Illusion comique, Corneille - Acte III, 7 Le monologue de Matamore
Publié le 20/09/2010
Extrait du document
NB. Pour la situation du passage :
➢ Bizarrerie de la place (deux monologues à la suite, celui-ci après le monologue délibératif de Lyse)
➢ Effet de parenthèse de l’épisode Lyse / Clindor qui vient de s’achever : nous renouons ici avec le fil précédent, Géronte, père d’Isabelle a menacé Matamore de lâcher ses valets sur lui
➢ Personnage de Matamore, déjà connu du spectateur, donne une dimension comique à l’ensemble ;
Problématique / Fonctions de ce bref monologue
I. Un monologue en mouvement
1. Valeur d’intermède du monologue
* Début du monologue : le lien est renoué avec IV, 4 : menace du père d’Isabelle contre Matamore ( « Les voilà, sauvons-nous «. « Les « = « les diables de valets «
* Les deux derniers vers annoncent la suite : entrée en scène de Clindor et d’Isabelle à la scène 8
Un monologue qui a une place de transition dans la structure de l’acte.
2. Une mise en scène dynamique induite par le texte
Ce dynamisme structurel est renforcé par celui du texte lui-même, qui implique un jeu de scène dynamique de Matamore, même s’il est seul en scène : cf. les impératifs (Matamore se donne des ordres à lui-même, à la première personne du pluriel) « sauvons-nous «, « avançons «, « fuyons «, « coulons-nous «.
Idem pour l’alternative contradictoire « courir / ne pas courir . Le jeu rappelle celui de la farce ou la tradition de la Commedia dell’arte. Cf expression de la peur excessive, surjouée sans doute « Tout le corps me frissonne « « trembler «. Forte implication physique induite, comme en des didascalies internes, par le texte du monologue.
3. Au service de laquelle se trouve un personnage instable
• Un caractère excessif et contrasté
o Hyperbole : « de 2000 ans et + je ne tremblai si fort «
o Antithèses : « glacé « / « se déglace « ; courir / immobilité
o Oppositions hémistiches à hémistiches des 3 premiers vers
• Effets rythmiques
o Rythme haché, saccadé (à faire sentir à la lecture du passage) des alexandrins
o Nombreuses exclamtives
Ce rythme est celui de la peur
( Le risque de l’immobilité et du ralentissement de l’action qui menace tout monologue et qui est renforcé ici par la structure de lapièce, enchaînant bizarrement deux monologues (cf. pièce comme « monstre «, dans la préface) se trouve ainsi surmonté par ce parti-pris baroque de mouvement, à tous les niveaux.
II. Un moment burlesque qui permet cependant aux masques de tomber
1. Une lâcheté de Matamore encore plus visible pour le spectateur
Relevé des termes et expressions montrant la lâcheté du personnage.
Cette lâcheté le rend ridicule et provoque donc le rire.
Le masque que prend Matamore (cf. II, 2, par exemple) lorsqu’il est en présence d’autres personnagesse fissure plus aisément encore quand il est seul. Les spectateurs perçoivent encore davantage qu’ils ont affaire à un soldat fanfaron (personnage type de la comédie italienne).
2. Mais le personnage se leurre lui-même, ce qui contribue au comique de la scène
* Cf. les enchaînements sur le mode du faux raisonnement voire du sophisme qui soulignent la mauvaise foi du personnage à l’égard de lui-même. Ex.
« s’ils sortent je suis mort,
Car j’aime mieux mourir que leur donner bataille,
Et profaner mon bras contre cette canaille
Que le courage expose à d’étranges dangers «
* Ironie : « j’ai le pied pour le moins aussi bon que l’épée « or il n’arrive pas à courir, ce qui confirme son incompétence généralisée. Le fait de placer dans la bouche de ce personnage pareille phrase relève du clin d’œil de l’auteur à destination du spectateur : il joue de la double énonciation pour provoquer leur rire, sans que le personnage « marionnette « semble même se rendre compte du comique de ses propos.
3. Préparation d’une autre tombée des masques à la faveur du secret
Fin du monologue. Alors que dans le texte une partie plus importante encore du masque de guerrier courageux de Matamore vient de se fissurer, il prépare aussi une nouvelle tombée des masques : le moment où, caché, Matamore va se rendre compte qu’Isabelle et Clindor le trompent.
Ainsi toute cette scène, apparemment brève transition de peu d’importance, met-elle en jeu des motifs importants pour la pièce, notamment tout ce qui relève de l’obscurité et de la lumière (très baroque), de la difficulté à distinguer l’apparence et l’essence (idem). Cf. « Coulons-nous à la faveur des ombres de la nuit « > tout à fait symptomatique que ce soit dans l’indécision visuelle nocturne que se révèle Matamore (plus ou moins complètement) la réalité de sa situation.
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