« Je m'en vais écorniflant par-ci par-là, des livres, les sentences qui me plaisent, non pour les garder (car je n'ai point de gardoire), mais pour les transporter en cettui-ci ; où, à vrai dire, elles ne sont plus miennes, qu'en leur première place. » Vous commenterez cet extrait des ‘Essais' de Montaigne (I, ch.XXIV ‘Du pédantisme')
Publié le 22/10/2010
Extrait du document
Au Moyen-âge les sociétés européennes étaient dirigées par les nobles et par la papauté. Ces sociétés étaient figées et les êtres humains avaient très peu de libertés. L’être humain n’était pas régi par son individualité mais par sa position sociale à l´intérieur de la pyramide féodale.
La chute de Constantinople et l’arrivée des savants grecs en fuite devant les turcs, marquent le point de départ d´une grande aventure humaine : la redécouverte de l’Antiquité à la Renaissance. La Renaissance est un terme général qui étymologiquement met le doigt sur une deuxième naissance d´idées qui nous sont transmises des auteurs grecs et latins.
L’humanisme est un courant idéologique et éthique qui domina la Renaissance française et qui chercha à revaloriser la liberté et la responsabilité de l’être humain en tant qu’individu. Cette pensée proclame sa foi dans les capacités intellectuelles de l’homme à développer ses connaissances. Au XVI siècle, nous trouvons parmi les humanistes les plus connus de la littérature française Pierre de Ronsard (1524-1585), François Rabelais (1494-1553), Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592).
Les Essais de Montaigne (dont la première édition date de 1580) regroupent trois livres dans lesquels l’auteur manifeste son opinion sur divers sujets comme l’amour et l’amitié, la vieillesse et la mort, la douleur et la maladie, le colonialisme et la guerre, la recherche de la vérité et le refus du mensonge, le voyage et l’éducation. L’examen des différents constituants de la société et de la nature humaine, son jugement et son implication personnelle à propos de ces divers problèmes, amène logiquement Montaigne à réfléchir sur sa propre nature. Ainsi il déclare : « je suis moi-même la matière de mon livre… « (Essais I, Avis au lecteur). La volonté de Montaigne est de cerner la nature humaine dans son intégralité. L’absence d’artifices implique qu’il se présente aux lecteurs tant avec ses qualités, qu‘avec ses défauts. Dans Des menteurs (chapitre IX, livre I) Montaigne reconnaît un ‚défaut naturel‘: son absence de mémoire. Or il s’ensuit de démontrer l’amplification de l’importance de cette faculté à son époque. Selon lui la mémoire n’aide guère l’individu dans sa construction des savoirs ; « Savoir par cœur n’est pas savoir ; c’est tenir ce qu’on a donné engarde à sa mémoire. «.
C´est l’éducation qui sera au centre du chapitre XXVI du premier livre, dans lequel Montaigne s´attaque à la notion de pédantisme. Il y écrit :
« Je m'en vais écorniflant par-ci par-là, des livres, les sentences qui me plaisent, non pour les garder (car je n'ai point de gardoire), mais pour les transporter en cettui-ci ; où, à vrai dire, elles ne sont plus miennes, qu'en leur première place. «
De cette citation, se dégage le système d’apprentissage de Montaigne : la méthode « Je m’en vais écorniflant par-ci par-là, des livres «; la matière « les sentences qui me plaisent «; ainsi que le but (« les transporter en cettui-ci «). Montaigne y expose à la fois sa façon d’avancer et sa critique de beaucoup de ses prédécesseurs (et d´auteurs contemporains) pour qui construction des savoirs et mémorisation étaient synonymes. Montaigne ne renie pas pour autant les Autorités, c'est-à-dire les livres de l’Antiquité et de la Bible. Il avoue ‘écornifler’, donc grappiller les sentences, les citations les plus importantes des Anciens. Nous y trouvons une connotation négative : Le verbe ‘écornifler’ signifie ‘dérober’ où ‘acquérir par la ruse’. Il s’en justifie en ajoutant qu´il ne reprend que les sentences, les jugements, les pensées, les maximes qui lui plaisent, qui lui conviennent. Du reste ce n´est pas pour les mettre dans un gardoire, donc les engranger ; il ne s’agit pas d’amasser des livres et de les stocker dans une bibliothèque en vue d'une utilisation ultérieure, mais de les transporter, pour le plaisir de les tenir un moment. Le verbe ‘transporter’ (=porter d’un lieu dans un autre’) contrairement à ‘garder’ (=conserver, maintenir, retenir sur soi) implique l’idée de mouvement. Le déplacement (transport) de ces livres (et sentences) indique que l’auteur