Isou, Isidore - écrivain. 1 PRÉSENTATION Isou, Isidore (1925-2007), écrivain, cinéaste et théoricien de la littérature et de l'art français d'origine roumaine, fondateur du mouvement lettriste. Personnage excentrique aux théories multiples, radicales et avant-gardistes sur la littérature et sur l'art, il a révolutionné l'acte créatif en prônant par exemple la poésie sans mot, la musique sans son ou encore le cinéma sans image. 2 LE POÈTE PRÉCOCE QUI DILATE LES VOYELLES Né à Botosani (Roumanie), Isidore Isou Goldstein est un enfant précoce qui se nourrit de littérature : à 13 ans, il lit déjà Fedor Dostoïevski, à 14 ans Karl Marx et à 16 ans Marcel Proust. À 17 ans il lit une phrase, « le poète dilate les vocables, du philosophe allemand Hermann von Keyserling«, qu'il interprète en « le poète dilate les voyelles «, car en roumain, « vocable « signifie « voyelle «. C'est une révélation pour lui, qu'il théorise dans le Manifeste de la poésie lettriste (1942). Il décide de partir pour la France, avec ses déjà nombreux manuscrits dans ses valises. 3 LA LETTRE PORTÉE AUX NUES En 1945, à Paris, il prend le pseudonyme d'Isidore Isou, formé de ses deux prénoms. Il se rend chez Gallimard pour exposer ses théories sur une nouvelle poésie et une nouvelle musique, mais ne convainc pas. Il rencontre le jeune poète Gabriel Pomerand (1926-1972) dans une cantine pour juifs déportés. Ensemble, ils fondent et imposent le mouvement lettriste qui s'inscrit dans la lignée de certaines théories du surréalisme, du dadaïsme et du futurisme, bien qu'ils en fustigent les expressions et les représentants -- il se moque de la « fureur molle « d'André Breton par exemple. Sa théorie, qui se développe dans l'immédiate après-guerre ( la Dictature lettriste, 1946 ; Introduction à une nouvelle poésie et une nouvelle musique, 1946 ; Bilan lettriste 1947, 1947), propose une méthode de création radicale et globale, qu'il a appelée plus tard la Créatique, dans laquelle la lettre, le son, le signe mettent à mort le mot et le sens en les supplantant dans la démarche poétique. La poésie d'Isidore Isou se trouve donc en quelque sorte « réduite « à la lettre : celle-ci, considérée en tant qu'élément graphique et sonore, est combinée en procédés déclamatoires, qui doivent beaucoup à l'iconoclastie dadaïste -- André Breton a d'ailleurs marqué sa sympathie pour cette poésie concrète. Ainsi cet auteur, prolifique en essais et théories sur l'art, ambitionne de porter à son terme l'autodestruction des formes poétiques, littéraires mais aussi artistiques ( Essais sur la définition et le bouleversement total de la prose et du roman, 1950). 4 DE PROVOCATIONS EN RÉVOLUTIONS En 1946, Isidore Isou organise avec son ami Gabriel Pomerand la première manifestation du groupe et y récite ses poèmes alphabétiques. Tous deux fréquentent les milieux littéraires (Jean Paulhan, Gaston Gallimard, Raymond Queneau, Jean Cocteau, André Gide -- qui affirme « Je suis lettriste !«) et artistiques parisiens, notamment ceux de Saint-Germain-des-Prés où ils multiplient les scandales. Ainsi, Isidore Isou interrompt une pièce dadaïste de Tristan Tzara, prônant un « mouvement plus neuf, du Lettrisme, par exemple «. En 1948, il colle des tracts dans le quartier sur lesquels est inscrit : « 12 millions de jeunes vont descendre dans la rue pour faire la révolution lettriste «. Peu à peu, le Lettrisme s'ouvre à toutes les autres disciplines : à la peinture typographique (Isidore Isou écrit un manifeste et Gabriel Pomerand organise une exposition), à la musique (Gabriel Pomerand, Symphonie K, 1946 ; Isidore Isou, la Guerre, 1947) pour laquelle ils utilisent les lettres en guise de notes. En 1949, Isidore Isou publie la Mécanique des femmes, ouvrage érotique, censuré et pour lequel il est condamné à une peine de prison. Alors que le Lettrisme s'enrichit de nouvelles figures et multiplie les scandales, il se penche avec Maurice Lemaître (de son vrai nom Moïse Bismuth, 1926- ) sur des concepts révolutionnaires. Il publie alors le premier tome de son Traité d'économie nucléaire. Soulèvement de la jeunesse (1949 -- les deux derniers tomes paraissent en 1971), dans lequel il présente un système économique prônant la libération des forces révolutionnaires de la jeunesse grâce à sa « créativité pure « (ce texte est en certains points précurseur des idées de Mai 68) . 