...... (...) Il faut remonter haut pour trouver l'origine de mon supplice, il faut retourner à cette aurore de ma jeunesse (où) je me créai un fantôme de femme pour l'adorer.
Publié le 02/02/2013
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...... (...) Il faut remonter haut pour trouver l'origine de mon supplice, il faut retourner à cette aurore de ma jeunesse (où) je me créai un fantôme de femme pour l'adorer. Je m'épuisai avec cette créature imaginaire, puis vinrent les amours réels avec qui (je) m'atteignis jamais à cette félicité imaginaire dont la pensée était dans mon âme. J'ai su ce que c'était que de vivre pour une seule idée et avec une seule idée, de s'isoler dans un sentiment, de perdre vue de l'univers et de mettre son existence entière dans un sourire, dans un mot, dans (un) regard. Mais alors même une inquiétude insurmontable troublait mes délices. Je me disais : m'aimera-t-elle demain comme aujourd'hui ? Un mot qui n'était pas prononcé avec autant d'ardeur que la veille, un regard distrait, un sourire adressé à un autre que moi me faisait à l'instant désespérer de mon bonheur. J'en voyais la fin et m'en prenant à moi-même de mon ennui, je n'ai jamais eu l'envie de tuer mon rival ou la femme dont je voyais s'éteindre l'amour, mais toujours de me tuer moi-même, et je me croyais coupable, parce que je n'étais plus aimé. Repoussé dans le désert de ma vie, j'y rentrais avec toute la poésie de mon désespoir. Je cherchais pourquoi Dieu m'avait mis sur la terre et ne je pouvais le comprendre. Quelle petite place j'occupais ici-bas ! Quand tout mon sang se serait écoulé dans les solitudes où je m'enfonçais, combien aurait-il rougi de brins de bruyère ? Et mon âme, qu'était-elle ? une petite doubleur évanouie en se mêlant dans les vents. Et pourquoi tous ces mondes autour d'une si chétive créature, pourquoi voir tant de choses. J'errai sur le globe, changeant de place sans changer d'être, cherchant toujours et ne trouvant rien. Je vis passer devant moi de nouvelles enchanteresses ; les unes étaient trop belles pour moi et je n'aurais osé leur parler, les autres ne m'aimaient pas. Et pourtant mes jours s'écoulaient, et j'étais effrayé de leur vitesse, et je me disais : Dépêche-toi donc d'être heureux ! Encore un jour, et tu ne pourras plus être aimé. Le spectacle du bonheur des générations nouvelles qui s'élevaient autour de moi m'inspirait les transports de la plus noire jalousie ; si j'avais pu les anéantir, je l'aurais fait avec le plaisir de la vengeance et du désespoir. Chateaubriand Mémoires d'outre-tombe
« transports de la plus noire jalousie ; si j'avais pu les anéantir, je l'aurais fait avec le plaisir de la vengeance et du désespoir. Chateaubriand Mémoires d'outre-tombe. »
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