Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu
Publié le 15/04/2015
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Le théâtre et la critique de la guerre Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935) Objectif : Étude d'une scène de dénouement où le théâtre propose un discours sur le réel. Présentation de l'oeuvre : Dans La guerre de Troie n'aura pas lieu, Giraudoux propose en 1935 une lecture actualisée du mythe antique. Peu de temps avant le déclenchement du conflit mondial, la pièce comporte, notamment dans son dénouement, une forme de mise en garde du théâtre adressée au monde. La relecture du mythe se conjugue donc ici avec un propos d'actualité immédiate. En 1935, Giraudoux, comme de nombreux intellectuels, semble s'apercevoir que la guerre approche. La guerre de Troie n'aura pas lieu est une pièce qui entend donc offrir une vision théâtrale de l'actualité. Or, pour cela, Giraudoux a choisi de représenter sur scène un mythe guerrier : la guerre de Troie. Le choix de héros de l'Antiquité s'explique ainsi par celui d'avoir représenté un symbole de la guerre, plutôt que la guerre elle-même. Cet extrait final de la pièce de Giraudoux est caractérisé, jusqu'au bout, par une issue incertaine. Cinq retournements de situation ont successivement lieu, orchestrés par Oiax, par le javelot d'Hector, et surtout par Demokos. Lecture analytique : I. Un dénouement tragique 1. Cet extrait final de la pièce de Giraudoux est caractérisé, jusqu'au bout, par une issue incertaine. En effet, l'issue semble plutôt pacifique, jusqu'au comportement scandaleux d'Oiax (l.10 à 29) qui menace de se faire tuer par le javelot d'Hector, ce qui aurait pour conséquence immédiate la guerre. Pourtant Oiax se résigne et quitte la scène, laissant ouverte la possibilité d'une paix (« Hector, baisse imperceptiblement son javelot », L30). Mais Demokos survient, dans le camp troyen et entonne le chant de guerre...qu'il n'a pas le temps de prononcer puisqu'il est tué par le javelot d'Hector, qui se pose à nouveau, en protecteur de la paix. C'est finalement la dénonciation calomnieuse d'Oiax par Demokos mourant qui fait basculer la scène dans la guerre : « Elle aura lieu », dit Hector ligne 51). Cinq retournements de situation se succèdent donc avec une grande rapidité, ce que montrent les didascalies et notamment les locutions adverbiales indiquant la simultanéité: « pendant que » (l.21), « À ce moment » (l.30) ou encore l'importance des verbes conjugués au présent (par exemple, « quelle est cette lâcheté ? Tu rends Hélène ? Troyens, aux armes ! On nous trahit... » (l. 32-33). 2. Les jeux de scène semblent illustrer la dimension tragique de l'extrait. Le javelot d'Hector tout comme le rideau de scène sont successivement baissés, puis se relèvent et finissent par commettre et accompagner l'irréparable. L'impression donnée est donc celle d'une mécanique fatale, qui ne peut pas ignorer la provocation d'Oiax, puis celle de Démokos. Enfin, dans une dernière vision, le spectateur voit Hélène embrassant Troilus, ce qui montre l'absurdité de la guerre, mais également son caractère inévitable. 3. Cette scène oppose les analyses de ceux qui considèrent que la guerre va éclater et ceux qui pensent que la paix peut s'imposer. Parmi les premiers, Cassandre (l.20), Démokos (l.34) et Oiax considère que les rivalités sont trop exacerbées entre Grecs et troyens. Cassandre est ce personnage doué du don de divination, qui peut donc prédire les événements, Oiax manque de faire éclater la guerre par sa rudesse et Démokos la déclenche. Hector, et Andromaque tentent au contraire de préserver la paix, considérant qu'il vaut mieux endurer les insultes d'Oiax (l.20 à 30). II. Une critique de la guerre 4. Andromaque et Hector, symbolisent ici le pacifisme, qui fiat d'eux des personnages qui endurent les affronts (comme celui d'Oiax). Le personnage d'Oiax leur est contraire en cela qu'il est intempérant (il est ivre, l. 7 et désire Andromaque) 5. Hector, veut s'empêcher de tuer Oiax car il sait que le meurtre d'un de ses ennemis entraînera immédiatement la guerre. Il tue en revanche Démokos, le poète troyen, par conséquent l'un des siens. Le dénouement est donc ici ironique puisque c'est en tuant le belliciste qu'Hector, déclenche la guerre, alors qu'il pensait que sa mort permettrait de préserver la paix. 6. Le responsable de la guerre est le poète Démokos. Il invoque la « lâcheté » (l. 32) d'Hector, et prône au contraire le combat, en s'adressant aux Troyens sur un mode impératif : « On vous trahit...Rassemblez-vous...Et votre chant de guerre est prêt ! Écoutez votre chant de guerre !» (l.33-34). À travers l'allusion à ce « chant de guerre », Giraudoux accuse les idéologues guerriers qui veulent déclencher les hostilités entre peuples. III. Un théâtre qui s'adresse à l'histoire 7. Plusieurs événements ont lieu en dehors de la scène. Comme s'il existait une continuité entre la scène et ceux-ci, ils sont commentés au présent par les personnages puisqu'ils symbolisent en réalité la décision de guerre ou de paix. Le retour d'Ulysse à bord (l.50) accompagné d'Hélène (l.32) semble indiquer l'espoir de paix, mais le meurtre d'Oiax (l.50) intervient pour déclencher la guerre finale. 8. La dernière phrase de la pièce est ambiguë : elle donne la parole au poète qui appartient au camp des assaillants (les Grecs) comme pour montrer que, dorénavant, c'est le chant de guerre qui va triompher. Mais en même temps que Démokos, c'est la pièce qui s'achève. « La parole est au poète grec » pourrait donc également signifier que si le théâtre a échoué, c'est au réel, désormais de s'exprimer. Cette phrase semble donc préparer une guerre à venir sur la scène du réel...et Giraudoux faisait donc preuve ici d'une troublante perspicacité. 9. Les événements historiques que cette scène symbolise concernent l'opposition, avant une guerre que l'on sait inéluctable, entre pacifistes et bellicistes. Elle rappelle donc le climat politique existant en France au milieu des années 1930, où la menace de l'Allemagne (ici représentée par Oiax ?) était déjà nettement perceptible.
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