Jacques Prévert
Publié le 01/04/2011
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DOSSIER POESIE SUR PAROLES DE J.PREVERT. I. Présentation de l’auteur. Jacques Prévert fait partie des écrivains de la première partie du XXe siècle. Il écrivit dans un contexte politique, économique et social instable. Prévert avait 14 ans quand la Première Guerre Mondiale se déclara. A cette époque, on pensait qu’elle ne durerait pas, qu’elle serait « joyeuse ». Seulement, elle dura 4 longues années sanglantes avec des combats dans les tranchées. La politique de la France, durant ses années, est formée sur une idée assez précise de la République. Il n’y a plus beaucoup de tentatives de restauration, même si dans les années 30 les royalistes de l’Action Française et les « Camelots du Roi » demeurent assez actifs. La France se partage entre la gauche et la droite, deux notions héritées de la Révolution Française. On retrouve un engagement marqué chez une grande partie des écrivains, qui se rallient aux opinions de la gauche et plus particulièrement du Parti Communiste. Prévert se rattachera à une organisation, l’AEAR ou l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires. On retrouvera des engagements dans la presse à tendance politique marquée, des signatures de manifestes, des participations à des actions de rues, etc. Il y a aussi une agitation sociale avec la crise économique de 1930-1931, les grèves à répétitions dues aux colères des ouvriers, la prise d’importance des syndicats … Tout cela mène à une mutation de la société française. Jacques Prévert nait le 4 février 1900. Dès 15 ans, il quitte l’école après son Certificat d’Etude. Il multiplie les petits travaux jusqu’en 1918, date à laquelle il est mobilisé. Il rencontre Yves Tanguy, qui deviendra un peintre surréaliste, à St-Nicolas-De-Port avant d’être envoyé à Istanbul où il fait la connaissance de Marcel Duhamel, un traducteur, scénariste et acteur. En 1925, il participe au mouvement surréaliste qui se regroupe près de Montparnasse. Il fixera ici le terme de « cadavre exquis » pour définir le jeu littéraire auquel se livre ses amis et lui. La rupture avec ce groupe se fait en 1930 car Prévert est trop indépendant d’esprit et il supporte mal les exigences d’André Breton. Il est aussi scénariste et dialoguiste de plusieurs grands films français entre 1935 et 1945 comme « Le jour se lève », « Les enfants du Paradis », « Les visiteurs du soir » … Il écrit aussi des pièces de théâtre. Il eu une fille, Michèle, en 1946 et il épousa Janine Tricotet en 1947. Il ne supporte pas les prêtres et les serviteurs d’Eglise car cela représente pour lui le pouvoir autoritaire. Cela se ressent dans plusieurs de ses poèmes comme « Pater Noster ». En 1977, il mourut d’un cancer des poumons. Ses œuvres majeures, dans le domaine de la poésie, Paroles, Soleil de nuit, La pluie et le beau temps. Pour le théâtre, il écrivit Octobre. Dans le domaine des contes pour enfants, sa plus grande œuvre est le Roi et l’Oiseau, pour lequel il fit le scénario, les dialogues et l’adaptation du film original. Il travailla en collaboration avec Paul Grimault sur ce film. Jacques Prévert ne se rattache à aucun mouvement littéraire : il est très indépendant d’esprit. Il s’était rallié au mouvement surréaliste en 1924, mais après une énième altercation avec André Breton, Prévert quitte le mouvement. Il critiqua ouvertement ce dernier ainsi que son chef. Il fait partie d’un mini mouvement cependant qui « joue » avec les mots. II. Le recueil. Paroles est un recueil publié pour la première fois intégralement en 1946. Cependant, les textes qui le compose ont d’abord été publiés de façon isolée dans plusieurs revues pendant les années 1930 et au début des années 1940. Ces revues sont le Commerce, Bifur, la Révolution Surréaliste, les Cahiers d’Art, etc. Son titre Paroles nous renseigne sur la spontanéité et l’oralité des poèmes qui sont nourries d’influences surréalistes. Il faut souligner l’importance du pluriel dans le titre, car il y a 95 textes. Prévert adopte un langage familier et populaire, se faisant ainsi le porte parole de tous. C’est une nouvelle expressivité et donc une certaine provocation