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Hannah Arendt : La crise de la culture, Qu’est-ce que l’autorité

Publié le 20/02/2016

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Hannah Arendt : La crise de la culture, Qu’est-ce que l’autorité

Dans qu’est-ce que l’autorité, Arendt s’intéresse à la crise de l’autorité en partant du postulat que l’autorité aurait disparu du monde moderne alors qu’il s’agit d’un concept fondamental des sciences politiques. Arendt parle de « crise » dans la mesure où on assisterait à un effondrement plus ou moins généralisé de toutes les autorités traditionnelles. Cette disparition de l’autorité est essentiellement conséquence d’une rupture de la « trinité » religion-tradition-autorité. Le cœur de la thèse d'Arendt est que cette crise de l'autorité est liée à la disparition d'une forme d'autorité bien spécifique, celle qui est liée au passé. Le danger est de confondre la disparition des traditions, résultat du développement de la modernité, et l'oubli du passé, c'est-à-dire l'oubli de ce qui permet à l'homme d'avoir une certaine profondeur : sa capacité à construire et à préserver un monde qui soit vivable pour les générations futures.

I : L’autorité a disparu dans le monde moderne. La cause est avant tout politique (le totalitarisme ne reconnaît plus l’autorité des gouvernements). En conséquence, l’autorité pré politique (adultes et enfants ; maîtres et élèves) a disparu.

Selon l’auteur, l'autorité est une forme d'obéissance qui ne requiert ni la persuasion, ni la contrainte. Si la persuasion présuppose une égalité mutuelle et se fait au moyen d'une argumentation, l'obéissance liée à la notion d'autorité opère selon un ordre hiérarchique, donc une inégalité et, sans argumentation. En outre, l'utilisation de la contrainte au moyen de la force s'oppose à l'autorité, puisque dans une situation d'autorité, la légitimité et la justesse de la hiérarchie est reconnu par tout un chacun.

La perte de l’autorité va de pair avec la disparition de la tradition et de la religion. La tradition est une façon de se rapporter au passé, un « aspect prédéterminé du passé ». Sa disparition peut permettre un regard nouveau sur le passé mais menace aussi la profondeur humaine qui ne peut être atteinte que par le souvenir. La religion est, elle, mit en doute depuis le XVIIème et XVIIIème (la croyance se distingue de la foi parce qu’elle est plus sujette au doute).

Régime autoritaire et re?gime tyrannique : le gouvernement autoritaire ne supprime pas la liberté mais la restreint, il reste toujours lie? par des lois et un code et ne s’abime pas dans l’arbitraire du tyran. Cela est notamment lie? a? la le?gitimite? du pouvoir autoritaire contre le pouvoir tyrannique qui doit s’imposer a? tous (notamment par la violence) pour pallier son illégitimité. A cela s’ajoute e?galement une diffe?rence structurelle lie?e au fait que le tyran soit seul contre tous (et en cela la tyrannie est une forme e?galitaire de gouvernement puisque le tyran ne fait plus partie de l’humanite? et se dresse contre l’humanite? tel un fauve) alors que le re?gime autoritaire est pyramidal et implique une diffusion progressive de l’autorite? au sein de la socie?te? afin de garantir sa stabilite?. Afin que cette analyse ne soit pas abstraite, il est possible de mentionner les exemples suivants : le re?gime autoritaire est incarne? par exemple par la Rome antique ou la monarchie franc?aise avant la Re?volution de 1789 alors que la tyrannie est bien illustre?e par certaines e?tapes politiques de l’Antiquite? grecque comme la tyrannie des Trente. La tyrannie est particulie?rement violente et cette violence est une ne?cessite? a? cause de l’ille?gitimite? du pouvoir parce que ce pouvoir n’est justement pas autorise?. En revanche, ce qui caracte?rise le re?gime autoritaire est une justification ou une autorisation soit par l’antiquite? de la fondation pour Rome soit par Dieu pour la monarchie absolue de droit divin franc?aise. L’autorite? du re?gime disparai?t quand ce qui venait justifier sa valeur est remis en question et n’est plus accepte? comme allant de soi.