les utilise de façon pratique. Le gardoire, qui de façon littéral désigne une ‘bibliothèque’, un ‘débarras’, peut être aperçu comme la métaphore de la mémoire. Ainsi, Montaigne affirme transporter et non pas garder les sentences dans sa mémoire. Il ne s’agit pas d’enregistrer, de mémoriser des citations mais de les transporter, c'est-à-dire des les examiner et des les approfondir grâce à la raison. Le genre même des ‘Essais’ renvoie au verbe ‘essayer’, c'est-à-dire ‘expérimenter, faire la propre expérience de’. Il peut s’agire de l’expérience d’une chose matérielle, ou d’une expérience purement intellectuelle. Le gardoire est repris anaphoriquement par ‘cettui-ci’. Le pronom démonstratif celui-ci est formé à partir du pronom celui et de l'adverbe de lieu ci, signifiant ici, et impliquant que ce dont on parle est proche du locuteur. Ainsi ‘cettui-ci’ pourrait être considéré comme non anaphorique et comme désignant le livre de Montaigne que nous lisons. Par la publication de ses Essais, Montaigne ne garde pas ses réflexions pour lui seul mais il les transcrit(transporte) dans son livre.
La fin de la citation (‘elles ne sont plus miennes, qu’en leur première place’) est plus difficile à définir avec précision et au moins deux lectures sont possibles : Soit le fait d’assimiler la matière an la transposant dans son esprit, c'est-à-dire de la digérer grâce à son jugement propre, implique que désormais Montaigne puisse la considérer d’avantage comme ‘sienne’. (‘elles (ne) sont plus(+) miennes que’>’elles sont encore plus miennes que’). Il est néanmoins plus probable que ‘ne .. plus’ ait réellement une valeur de négation. Montaigne est d´accord pour dire que ces sentences ne lui appartiennent pas, ne sont pas les siennes. Pour qu´elles puissent lui appartenir (devenir miennes) il faudra qu´il s´y identifie qu´il les fasse siennes dans le sens de pénétrer leur esprit, se les approprier. Aussi longtemps qu´il n´y a pas de lien construit entre les auteurs des sentences et la personnalité de l´auteur, ces idées restent étrangères, sans rapport avec lui-même, un peu comme les graines que les oiseaux portent à leurs petits sans les goûter.« qu´en leur première place « implique soit que ces sentences n´appartenaient déjà pas à ceux qui les émettaient, soit le fait de les mettre au gardoire leur enlève toute signification.
Montaigne refuse donc un savoir purement livresque construit sur la simple mémorisation de connaissances d’autrui et non sur le propre raisonnement de la personne en cause. Tout d’abord, nous essaierons de montrer quelle est la différence entre un savoir encyclopédique tel qu´il était préconisé par les contemporains de Montaigne et un savoir construit et personnel qui a des conséquences pratiques, notamment en éthique. Enfin, nous reviendrons sur la notion d’individualité chez Montaigne et durant l’époque humaniste.
L´auteur se révolte contre un système d’études et d’apprentissage trop rigide. La liberté à la fois du choix de la matière et de la méthode d’apprentissage pousse Montaigne à critiquer la méthode des classes, en particulier celle de la Sorbonne, ainsi que toute autre forme d’éducation collective. Au Moyen Âge, la scolastique (du latin schola =école ) désigne une philosophie développée et enseignée dans les universités et qui visait à concilier la philosophie antique (Aristote) avec la théologie chrétienne. Pendant la période de la grande scolastique (fin XIIe siècle - fin XIIIe siècle)les œuvres d'Aristote sont traduites du grec en latin par Albert le Grand, et introduites dans les universités. L’exégèse médiévale appliquait la méthode scolastique aux Saintes Écritures : la doctrine des quatre sens de l'Écriture préconisait une interprétation plurielle du texte de la Bible (sens littéral, allégorique, tropologique, et anagogique). La scolastique comporte plusieurs formes : la lectio de textes, les commentaires, la quaestio et la disputatio . Si la disputatio accorde d’avantage de liberté d‘expression, elle est néanmoins soumise à des règlements universitaires précis. L'aspect formaliste de la disputatio fera l’objet de nombreuses critiques. La scolastique est remise en cause par l'humanisme puis par la la Réforme au XVIe siècle: sa méthode serait une pure spéculation intellectuelle, fondée exclusivement sur le commentaire de textes (≠monde réel et présent) ou le commentaire de commentaires. En effet les maîtres de la scolastique ignoraient la plupart du temps le grec et se contentaient donc de traductions .