qui en ressort. Il nous indique le parti-pris de l’auteur : donner la part la plus large à la langue parlée contemporaine. En ce qui le concerne, il n'y de poésie vivante que celle qui se fait au jour le jour avec la langue parlée par le plus grand nombre. Et plus elle est \" parlée \", plus elle est vivante, car elle représente l'actualité et les réactions de ses contemporains. Paroles fut le premier recueil de poésie de Jacques Prévert. Il y présente les joies et les peines du quotidien, de l’époque. Le recueil se distingue en deux tendances : - La dénonciation de la société de l’époque par le langage et les mots. On constate qu’une grande partie de ce recueil est inspirée par un besoin violent de protestation universelle. Ce besoin se manifeste par des allusions rapides, nourrit des paragraphes ou s'étend à des textes complets. Prévert conteste les représentants traditionnels de l'ordre établi : les prêtres, les politiciens, l'armée. - La valorisation de certains mots simples et des sentiments qu’ils désignent. Si se poésie a eu tant de succès, c'est à cause de son humour, de sa mise en question du monde sur le monde cocasse, et surtout parce qu'elle éveille des sentiments directs et simples. La poésie de Prévert n'est pas toute de contestation. Mais les poèmes qui correspondent à chacune de ces tendances sont mises dans le recueil de façon anarchique, il n’y a pas de rapport d’ordre entre elles. On ne retrouve pas de formes fixes dans ce recueil. Il y a cependant des différences de tailles entre les poèmes : - Les poèmes longs sont placés stratégiquement au début du recueil (Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France (11 pages) Evènements (9pages) mais le plus long, La crosse en l’air (35 pages) est au milieu de l’œuvre et on retrouve un texte assez long en fermeture du recueil (Lanterne magique de Picasso (7pages)). - Les poèmes plus courts sont éparpillés tout au long du recueil, leur tailles variant d’une ligne (« Les paris stupides ») à quelques pages en passant par des poèmes courts (« Alicante »-6vers, « Le cancre »-17vers). On retrouve aussi des poèmes plus ou moins longs, de une ou deux pages (« Barbara ») Certains poèmes sont tendres, d'autres violents et dénonciateurs. Certains sont inspirés par l'actualité politique de l'époque, d'autres par un sentiment personnel. La taille des poèmes est donc variée mais la forme aussi. Paroles offre une très grande variété dans la forme de ses poèmes. Chaque texte a une forme particulière qui n’a rien en commun avec les formes fixes traditionnelles. On y retrouve des poèmes en prose comme dans « Souvenirs de famille ». Il y a aussi des petites saynettes (ou saynètes) en vers libres comme dans « L’orgue de Barbarie » ou « L’accent grave ». Mais on retrouve aussi une utilisation plus traditionnelle des vers libres avec quelques fois une utilisation des rimes irrégulières comme dans « Barbara », « Pour toi mon amour » ou encore « Complainte de Vincent ». On peut aussi remarquer une forte présence de l’oralité qui se traduit dans certains poèmes par une utilisation des reprises ou encore des refrains comme dans « Chasse à l’enfant » ou bien « Je suis comme je suis ». Ces poèmes, ainsi que d’autres du recueil, seront mis en musique par Joseph Kosma. La forte variété de formes dans l’ouvrage est significative de l’oralité et de la spontanéité que revendique Prévert. Elle est aussi significative de l’influence surréaliste dans l’œuvre de l’auteur. Les topoïs ou thèmes récurrents dans Paroles sont l'enfance, l'amour, la solidarité, la guerre. La contestation est cependant le thème le plus présent du recueil. La contestation prend ainsi une place importante dans ce recueil que ce soit par des allusions rapides, des paragraphes courts ou des textes plus longs. Prévert peint la société française de l’entre deux guerres et nous montre ses défauts. Celle-ci se fait sur plusieurs sujets : la violence de la guerre que l’on retrouve dans « Le temps des noyaux » ainsi que dans « Quartier libre », de la politique bourgeoise et de la religion « Pater Noster », « la Cène », « La crosse en l’air », « La morale de l’histoire » etc. Il fait aussi référence à l’actualité