Incipit - Diable au corps - Raymond Radiguet
Publié le 23/05/2014
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Etude d'un incipit - Le diable au corps - Radiguet Introduction Radiguet est un jeune auteur français considéré comme un écrivain de l'après-guerre. Après avoir sympathisé avec le courant dadaïste. Il s'inscrit dans le courant surréaliste où il publie quelques poèmes mais il va assez rapidement prendre attache avec un courant plus classique. Le diable au corps s'inscrit dans ce mouvement. On peut ici se demander comment Radiguet présente ce roman quelque peu subversif. Nous verrons dans un premier temps un début de roman classique évoquant des questions habituelles de l'incipit romanesque puis l'étude d'un plaidoyer sur son écriture et termineront par l'évocation d'un apologue immorale. I) Un début de roman très classique - Mvt du texte : plusieurs §, le 1er assez long plus 3 autres très courts => aspect fragmenté des réflexions du narrateur. - Il répond aux questions habituelles de l'incipit romanesque. Le narrateur est désigné dès le premier mot- « je »- comme personnage principal et le mot « homme » nous révèle qu'il s'agit d'un homme. La deuxième phrase informe sur l'époque-la guerre-en même temps que sur l'âge du personnage « douze ans » et le début du deuxième paragraphe indique le lieu, F? au bord de la Marne. Temps = imparfait / PS mais quelques particularité : nombreux présent de vérité générale : « La sensualité, qui naît avec nous » / « la cloche existe » => dimension universelle + emploi du futur « mes camarades garderont ». Récit certes rétrospectif? mais « à chaud », sans recul réel. - L'énonciation mérité toutefois d'être étudiée de plus près : - le narrateur apparaît dès la 1° ligne mais il n'est pas nommé (il ne le sera jamais) - ce « je » parcourt tout l'extrait. Il s'y superpose plusieurs « on » / « nous » qui représente « les très jeunes garçons » « mes camarades » qui avaient « douze ans » lors de la déclaration de la 1ère « guerre » mondiale => « je ne sis pas le seul ». Il s'oppose aux adultes « mes parents » / « âinés » mais également « aux autres » les « rêveurs ». - Pas de destinateur clairement identifié (2nde personne) mais forte présence du CL de la justice : « encourir bien des reproches » « condamnaient » => le lecteur est donc placé en situation de juge => condamnera-t-il lui aussi ? - Le héros apparaît comme un être exceptionnel, héros d'une époque elle-même hors du commun => hyperboles « période extraordinaire » / « qu'on n'éprouve jamais à cet âge ». II) Un plaidoyer - « Reproches » + deux questions rhétoriques « Est-ce ma faute si j'eus douze ans quelques mois avant la déclaration de la guerre ? » + emploi du subj. à valeur d'impératif « Que ceux déjà qui m'en veulent se représentent » =>le narrateur prend le lecteur à témoin pour justifier sa conduite. Au-delà de l'effet d'attente (qu'a-t-il fait ?) nous avons bien affaire à un plaidoyer. - Cette défense est construite sur trois arguments successifs : - ce n'est pas ma faute : « est-ce ma faute ? » - j'étais un enfant, : « c'est en enfant que je devais me conduire » - « Je ne suis pas le seul. » Défense ambiguë s'il en est : - d'abord parce que le lecteur ne sait rien des faits reprochés - ensuite parce que les arguments eux-mêmes se révèlent puérils. - enfin à cause d'un désir de choquer évident : « quatre ans de grandes vacances ». Là encore, récit rétrospectif mais le narrateur ne semble pas avoir mûri : il garde un regard d'enfant sur ses actions d'enfant alors qu'il est passé dans le clan des adultes. - Mais cette défense présente aussi des points très habiles : - c'est un « enfant » qui a agi et on pardonne facilement aux enfants (ne pas oublier ce que l'on reproche au narrateur !!!!! Peut-on vraiment parler d'acte commis par un enfant ?) - l'argument de la guerre touche => moment exceptionnel, terrible? et décidé par les adultes. - le fait de ne rien révéler permet à la fois de maintenir suspense et indulgence. III) Un apologue immoral - nous l'avons vu, l'aspect provocateur du texte est évident => comparer la guerre à « quatre ans de grandes vacances » a de quoi faire bondir tout ancien combattant (un million de morts !) En même temps, cette expression ancre le récit dans le réel (c'est un enfant qui parle : son univers n'est pas celui des adultes). - les 2 derniers §, très courts, sont consacrés à une métaphore filée qui surprend (quel rapport entre la guerre et une cloche à fromage ???) => le lecteur doit donc en reconstruire le sens.* - Qui dit métaphore, dit comparaison : Le narrateur (et ceux qui ont agi comme lui) Le chat Ils ont mangé le « fromage » Les parents / les adultes Les « maîtres » du chat Ils se sont coupés avec les débris de la cloche La cloche La France pendant la guerre Les valeurs traditionnelles de la société ont volé en éclats - Présence d'un chat, d'un maître trompé, d'un fromage => autant d'éléments propres à la fable (dont le destinataire est généralement un enfant). Le lecteur peut donc reconstituer l'histoire : celle d'un chat qui, profitant du désordre créé par son maître, en profite pour voler le fromage (cf Le renard et le corbeau). Le maître ayant lui-même brisé la cloche (provoqué la guerre) et s'étant blessé à l'occasion. - Mais la morale attendue n'est pas au rendez-vous. La « sensualité » du jeune garçon, en fait un adolescent, aura fait accomplir au narrateur un forfait que la société ne pardonne pas. - Le registre tragique est donc présent dès l'incipit : présence d'un héros exceptionnel / de la mort / d'un destin aveugle « se manifeste encore aveugle » autant qu'inévitable. La souris manque à la fable esquissée par le narrateur : le lecteur est peut-être en droit de se demander si ce rôle ne lui pas réservé.
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