutumes de la guerre (crimes de guerre) ; les persécutions, les actes inhumains, commis contre les populations civiles à la suite ou en liaison avec les crimes contre la paix ou les crimes de guerre (crimes contre l'humanité). Le Tribunal de Nuremberg rendit son jugement le 1er octobre 1946 et celui de Tokyo le 12 novembre 1948. Puis les deux tribunaux furent dissous et la justice pénale internationale sombra dans un long sommeil. TPI et CPI. Les événements tragiques de Yougoslavie et du Rwanda la réveillèrent : deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies instituèrent sur le même schéma un tribunal pénal international (TPI) chargé de juger les crimes commis depuis 1991 dans l'ex-Yougoslavie (TPIY, résolution 827 du 25 mai 1993) et un autre tribunal pour juger les crimes commis, en 1994, au Rwanda et dans les pays limitrophes (TPIR, résolution 955 du 9 novembre 1994). Ces résolutions sont fondées sur le chapitre VII de la Charte de l'ONU, ce qui rend la compétence et les décisions des deux TPI obligatoires pour tous les membres de l'ONU, mais instrumentalise aussi leur justice : c'est un moyen de rétablir la paix. Les deux tribunaux échappent aux reproches encourus par ceux de Nuremberg et de Tokyo : ils n'ont pas à contrevenir au principe de non-rétroactivité par l'incrimination de crime contre l'humanité qui était nouvelle en 1945 et ne l'est pas en 1993 ou 1994 ; il ne s'agit plus d'une « justice des vainqueurs » puisque ces tribunaux tiennent leur légitimité de l'ONU et que leurs juges sont élus par son Assemblée générale. Siégeant respectivement à La Haye et à Arusha en Tanzanie, les TPI étaient, au tournant du siècle, loin d'avoir terminé leur tâche. Le Conseil de sécurité de l'ONU a par ailleurs prévu, en août 2000, la création d'un tribunal spécial pour juger les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis en Sierra Léone. Enfin, la convention de Rome du 17 juillet 1998 a fait franchir une étape considérable : pour la première fois, les statuts d'une juridiction pénale permanente - en projet depuis les traités de 1919 - ont pu être adoptés (Cour pénale internationale). La CPI sera compétente sur des faits constitutifs de génocide et de crime contre l'humanité, d'agression et de crime de guerre - pourvu que l'État sur le territoire duquel ces faits auraient été commis ou l'État dont les personnes poursuivies ont la nationalité soient liés par la convention. Mais il ne pourra s'agir que de faits commis après l'entrée en vigueur de cette dernière. La « prudence » traditionnelle des gouvernements a fâcheusement limité la juridiction de la CPI. Par exemple, le Conseil de sécurité pourra suspendre toute poursuite pour une période d'un an - renouvelable - s'il estime cette mesure nécessaire ; ou encore, à titre transitoire et pendant sept ans, la compétence de la Cour en matière de crimes de guerre, pourra être déclinée. Malgré ces limitations, beaucoup d'États - dont la Chine, les États-Unis et l'Inde - ont refusé de signer la convention de Rome. Il reste donc beaucoup de chemin à faire sur la voie de la justice pénale internationale. Géraud DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE

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