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Jean-Didier VINCENT (1935-) Reproduction sexuée et attirance

Publié le 19/10/2016

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Jean-Didier VINCENT (1935-)

Reproduction sexuée et attirance

À ces exceptions près [les espèces à reproduction asexuée], le sexe lors de l'évolution des espèces l'a emporté sur toute la ligne. En termes de rendement de la reproduction, cette situation est incompréhensible. Un individu en se divisant en produit deux ; le sexe implique en revanche de se mettre à deux pour en faire deux. On peut facilement montrer que l'aptitude d'une femelle asexuée en matière de population ne vaut que 50 % de celle d'une femelle sexuée. Expliquer la sexualité équivaut donc à trouver un avantage sélectif qui doit donc être supérieur à 50 %. Théoriquement, une femelle asexuée engendrera une femelle identique, donc aussi bien adaptée que sa mère. La fille d'une femelle sexuée, en revanche, se contentera d'un demi-génome de sa mère et aura reçu un demi-génome étranger. Pour compenser ce déficit, il faudrait donc théoriquement que la sexualité permette à la femelle d'engendrer une fille dont l'aptitude vaille au moins le double de la sienne propre. Situation plus vraisemblable quand on sait que l'évolution se contente en général de quelques pourcent. Ce débat trop abstrait a le mérite de souligner le propos de G. C. Williams qui affirme que « la sexualité demeure l'énigme majeure de l'évolution biologique ».

Des réponses sont cependant proposées. La sexualité, en permettant le mélange des mutations favorables, accélérerait l'évolution. La reproduction sexuée, en introduisant massivement du neuf dans un vieux génome, permettrait sa réparation. Combien d'aristocrates menacés par la sélection naturelle ont sauvé leur patrimoine en épousant une riche roturière dont la fortune a permis la restauration d'un château qui menaçait de s'effondrer...

Autre raison, l'opposée des précédentes, la sexualité, en accumulant les mutations défavorables, favoriserait l'élimination immédiate des débiles et renforcerait la qualité de la progéniture.

Enfin, la reproduction sexuée, source intarissable de nouveauté, offrirait en permanence une réponse aux modifications rapides du milieu. [...] Tout cela reste très théorique. On a beau tourner le problème dans tous les sens, la question reste ouverte : pourquoi deux êtres éprouvent-ils l'impérieuse nécessité de s'accoupler ? Sauvegarde du patrimoine, intérêt du groupe et, d'une façon plus générale, adaptabilité accrue ? C'est à voir.

Dans certains cas intervient la sélection sexuelle qui pour être naturelle n'en pose pas moins le problème du caractère adaptatif de la « beauté ». L'évolution peut alors favoriser chez l'un des partenaires un caractère proprement nuisible à l'espèce, comme la queue du paon qui rend celui-ci vulnérable et maladroit dans le vol. Ailleurs, c'est l'infirmité qui est sélectionnée selon l'hypothèse que les femelles préfèrent les mâles porteurs d'un handicap au prétexte que celui-ci témoigne de leur plus grande capacité de survie.

Ces avantages adaptatifs du sexe ne se manifestent qu'à long terme ; ils constituent des « causes ultimes » qui ne peuvent expliquer l'instauration dans une espèce de la reproduction sexuée à moins de se transformer en « causes finales » et d'attribuer à la sélection naturelle une prescience qui l'inciterait à conserver, a priori, une solution désavantageuse dans l'immédiat. Un tel finalisme étant interdit, il faut trouver au sexe des causes proximales qui pourront être très différentes selon les espèces et donneront à celui-ci une causalité tardive, a posteriori.

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