L’école ne constitue pour ainsi dire pas le meilleur mode d’enseignement, car le système scolaire avec son organisation trop raide et sévère est contre nature et ne permet pas à l’enfant d’évoluer selon ses propres qualités et besoins. Au lieu d’éveiller la curiosité du jeune apprenti et de lui transmettre l’appétit du savoir, le maître d’école force le jeune à mémoriser le plus de matière possible (méthode). Les éléments livresques y sont les seuls à être considérés comme dignes d’être retenus (matière). La constante référence aux autorités des récits antiques et de la Bible enferme l’enfant dans un savoir souvent bien trop éloigné de la réalité qui l’entoure et ne lui est d’aucune utilité pour avancer dans la vie quotidienne. La liberté de l’individu dans le choix de l’étude ainsi que dans sa démarche vers le savoir refuse le totalitarisme et le déterminisme des méthodes de classe qui ne sauraient prendre en compte les besoins et les intérêts de chaque élève.
Dans le chapitre IX De l’oisiveté (livre I), Montaigne reconnaît néanmoins le besoin de structurer et de guider la pensée. Mais cette nécessité ne doit pas mettre en péril la liberté de l’individu. En matière d’éducation Montaigne avance donc le recours à un précepteur au lieu du maître de classe qui écrase la personnalité du jeune élève. Les châtiments auxquels avait recours le corps enseignant de l’époque, sont la preuve concrète de la privation de liberté et de la répression de l’individu. Pour Montaigne la méthode traditionnelle revient à un pédantisme regrettable pour le développement du jeune. Même si l´étymologie du mot pédantisme le ramène au même mot que pédagogie (dans les deux mots nous avons la racine grecque signifiant enfant) les deux notions sont tout-à-fait opposées. La pédagogie est l'art d'éduquer. Le terme désigne les méthodes et pratiques d'enseignement et d'éducation ainsi que toutes les qualités requises pour transmettre un savoir quelconque. Faire preuve de pédagogie signifie enseigner un savoir ou une expérience par des méthodes adaptées à un individu ou un groupe d'individus. La pédanterie, réfutée par Montaigne, se préoccupe de détails que l’on travaille avec une exaspérante minutie, suit trop de règles, étale des savoirs mal digérés, se réduit souvent à une imitation servile des classiques.
De telles méthodes ne sauraient favoriser l´amour du savoir qui est pourtant extrêmement important si on veut assimiler des connaissances. Pour cette raison Montaigne avait d’ailleurs lui-même relevé qu´il ne prenait que les sentences qui lui plaisaient. Un savoir austère lié à la notion de châtiment est néfaste à une approche psychologique positive dans la construction des savoirs. Pour cette raison Montaigne introduit la notion de plaisir dans les études. On pourrait affirmer qu’il s’agit là d’une véritable ‘philosophie’ de Montaigne : au sens étymologique, philosophie signifie en effet « amour d la sagesse (du grec ancien φιλοσοφία, philosophia composé de φιλία, philia :« amitié, amour «; et de σοφία, sophia :« sagesse «, « savoir «, « connaissance «).
À cette notion de plaisir s´ajoute une leçon de démocratie ; c´est par le dialogue qu´on apprend. Montaigne s’ensuit de postuler: « Je ne veux pas qu´il (le précepteur) invente et parle seul ; je veux qu´il écoute son disciple parler à son tour. « (I, XXVI) imitant par-là à la fois les penseurs sophistes que Socrate et ses disciples qui poussaient leurs adhérents à construire des savoirs par le biais d´un jeu de questions et de réponses.