de son époque : la guerre d’Ethiopie et la guerre d’Espagne se retrouve dans « la lanterne magique de Picasso » et « La crosse en l’air », la Seconde Guerre Mondiale et ses dégâts dans « Barbara ». Etant contre l’Etat français, Prévert met en cause les valeurs de Pétain de la famille (« Familiale » , « La pêche à la baleine »), la patrie (« L'épopée » , « Histoire du cheval) » et le travail qu'il présente comme une exploitation et une humiliation (« Le temps perdu » , « Le paysage changeur » ,« Dîner de têtes », « L'effort humain » où l'on trouve une expression qui résume tout : \" La terrifiante chaîne où tout s'enchaîne / la misère le profit le travail la tuerie \". Prévert dénonce aussi d'autres oppressions comme l'emprisonnement (« La chasse à l'enfant ») ou la colonisation (« L'effort humain ») ou encore l'école et ses références (« Le cancre », « Les paris stupides », « Composition française » ...). Il étend donc sa contestation à toutes sortes d’aspect de la société de la 3ème République. Et il évoque un monde libéré de toutes contraintes. Paroles exploite aussi les thèmes traditionnels lyriques de l'amour, de l'enfance, de la nature et les animaux mais sans frénésie du \" je \" romantique : il s'agit plutôt d'une recherche du bonheur individuel et collectif fait de sensualité (« Sables mouvants », « Paris at night »), de liberté (« Le cancre », « Salut à l'oiseau ») où l'innocence et la fragilité sont protégées même si les peines de cœur continuent à exister (« Le désespoir est assis sur un banc », « Rue de Seine », « Pour toi mon amour ». Un dernier thème notable est celui de l'art et de la création avec des références à Van Gogh (« Complainte de Vincent »), peintre de violence, de sang et de vie et à Picasso, qui bouscule la représentation de la réalité (« Promenade de Picasso », « Lanterne magique de Picasso »). Ainsi, Paroles est un recueil qui, en créant le tableau de la société dans toutes ses formes, la remet en cause. Prévert traite ces sujets avec une grande simplicité que peuvent comprendre les moins érudits. Cependant, même les plus intellectuels peuvent être touchés par ces textes et se sentir concernés par les thèmes qu’aborde Prévert. Ce sont des thèmes universels et toujours d’actualités. Plusieurs registres sont utilisés par l’auteur : - Le registre lyrique. On le retrouve dans « Cet amour » (« Tremblant de peur comme un enfant dans le noir »), dans « Pour toi mon amour », dans « Le cancre » ( mais il dit oui avec le cœur / il dit oui à ceux qu’il aime »), dans « Sables Mouvants », « Immense et rouge » ( « mon amour / Ma beauté ») - Le registre polémique. On le retrouve dans plusieurs poèmes comme « La Chasse à l’enfant » (« Il avait dit J’en ai assez de la maison de redressement » « Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !), comme « Pater Noster » ( Notre Père qui êtes aux cieux / Restez-y ») - Le registre comique. On le retrouve dans plusieurs poèmes comme « L'accent grave », « Les belles familles », « Quartier Libre » - Le registre satirique. La poésie de Prévert est une poésie savamment engagée Il conteste dans la plupart des ses textes un ou plusieurs aspects de la société dans laquelle il vit. Il s'est engagé principalement sur le thème de la guerre, comme dans Barbara ou il dénonce la guerre « Quelle connerie la guerre ». III. Choix des trois poèmes. a) « L’accent grave » J’ai choisi ce poème parce que je le trouvais amusant. J’aime aussi la référence assez moqueuse d’Hamlet de W. Shakespeare. C’est un poème humoristique mais qui fait réfléchir aussi. Enonciation : Qui parle ? On sait que c’est le professeur qui est l’émetteur, c’est lui qui commence la saynette. A qui ? On sait aussi que c’est l’élève Hamlet qui est le destinataire. Il répond au professeur. Les thèmes : Les registres : On peut remarquer la présence des registres humoristique ( avec les répliques « dans les nuages » de l’élève Hamlet « Hein … Quoi … Pardon … Qu’est-ce qui se passe … [… ] »). On peut aussi voir de la parodie : Prévert parodie donc Shakespeare et Hamlet et son célèbre « Etre ou ne pas être » en en faisant une petite piécette humoristique et en parodiant ses paroles « Etre ou ne pas être