Ingénieur automaticien - Stage (Lettre de motivation)
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
Dans le texte de 1857, Baudelaire,
— met une virgule après « timide» (vers 7);
écrit «d'horribles araignées» (vers I 1 );
écrit d'abord (sur épreuves) : « Et poussent vers le ciel un long gémissement» (on voit bien l'effet d'une plus grande âpreté introduit par l'allitération en -r de « un affreux hurlement» à la place de « un long gémissement »);
écrit ainsi le début de la dernière strophe :
— Et d'anciens corbillards, sans tambours ni musique Défilent lentement dans mon âme; et l'EspoirPleurant comme un vaincu, l'Angoisse despotique Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.
»
Sur les épreuves de cette première version, on lit «— Et de grands corbillards...» Baudelaire, toujours sur les épreuves, met une virgule entre «et» et «l'Espoir» en demandant à son éditeur ce qu'il en pense.
On note à cette occasion le souci du détail de Baudelaire.
Notre étude suivie, lorsqu'elle s'arrêtera sur cette dernière strophe, montrera comment l'étude des variantespeut être intégrée au commentaire.
QU'EST-CE QUE LE SPLEEN ?
«Spleen» est un mot anglais apparu dans notre langue au XVIIIe siècle, et qui s'est répandu dans les textes littéraires au début du me.
Il a alors le sens général que lui donne le Petit Robert : «Mélancolie passagère, sans cau.se apparente, caractérisée par le dégoût de toute chose.»
Mais sous la plume de Baudelaire, le spleen prend une tout autre résonance.
Par son importance, d'abord : sept ouhuit poèmes lui sont consacrés, dont quatre portent le même titre « Spleen » (les pièces 75-76-77-78).
Par saplace surtout : le spleen est chanté à la fin de la première partie des Fleurs du Mal («Spleen et Idéal »), comme s'il en était l'aboutissement.
Baudelaire le décrit dès lors, non pas seulement comme l'opposé même de l'idéal, maiscomme une composante essentielle de son « mal de vivre », à laquelle il ne peut échapper.
L'objet du commentaire sera donc de montrer toute l'originalité du spleen baudelairien : non pas un simple ennuipassager ou une douce mélancolie, mais la nausée physique et morale, l'angoisse atroce, l'enfer de la conditionterrestre par opposition aux aspirations célestes de l'idéal.
On comprendra alors comment un poète, en se saisissantd'un mot commun, lui donne toute sa force, sa dimension nouvelle et définitive : le mot «spleen », enrichi de toutes les connotations que lui confère sa présence dans Les Fleurs du Mal, ne peut plus avoir le même sens après Baudelaire qu'avant lui.
MOUVEMENT DU TEXTE ET SIGNIFICATION DE SA STRUCTURE
Ce poème raconte une défaite acceptée.
Deux phrases seulement le composent ; la première, surtout, qui s'étendsur quatre strophes, nous surprend.
Par cette structure étudiée, Baudelaire peint l'ampleur de la crise qui l'ébranle,avant d'évoquer son abdication devant le mal.
Le mouvement du texte, qui mime le progrès du mal, est donc clair :
Les trois premières strophes, martelées par une vigoureuse anaphore (elles ont le même début, la mêmesyntaxe : «Quand [..] Et que ; Quand [..] Quand [..] Et que»), sur un ton ascendant, décrivent l'oppression croissante du spleen.
La quatrième strophe (où s'énonce enfin la proposition principale après la série des subordonnées) exprimel'ébranlement brutal engendré par cette oppression, sans qu'on sache s'il s'agit d'un sursaut volontaire contrele mal, ou d'une sorte de délire suprême, convulsif, avant l'abattement.
La dernière strophe enregistre l'échec, la chute de l'espoir, dans une atmosphère funèbre : c'est la résignationdéfinitive, l'abandon (complaisant ?) à l'angoisse.
Un poème est un tableau : avant de l'étudier en détail, il importe d'en percevoir à distance les grandes masses, leslignes de force.
Le mouvement que nous venons d'analyser n'est qu'un aspect du texte : l'autre ligne directrice estson intériorisation progressive.
Dès le début, on peut voir que la nature du spleen n'est pas seulement physique, liéeau spectacle extérieur : elle est aussi spirituelle, cérébrale.
Plus on avance dans le poème, plus on s'aperçoit que letableau de l'oppression, à partir d'éléments réalistes (le ciel/la terre/la pluie), se transforme en paysage intérieur (les araignées dans le cerveau, un cortège funèbre dans l'âme).
Cette remarque doit nous rendre soucieux de ne pas réduire l'état d'âme de Baudelaire à de la simple tristesse,même infinie, devant un univers déprimant.
Il faut voir au-delà, dans le paysage extérieur, des éléments choisis parl'auteur pour imager sa douleur interne.
Ce n'est pas « le ciel bas et lourd» qui crée le désespoir, mais plutôt l'âme du poète qui trouve dans ce « ciel bas et lourd» la figure de son oppression intérieure, le symbole physique de son.
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