Horace Act 1 Scene 1
Publié le 17/06/2011
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THEATRE
CORNEIL, Horace ACT I Scene 1
RESUME: Sabine confie à Julie son angoisse secrète face au terrible malheur qui se prépare. Épouse du romain Horace, mais née dans une famille d’Albe où elle a trois frères, elle déplore la guerre entre les deux villes. Si Rome a pour destin de conquérir le monde, elle lutte aujourd’hui contre la ville même où est né son fondateur (V.1 à V.60). Julie s’étonne. C’est que jusqu’ici Sabine avait caché ses sentiments : dans la guerre se joue maintenant le sort d’une des villes et elle avoue son déchirement (V.61 à V.134).
UNE SCENE D’EXPOSITION PATHETIQUE :
Au début d’une pièce, l’auteur doit exposer les faits indispensables à la compréhension de l’intrigue et faire connaître les principaux personnages. Cette première scène remplit son rôle de scène d’exposition : on y apprend le conflit entre Albe et Rome (V.19) qui va déchirer deux familles unies par un mariage (V.98). Mais le spectateur oublie le caractère utilitaire de cette scène car il est plongé d’emblée dans la situation tragique par excellence : « Qu’un indifférent tue un indifférent cela ne touche guère [...] mais quand les choses arrivent entre des gens que la naissance ou l’affection attache aux intérêts l’un de l’autre […] c’est ce qui convient merveilleusement à la tragédie », citant Aristote, philosophe antique dont la Poétique est la référence majeure pour les théoriciens de l’époque.
D'autre part, cette situation est exposée par le personnage pour qui ce déchirement est le plus atroce : Sabine, romaine par son mariage et albaine par sa naissance, sera, quelle que soit l'issue de la guerre, « du parti qu'affligera le sort » (V.89 à V.94). Prise dans un dilemme pathétique, elle n'est plus dans la crainte mais déjà dans la déploration. Un contemporain de Corneille, l'abbé d'Aubignac, souligne dans son traité sur le théâtre la difficulté pour des acteurs peu expérimentés, qui ne sont pas encore échauffés, des débuts « en falaise » de Corneille qui feront l'admiration de Charles Péguy.
Cette scène, en outre, met en place une opposition fondamentale entre la « gloire », « la vertu » et d'autre part la « faiblesse », les soupirs et les larmes. Sabine et Camille, dans des situations comparables, réagissent tout différemment : la première « commande à ses pleurs » (V .13), « fais vanité [se fait gloire] d'être toute romaine » (V.72), a honte de son désespoir (V.132) ; la seconde se laisse aller à la douleur puis à la joie (V.95 à V.109).
UN ART DE L'ATTENTE ET DE LA SURPRISE
Dès les premiers vers, une attente est créée : Sabine parle d'un « grand malheur » avant que le spectateur ne sache de quoi il s'agit. Les réactions de la confidente mettent en scène les tirades de Sabine comme des révélations surprenantes. L'attitude de Camille n'est rapprochée de celle de Sabine que par l'antithèse (V.101 à V.104). Le renversement soudain de son affliction en joie constitue une nouvelle surprise, mais qui évite qu'elle ne soit qu'un pendant de la première : ce qui pouvait être prévisible (nouvelle déploration) apparaîtra comme un coup de théâtre. C’est donc non seulement dans l'action mais aussi dans les réactions des personnages qu'est mis en œuvre un art de l'attente et de la surprise qui organisera toute la tragédie : la machine est lancée.
JULIE : UN PERSONNAGE UTILE
Julie tient le rôle de la confidente, personnage commode dans une scene d'exposition. Elle livre les informations utiles (V.19 et V.20, V.61 à V68, V.95 à V.109). Elle permet aussi de faire entendre au spectateur un aveu que Sabine aurait honte de faire à quelqu'un d'autre. Le monologue, évité en début de pièce sera réservé à la délibération dramatique dans laquelle, Sabine sera confrontée à elle-même dans une solitude absolue. Moins banale est l'utilisation que fait Corneille de la confidente pour lier les deux premières scènes : on oublie que l'arrivée de Camille n'est pas justifiée et surtout les deux premières scènes s'organisent ainsi en un tableau à deux volets, un diptyque. La comparaison et l'opposition entre Sabine et Camille mises en place par Julie (V.95 à V.109) seront reprises au début de la scène 2.
Le personnage de Julie a peu de relief. Simple « dame romaine », elle n'appartient pas à la famille et ne connaît pas le déchirement tragique (V.23 et V.24). Elle se pose les questions que doit se poser le spectateur (V.123 à V.127). Utile dans le premier acte (mais déjà presque effacée dans la troisième scène), elle ne réapparaîtra qu'a l'acte III, comme messagère, et encore codera-t-elle sa place à un personnage masculin pour le récit héroïque du quatrième acte. Avec Flavian et Procule, elle fait partie des comparses, personnages accessoires et utilitaires. Ce n'est que dans la seconde moitié du siècle que les dramaturges essaieront de donner à ces derniers un véritable statut du personnage.
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