Montaigne va plus loin en préconisant de rattacher les problèmes discutés à la vie quotidienne des jeunes pour qu´une identification émotionnelle puisse se faire. D’ailleurs dans le chapitre Du Pédantisme, Montaigne, au sujet des philosophes, remarque de façon ironique que ces derniers ‘cherchent encore […]si l’homme est autre chose qu’un bœuf’. Tout au long du chapitre LI (De la vanité des paroles) dénonce le ridicule, l’artifice et l’inutilité de la rhétorique
Dans son Discours de la méthode (1637), Descartes déclare :« Au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connoissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux, et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connoissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature « Nous retrouvons le même concept de ‘nature’ dans la pensée de Montaigne qui s’exclame : ‘Que le monde soit le livre de mon écolier’ ‘I,XXV : De l’institution des enfants’). La méthode de Montaigne prévoit une méthode d’auto-apprentissage plus libre et plus générale ; La locution adverbiale ‘par-ci par-là’ révèle à la fois l’absence de méthode d’apprentissage rigide, ainsi que la volonté de l’auteur de ne pas se limiter sur l’objet de ses recherches. La locution démontre l’ouverture intellectuelle de l’humaniste pour tous les éléments de la nature ; Il n’ya pas de classification entre œuvres, sujets importants et d’autres qui ne le seraient pas. toute réalité naturelle vaut le coup d’être examinée et discutée. Montaigne explore toute la nature (y compris sa propre nature humaine), en toute sincérité (livre de bonne foi). Ce n’est en effet pas l’objet en soi qui est considérable ou non, ce qui compte c’est ce que l’on en déduit, c'est-à-dire son utilité pour l’individu à agir pour le mieux dans son quotidien.
Montaigne plaide donc pour un savoir pratique. Les connaissances acquises par l’élève doivent idéalement pouvoir le servir dans la vie de tous les jours. Ce qui compte c’est l’utilité de l’enseignement pour le moment présent (« Nous ne sommes savants que de la science présente. «). Un savoir qui repose uniquement sur l’étude des connaissances antiques ou bibliques, ne saurait y parvenir pour la simple raison que ce qui est vrai aujourd´hui peut être faux demain et ce qui est faux aujourd´hui peut être vrai demain. La structure la plus proche de la réalité, de la vérité, et du moment présent, est celle de la parole directe dans les Essais. Le genre des essais est moins subjugué aux règles formelles de la rhétorique,. L’immédiateté du discours à la première personne suit le chemin naturel de la pensée. Il en résulte une apparente discordance au niveau de l‘œuvre.
Pour Montaigne on ne peut pas dissocier savoir et valeurs. L´enseignement doit aboutir à former un homme complet. Si l’éducation sert à l’enrichissement intellectuel et culturel de l’homme, elle doit avant tout grandir son âme, c'est-à-dire lui fournir une éducation morale. Elle doit donc renforcer son humanité. Grâce à ses facultés intellectuelles, l´homme est capable de choisir et de faire le bien.
« Ce n’est pas une âme, ce n’est pas un corps qu’on dresse : c’est un homme. L’enseignement humaniste vise donc à former un être complet qui sait tout faire mais n’aime que faire le Bien. Ainsi un enseignement qui privilégie le développement personnel (intellectuel et physique) n´est pas en contradiction avec le développement des vertus, bien au contraire, un homme instruit, cultivé aux connaissances assimilées est le garant des valeurs éthiques. Le progrès de l´homme consiste dans le fait qu´il ne suffit pas de devenir plus savant, mais il faut en même temps devenir meilleur. Le bien penser et sa conséquence pratique, le bien agir l´emportent sur le bien dire. La rhétorique voire la philosophie ne servent à rien, si elles ne s´accompagnent pas d’une amélioration morale de l’être humain.
C’est à partir d’un dialogue avec le maître que le jeune finira par acquérir des connaissances qui auront à la fois une utilité pratique et morale. Concernant les amis de la sagesse antique (Socrate, Platon), cette façon d´avancer est d’ailleurs un vrai retour aux sources vu que c´est en dialoguant que beaucoup de philosophes de l’Antiquité transmettaient leur savoir, alors qu’au Moyen-âge, ainsi qu’à la Renaissance c´était surtout à travers les livres que la pensée était transmise. Souvent cette pensée restait stérile vu qu´elle n’avait aucun lien avec la vie des jeunes à instruire et qu´elle n´avait aucun rapport avec le quotidien, aucun lien avec des valeurs morales.
En d’autres mots l´auteur ne veut pas que la pédagogie et la philosophie « remplissent la mémoire en laissant l´entendement (l´intelligence pratique) et la conscience (la morale, l’éthique) vides «.
