Johann FICHTE (1762-1814) La perfectibilité est la marque de l'humain face à l'animal
Publié le 19/10/2016
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Johann FICHTE (1762-1814)
La perfectibilité est la marque de l'humain face à l'animal
Chaque animal est ce qu'il est ; l'homme, seul, originairement n'est absolument rien. Ce qu'il doit être, il lui faut le devenir ; et, étant donné qu'il doit en tout cas être un être pour soi, il lui faut le devenir par soi-même. La nature a achevé toutes ses œuvres, pour l'homme uniquement elle ne mit pas la main et c'est précisément ainsi qu'elle le confia à lui-même. La capacité d'être formé, comme telle, est le caractère propre de l'humanité. Par l'impossibilité de supposer pour une forme humaine un quelconque autre concept que celui de lui-même, tout homme est forcé intérieurement de tenir tout autre pour son semblable. […]
a) Tout animal se meut quelques heures après sa naissance, et cherche sa nourriture aux mamelles de sa mère. Il est guidé par l'instinct animal, qui constitue la loi de certains mouvements libres sur laquelle se fonde aussi ce qu'on a appelé la tendance technique des animaux. L'homme a certes un instinct végétatif, mais il n'a, dans le sens que l'on a expliqué, aucun instinct animal. II a besoin du libre secours des hommes, et, sans cela, il périrait peu après sa naissance. Dès qu'il a quitté le corps de sa mère, la nature cesse d'y toucher, et pour ainsi dire le rejette. Pline et d'autres se sont à ce propos fort emportés contre elle et contre son auteur. Il peut bien y avoir là de l'éloquence, mais non pas de la philosophie. C'est là précisément ce qui démontre que l'homme comme tel n'est pas l'élève de la nature, ni ne doit l'être. S'il est un animal, c'est un animal extrêmement imparfait, et c'est précisément pour cela qu'il n'est pas un animal. On a souvent envisagé la question comme si l'esprit libre existait afin de prendre soin de l'animal. Il n'en est pas ainsi. L'animal existe pour servir de support à l'esprit libre dans le monde sensible, et pour le relier à celui-ci.
Par cette extrême déréliction, l'humanité est renvoyée à elle-même, et ici, en premier lieu, l'espèce à l'espèce. Comme l'arbre conserve son espèce en se débarrassant de ses fruits, l'homme se conserve lui-même comme espèce en donnant soins et éducation au nouveau-né démuni. C'est ainsi que la raison se produit elle-même, et c'est ainsi seulement que son progrès dans le sens du perfectionnement est possible. C'est ainsi que les membres de l'espèce humaine sont dépendants les uns des autres, et que chaque membre à venir conserve l'héritage spirituel de tous ceux qui l'ont précédé.
b) L'homme est né nu, les animaux vêtus. En les formant, la nature a terminé son œuvre et elle y a imprimé le sceau de l'achèvement : elle a protégé par une enveloppe plus brute la finesse plus grande de l'organisation contre l'influence de la matière plus grossière. En l'homme, le premier organe et le plus important, celui du toucher, qui se dissémine à travers toute la peau, a été exposé directement à l'influence de cette matière, non pas par une négligence de la nature, mais au contraire en raison de l'attention qu'elle nous porte. Cet organe fut destiné à toucher immédiatement la matière, pour la rendre, le plus exactement possible, adéquate à nos fins ; mais la nature abandonna à notre liberté la détermination de la partie de notre corps où nous voudrions situer de préférence notre faculté formatrice, et de celle que nous voudrions considérer comme une simple masse. Nous l'avons située dans l'extrémité de nos doigts, pour une raison qui se révélera bientôt. C'est ainsi localisé, parce que nous l'avons voulu. Nous aurions pu donner à chaque partie du corps une sensibilité aussi fine, si nous l'avions voulu ; la preuve en est fournie par ces hommes qui cousent et écrivent avec les orteils, parlent avec le ventre, etc.
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