5 L'AVANT-GARDISTE CONCEPTUEL En 1950, Isidore Isou publie son premier roman hypergraphique les Journaux des dieux (1950). L'Hypergraphie est l'ensemble des signes de la communication visuelle (« signes alphabétiques, lexiques et idéographiques, acquis ou possibles, existants ou inventés « selon la définition du site officiel du Lettrisme). Après avoir écrit un Manifeste du cinéma discrépant (prônant la « disjonction du son et de l'image « -- l'adjectif « discrépant « qualifiant « l'antisynchronisme total «), il présente en marge du Festival international du film de Cannes son premier film, Traité de bave et d'éternité (1951), oeuvre de quatre heures et demie, discrépante et « ciselante « (travail de la pellicule par grattage, peinture, etc.) qui obtient le soutien de Jean Cocteau et surtout le Prix d'avant-garde, créé pour l'occasion. Les futurs situationnistes, autour de Guy Debord (qui adhère au mouvement en 1951), reconnaissent dans la démarche d'Isidore Isou une volonté de dépassement de l'art, mais avec une volonté sécessionniste fondent de leur côté l'Internationale lettriste, pour illustrer le détournement, par la technique du collage, des messages et des images prôné par celui-ci. Isidore Isou multiplie les expériences et les domaines d'action. Il peint sa série « les Nombres « (1952), en 1953, il publie Fondements pour la transformation intégrale du Théâtre. Les années suivantes, il écrit des essais sur l'architecture, la philosophie (il parfait le concept qu'il a inventé dans la Créatique ou la Novatique), la psychanalyse, la théologie, la politique, la photographie, les sciences (physique, chimie, médecine), les mathématiques, etc. Chercheur, créateur et inventeur inlassable de concepts, il est notamment l'initiateur de l'Art infinitésimal (appelé également Art esthapériste ou Art imaginaire) en 1956, qui est « basé sur une particule virtuelle ou infinitésimale obtenue à l'aide de tout moyen formel ou extra-formel, visible ou invisible, et retenu, au-delà de son sens intrinsèque, pour autant qu'il permet d'imaginer un autre élément inexistant ou possible « (site officiel du Lettrisme). En 1959, il invente également la poético-musicale Aphonistique composée de particules silencieuses (« Le récitant ouvre et ferme la bouche, sans rien dire. «) Tandis qu'il fixe, en 1966 pour la première fois, les règles éthiques du Lettrisme (dans Règles), il invente la Kladologie, « Science représentant la première description profonde et complète de la culture qu'elle divise en domaines de l'art, de la science, de la philosophie, de la théologie et de la technique, dont elle précise leurs secteurs de recherche et de découverte « (site officiel du Lettrisme) qu'il théorise dans son Instruction aux professeurs sur la création et la Kladologie (1966). Créateur révolutionnaire, souvent incompris, Isidore Isou n'a cessé de bousculer l'art et la pensée depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Il est enfin reconnu au début du XXIe siècle comme une figure fondamentale de la littérature et de la pensée artistique. En 2003 est publiée la Créatique ou la Novatique (1941-1976) -- dont il avait déposé les 9 tomes à la Bibliothèque nationale dans les années 1970. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.