L´ éducation doit servir l’homme dans son ensemble et non pas une simple partie, son entendement.
En effet un savoir coupé de la réalité pratique aurait pour seul but « d´en faire parade «, d’être utilisé comme « vaine monnaie inutile « au lieu d´aider l’homme à gérer des situations de vie toujours différentes et toujours nouvelles, inédites. L’approche traditionnelle de l’école « meuble les têtes « (les remplit), rend plus instruit « plus doctes « « plus savant «. L’approche prônée par l’auteur rend « plus habiles « et vise à donner « plus de jugement et de vertu « ne rend pas plus savant, mais « mieux savant «. « pas plus..qu’en leur première place « évoque le fait que les pédants enseignent un savoir qui n’est pas le leur. A la manière du récit de Platon dans l’Allégorie de la caverne, l’élève n’en retiendra au mieux que la copie d’une copie et ne il ne saura accéder à une véritable connaissance..
Pour bien se situer, pour rester crédible aux yeux des hommes de science de son époque, Montaigne doit lui aussi aller chercher à gauche et à droite (‘ escorniffler’ des livres les sentences), des idées de Plutarque, de Diogène, de Sénèque pour illustrer et appuyer son texte. Il voue lui aussi une grande admiration et un profond respect pour les œuvres gréco-latines. Mais il n’oserait en abuser en se en présentant ces propos comme les siens. Montaigne avoue que les sentences qu’il a trouvées lors de ses nombreuses lectures et qu’il retranscrit à présent dans son livre, ne proviennent pas de lui. Il reconnaît son illigitimité par rapport à ces sentences (il ne les garde pas), conrairement au pédant. La tromperie, le mensonge du magister s’oppose à la sincérité (‘à vrai dire‘) de l’auteur des Essais. Au Moyen Age il n’était pas rare que des scripteurs-écrivains copie ou traduisent des œuvres, modifiant certains aspects, puis les publient sous leur nom. Le Moyen Age et la translatio ne connaissait en effet pas encore la notion de droit d’auteur.
Montaigne veut éviter à l’homme, c’est d´être réduit au rôle d’un « simple perroquet « des anciens.
La sentence la plus connue de Montaigne est qu´une tête bien faite vaut mieux qu´une tête bien pleine. Cette sentence est encore aujourd´hui utilisée pour faire la différence entre un enseignement qui n’est rien d´autre que bourrage de crâne (tête remplie) et un accompagnement pédagogique vers la construction d’un savoir personnel qu’on peut utiliser (tête bien faite).
C´est dans ces idées-là que réside la modernité de Montaigne.
L’auteur des Essais ne confond pas pédantisme et pédagogie. Pour qu´un jeune apprenne quelque chose, il faut d´abord qu´il apprenne à se connaître. La célèbre sentence de l´oracle de Delphes « Connais-toi, toi-même « (avant de vouloir apprendre quoi que ce soit) résume bien un des aspects importants du texte. La véritable science c’est la science humaine qui permet l’accès à la vérité de soi. Cette connaissance de soi permet à l’homme de mieux appréhender le monde qui l’entoure et l’aide à se comporter de façon juste en société. Dans ses Essais, Montaigne semble procéder de manière inverse : portant son jugement sur toute sorte de sujets, il essaie de dresser son autoportrait.
A l’époque de Montaigne, toute forme d’exhibition de la propre personnalité était discréditée au profit de la la subordination aux règles et lois de la société, ainsi que de l’autorité politique et religieuse. Sa philosophie libérale sert donc également à légitimer le sujet de son œuvre.
Montaigne affirme l'autonomie de l'homme par l'autonomie de la raison. L’exaltation personnelle est nécessaire pour pouvoir évoluer.
„ les belles âmes, ce sont les âmes universelles, ouvertes et prêtes à tout, si non instruites, au moins instruisables.
Dans ses Essais, Montaigne manifeste sa confiance en la liberté et responsabilité de l’homme, qui grâce à sa propre raison, parvient à se perfectionner.
L’éducation et l‘enseignement doivent donc permettre à l’être humain de progresser. Montaigne revendique une philosophie humaniste plus sceptique que celle qui marqua le début du courant. ‚Transporter‘ contrairement à ‘garder‘(=posséder de façon définitive) suppose que l‘on ne possède pas la vérité . La vérité n’est jamais atteinte car notre monde est en permanente évolution .
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