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Jules ROMAINS (né en 1885) L'insuffisance des procédés traditionnels pour suggerer la complexité du réel

Publié le 15/01/2018

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romains

 

Au début du premier tome des Hommes de bonne volonté, en 1932, Jules Romains, dans une préface qui est, toutes proportions gardées, l'équivalent de l'Avant propos à << La Comédie hztmaine C de Balzac, en 1 842, évoque successivement les deux méthodes qu'ont adoptées les romanciers qui, depuis un siècle, se sont proposé de peindre toute une société. Il en relève les insuffisances et il propose une solution nouvelle.

Quand un romancier se propose un travail de grande envergure, comme, par exemple, celui de peindre le monde de son temps (qu'on me passe cette expression commode), la tradition lui offre deux procédés principaux, dont les autres ne sont que des variantes.

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« :flottan te.

Il arri ve que l'auteur lui-même ne la dégage qu' après coup.

En tout cas elle ne s'im pose pas au lecteur ; je veux dire que rien ne l'oblige à la sentir bon gré mal gré.

Vous pouvez lire Eugénie Grand et et César Birott eau sans vous so ucier du reste de La Co médie humaine, et sans apercevoir entre ces deux chefs-d'œuvre un lien d'un autre ordre qu'entre L'Ëducat ion sen­ timentale et Madame Bovary.

Je n'ai pas besoin de rappeler que Zola, s'il a voulu, pour la série des Roug on-M acqua rt, une unité plus forte, et plus inté­ rieure aux parti es, ne l'a pas obtenue autant qu'ille pen sait.

Les liens du sang et de l'héré dité, qu'il a noués entre ses héros, ont à ses yeux une impor­ tance théor ique dont il ne réussit pas à nous convainc re.

Nous gardons l'im­ pressi on que l'unité de la série reste extérieure et par surcroît se complique d'u n arti fice.

Oserai-j e aj ou ter que cette façon d'entrepren dre un tableau de la soc iété , qui a donné au siècle dernier des résultats grand ioses, auxquels les rema rque, que nous venons de faire n'enlèvent rien de notre admiration, ne gagnerais pas à se répéter de nos jours ? Une telle investigation du monde social, mort ceau par morceau, région par rég ion, qui eut à son heure une allure de con quête­ pren drait maintenant quelque chose de bien mécanique, de bien prévu.

Le roman sur les milieux financiers , venant après le roman sur les milieux politiques et le roman sur les milieux sportif s...

ou i, ce sera it un peu trop comme le 11° 17 sur les Animaux de basse-cour venant après le r6 sur les Arbres fruitiers et le I5 sur les Parasi tes de la vig ne.

Nou s demandons au rom ancier de nous laisser oublier davantage ce qu'i l y a, forcément, de labo­ ri eu x et de quotidien dans son métier.

Le second procédé que nous offre la tra dition, tant frança ise qu'étran­ gère , abou tit à des œuvres dont, cette fois, l'unité interne n'est pas contes­ table .

Ce n'est plus une collecti on de romans, groupés sous une rubri que, ou enfermés dans un cadre à demi arbitraire, que nous avons devant nous, avec la liberté d'y chois ir selon nos préférences, et de comm encer par où bon nous se mble .

C' est un seul roman, qui se déploie en plusieurs volumes.

Ce qui en fait l'uni té, c'est la personne et la vie du héros principal.

Ses aven­ tur es, sur les quelles viennent se greffer celles des per sonnages qu'il renco ntre, fournissent à l'auteur l'occasion de décrire divers milieux.

Finalement une peinture de la soc iété , plus ou mo ins complè te, avec des loin tains et des raccou rcis plus ou moins déformants, s'ordonne en perspe ctive autour d'un in divi du.

Sans parler des digressi ons que l'auteur peut s'accorder.

Tel est le cas des Miséra bles; et, si l'on veut , du Jean- Christophe de Roma in Rol land.

Tel est même celui des œuvres qui font du perso nnage central plutôt un témo in qu'un acteur, et prennent ainsi, comme chez Proust , un aspect de Mémo ires roma nesques.

Parfo is, cette unité d'ordre biographique repose non sur un individu, mais sur une fam ille.

Du même coup, la peinture de la soc iété s'ét ale sur une durée plus ample.

Je pense en particu lier à des œuvres étrangères célèbres, dont certaines sont récentes, comme la Forsyte Saga de Galsworthy , ou Les Budden brook s de Thomas Mann.

Bien que l'exe mple des Roug on-Macquart puisse être à l'origine de ces amples constructi ons, notons qu' elles font du thème de la famille un usage tout autre.

Il s'agit ici non plus d'un ra yonnag e commode, où viennent se loger des œuvres foncièremen t. »

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