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Jean Bodel, le Vilain de Bailleul .

Publié le 07/05/2013

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Jean Bodel, le Vilain de Bailleul . Ce conte satirique de Jean Bodel (XIIe siècle), qui se désigne lui-même comme « fabliau «, est composé de vers octosyllabiques. Il allie personnages conventionnels propres au genre (femme infidèle, prêtre lubrique, paysan stupide) et souci du réalisme (description du repas, du lit de paille et de chaume), dans un esprit profondément anticlérical et misogyne. Le comique de la scène repose sur la duplicité de la femme, dont les actes démentent intégralement le discours, l'aplomb grivois du chapelain, qui utilise son ministère pour abuser le paysan, et la grotesque bêtise du mari, trompé par la plus énorme des ruses. Le Vilain de Bailleul de Jean Bodel Si un fabliau peut être vrai, il advint un jour, dit mon maître, qu'un paysan demeurait à Bailleul. Il n'était ni usurier ni changeur, mais peinait sur ses blés et ses terres. Un jour, à l'heure du déjeuner, il rentra fort affamé. Il était grand et épouvantable à voir, un vrai diable, avec une vilaine hure. Sa femme n'avait cure de lui, car il était sot et d'aspect repoussant et elle aimait le chapelain. Elle lui avait donné rendez-vous pour passer ensemble la journée. Elle avait tout arrangé : le vin était déjà dans le baril, elle avait cuit le chapon et le pâté, je pense bien, était couvert d'une serviette. Vous voilà le paysan qui bâille de faim et de fatigue. Elle court à sa rencontre pour lui ouvrir la barrière, mais n'a pas cure de sa venue : elle préférerait recevoir l'autre ! Puis elle lui dit pour le tromper, en femme qui sans conteste l'eût aimé mieux enterré que mort : « Seigneur, dit-elle, Dieu me bénisse ! Comme je vous vois défait et pâle : vous n'avez plus que les os et la peau ! -- Emma, je meurs de faim, dit-il, la bouillie de lait est-elle prête ? -- Vous mourez, oui, c'est certain ! Vous n'entendrez jamais dire plus vrai ! Couchez-vous vite : vous mourez ! Quel malheur, pauvre misérable ! Après vous peu m'importe de vivre, puisque vous me quittez. Seigneur, comme vous m'êtes arraché ! Vous trépasserez sous peu ! -- Vous moquez-vous de moi, dame Emma ? J'entends bien notre vache mugir : je ne crois point être en train de mourir, je pourrais vivre encore longtemps. -- Seigneur, la mort qui vous étourdit, pâlit et oppresse tant votre coeur que vous n'êtes plus que l'ombre de vous-même : elle envahira bientôt votre coeur ! -- Couchez-moi donc, ma chère, dit-il, puisque je suis dans un état si grave. « Elle se hâte, de son mieux, de le leurrer par son caquet. Dans un coin elle lui fait un lit de paille et de chaume de pois, avec des draps de chanvre. Elle le déshabille et le couche et lui ferme les yeux et la bouche, puis se laisse tomber sur son corps. « Frère, dit-elle, tu es mort. Dieu ait merci de ton âme ! Que deviendra ta malheureuse femme qui se tuera de chagrin pour toi ? « Le paysan gît sous le drap, se croyant effectivement mort. Et elle va chercher le prêtre en femme rouée et fourbe, lui raconte tout de son vilain et lui fait entendre sa sottise. Ils se réjouissent, l'un et l'autre, que la chose se soit ainsi passée et ils s'en reviennent ensemble en complotant leur plaisir. À peine franchi le seuil, le prêtre commence à lire ses psaumes et la dame à se battre les paumes. Mais dame Emma sait si bien feindre que ses yeux ne versent pas une seule larme : elle l'a fait malgré elle, mais y renonce vite. Alors le prêtre abrège l'office. Il n'a cure de recommander son âme à Dieu ! Il prend la dame par la main et ils se retirent dans un coin reculé. Il a délacé ses vêtements, l'a dévêtue : sur le fourrage nouvellement battu ils se sont renversés tous les deux, lui dessus et elle dessous. Le paysan qui était recouvert du drap vit bien tout leur manège, car il tenait les yeux ouverts. Il voyait la paille remuer et le noir chaperon osciller : il savait bien que c'était le chapelain ! « Ahi ! Ahi ! dit le vilain au prêtre, sale fils de putain ! Certes, si je n'étais pas mort vous regretteriez votre entreprise ! Jamais homme ne fut si bien battu que vous le seriez, monsieur le curé ! -- Ami, fait celui-ci, il se peut bien ! Mais, sachez que si vous étiez en vie, c'est bien malgré moi que je serais venu ici, tant que vous eussiez l'âme au corps. Mais, puisque vous êtes mort, je dois bien en tirer avantage. Restez couché et calme, fermez les yeux, vous ne devez plus les tenir ouverts ! « Le paysan referme alors ses yeux, et recommence à se taire. Et le prêtre prit son plaisir sans crainte et sans hésitation. Je ne peux vous assurer s'ils l'enterrèrent le matin, mais le fabliau dit à la fin qu'on doit tenir pour fou celui qui croit sa femme plus que lui-même. Source : Fabliaux, trad. par Rosanna Brusegan, Paris, UGE, « 10/18 «, 1994. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

« que vous n’êtes plus que l’ombre de vous-même : elle envahira bientôt votre cœur ! — Couchez-moi donc, ma chère, dit-il, puisque je suis dans un état si grave.

» Elle se hâte, de son mieux, de le leurrer par son caquet. Dans un coin elle lui fait un lit de paille et de chaume de pois, avec des draps de chanvre. Elle le déshabille et le couche et lui ferme les yeux et la bouche, puis se laisse tomber sur son corps. « Frère, dit-elle, tu es mort. Dieu ait merci de ton âme ! Que deviendra ta malheureuse femme qui se tuera de chagrin pour toi ? » Le paysan gît sous le drap, se croyant effectivement mort. Et elle va chercher le prêtre en femme rouée et fourbe, lui raconte tout de son vilain et lui fait entendre sa sottise. Ils se réjouissent, l’un et l’autre, que la chose se soit ainsi passée et ils s’en reviennent ensemble en complotant leur plaisir. À peine franchi le seuil, le prêtre commence à lire ses psaumes et la dame à se battre les paumes. Mais dame Emma sait si bien feindre que ses yeux ne versent pas une seule larme : elle l’a fait malgré elle, mais y renonce vite. Alors le prêtre abrège l’office. Il n’a cure de recommander son âme à Dieu ! Il prend la dame par la main et ils se retirent dans un coin reculé. Il a délacé ses vêtements, l’a dévêtue : sur le fourrage nouvellement battu ils se sont renversés tous les deux, lui dessus et elle dessous. Le paysan qui était recouvert du drap vit bien tout leur manège, car il tenait les yeux ouverts. Il voyait la paille remuer et le noir chaperon osciller : il savait bien que c’était le chapelain ! « Ahi ! Ahi ! dit le vilain au prêtre, sale fils de putain ! Certes, si je n’étais pas mort vous regretteriez votre entreprise ! Jamais homme ne fut si bien battu que vous le seriez, monsieur le curé ! — Ami, fait celui-ci, il se peut bien ! Mais, sachez que si vous étiez en vie, c’est bien malgré moi que je serais venu ici, tant que vous eussiez l’âme au corps.. »

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