dans les nuages » « Etre « où » ne pas être / C’est peut-être aussi la question ». b) « Familiale » J’ai choisi ce poème car je le trouve intéressant dans la façon où décrit la vie quotidienne. Je trouve aussi intéressant de voir que certaines personnes comme le dépeint Prévert sont assez insensible aux dégâts que peut causer la guerre et les pertes qu’elle peut engendrer. J’ai aussi aimé la façon dont le poème est tourné, les répétions sont très insistantes sur le fait que la guerre est une chose normale pour des personnes. Enonciation : Qui parle ? C’est certainement Jacques Prévert qui parle, on peut dire que c’est un narrateur implicite. A qui ? Le narrateur nous parle surement, aux lecteurs. Les thèmes : On y retrouve les thèmes de la guerre et de la vie quotidienne. Le mot « guerre » est répété huit fois, il y a une forte présence de répétitions. La vie quotidienne est dépeinte en ces répétitions « La mère fait du tricot », « elle tricote », « Sa femme fait du tricot » ; « Il fait des affaires », « Lui des affaire ». La mort du fils ne change rien à la vie monotone qu’ils avaient avant qu’il parte à la guerre « la vie continue » « naturel ». La guerre est omniprésente dans la vie quotidienne mais banalisée. Le poème évoque la vie d'une famille face à la guerre. L'auteur dénonce fortement la guerre, ainsi que le conformisme. Registre : Satirique. Forme de discours : Narratif et Descriptif. Prévert raconte et décrit la vie quotidienne de certaines familles durant la guerre. c) « Le contrôleur » J’ai bien aimé ce poème. Il est aussi intéressant de voir comment Prévert interprète le monde moderne de plus en plus pressé. Enonciation : Qui parle ? Il y a un narrateur implicite mais il y a une présence du « nous » ( « allons », « pressons », « voyons », « soyons », … ) A qui ? Le narrateur parle à « tout le monde », aux lecteurs de ces « voyageurs ». Les thèmes : Le monde moderne est ici dépeint. La vie automatique et monotone est mise en avant, jusque dans la mort qui devient elle-même dans « rebondissements » car il faut laisser la place aux suivants. Les registres : Il se trouve dans ce poème un registre satirique, car Prévert critique la société moderne trop pressée, trop répétitive. Les forme de discours : Il y a de l’injonctif ( « Allons », « Pressons », « Voyons », …) et du descriptif ( « Il y en a qui font la queue », « Il y en a partout »). J’ai trouvé une autre interprétation de ce poème : Le contrôleur pourrait être un SS, qui fait sortir les Juifs des wagons à bestiaux qui les amener aux camps de concentration. « Les voyageurs » seraient les Juifs, nombreux, qu’il faudrait envoyer vite, « le long du débarcadère » qui serait donc le quai. IV. Savoir motiver son choix. J’aime beaucoup Jacques Prévert depuis que je suis petite fille, j’ai appris quelques uns de ses poèmes étant à l’école primaire comme « Le cancre » et je suis une grande admiratrice du film qu’il a coproduit avec Paul Grimault « Le Roi et l’Oiseau ». Lire un recueil de poésie de Prévert m’a permis de connaître plus de poèmes de celui-ci et donc d’enrichir ma culture poétique moderne. J’apprécie le fait que sa poésie soit de l’ordre du jeu et la manière simple qu’il a de traiter des sujets parfois graves en utilisant donc cette poétique du jeu. Grâce à son talent, Jacques Prévert peut atteindre toute les personnes, celles-ci peuvent être concernées par chacun des textes, des moins érudits aux plus intelligents. Chaque poème peut ainsi toucher mais aussi faire réfléchir. La poésie de Prévert est accessible à tous grâce à l’utilisation de mots simples. Il parvint à convaincre grâce à ceux-ci. J’ai beaucoup aimé le recueil : il porte que beaucoup de sujets, encore de nos jours d’actualités, comme les problèmes sociaux et politiques, mais aussi comme l’amour et l’enfance, c’est ce qu’il me plait chez Prévert. Les sujets qu’il traite sont universels, et s’applique encore à notre époque. Ce recueil est aussi très facile à lire. Chaque poème est un vrai plaisir. Je conseille vivement cet ouvrage à ceux qui apprécient le poète, qui aiment la poésie moderne sans forme fixe, ce qui est mon cas.
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