– Re?gime autoritaire et re?gime totalitaire : penser un re?gime totalitaire comme simplement fonde? sur l’autorite? ine?branlable de son chef serait, selon Arendt, manquer tout simplement la spe?cificite? de ce re?gime. Par exemple, dire que le Fu?hrer posse?de l’autorite? politique absolue n’est pas suffisant pour qualifier le but et la manie?re de gouverner de ce dernier. Tout d’abord une diffe?rence dans la relation a? la liberte? s’impose car le re?gime autoritaire restreint la liberte? la? ou? le re?gime totalitaire est marque? par la radicalite? du mal c’est-a?-dire la suppression de la spontane?ite? de l’homme. Arendt insiste fre?quemment sur la ne?cessite? de ne pas galvauder le terme de totalitarisme qui a tendance a? e?tre utilise? a? tort et a? travers pour dévaloriser certaines actions politiques ou certains types de régimes. En réalite?, le totalitarisme est pour Arendt l’atroce nouveaute? du XXe siècle et ne correspond qu’a? certaines pe?riodes du nazisme et du communisme stalinien. La grande nouveaute? du totalitarisme serait moins la terreur que la place de l’ide?ologie. Cette dernie?re doit en effet être comprise comme la logique d’une ide?e (la se?lection naturelle et la supériorité de certaines races pour le nazisme et la lutte des classes et la fin de l’histoire pour le communisme) qui vient unifier et donner son sens a? toute la politique totalitaire. Forcer la re?alite? a? entrer dans le cadre de l’ide?ologie serait la fin de tout totalitarisme et tous les moyens sont bons pour parvenir a? cela (en ce sens, les valeurs morales traditionnelles ne peuvent s’opposer a? la logique de l’idée). Dans ces conditions, la re?alisation de l’ide?e implique une obéissance parfaite et celle-ci ne peut advenir que par la suppression de toute spontane?ite? chez l’homme. Cela est « la radicalite? du mal » car le totalitarisme pre?tend supprimer la liberte? fondamentale de l’homme qui correspond a? cette capacite? de prendre des de?cisions et des initiatives individuelles. Le processus d’extermination envisage? par les nazis seraient alors une vaste expe?rimentation de la suppression de la spontane?ite? visant a? aboutir a? un citoyen « parfait » qui n’est en re?alite? qu’un chien de Pavlov obe?issant au doigt et a? l’œil et donc incapable de de?sobe?ir car incapable d’agir spontane?ment. Il ne s’agit donc plus de restreindre la liberte? (comme dans un régime autoritaire classique) mais bien d’en extirper la racine pour faire de l’homme un animal parfaitement dresse?. A cela s’ajoute alors une différence de structure et de mode de fonctionnement du gouvernement. Si le syste?me autoritaire est pyramidal en diffusant depuis le haut une autorite? progressive, le syste?me totalitaire est vu par Arendt comme ayant une structure en « oignon ». Cette image insiste en re?alite? sur le fait qu’il y ait une succession de couches (depuis le fu?hrer jusqu’au peuple, en passant par les membres du parti, de la S.S., de la bureaucratie, des sympathisants, des jeunesses hitlériennes, des associations. . .) visant a? atténuer progressivement la radicalite? du mouvement afin de prote?ger chacun de la réalite?. Ce n’est pas une simple diffusion de l’autorite? tout au long de la chai?ne de pouvoir, c’est la fabrication d’une illusion atte?nuant progressivement la radicalite? de l’ide?ologie et de ces conse?quences les plus radicales. Chaque individu appartient alors a? une couche ide?ologique qu’il conside?re comme la normalite? et qui regarde comme radicale une autre couche qui sert de fac?ade au reste du mouvement. Ainsi, un sympathisant n’he?sitera pas a? regarder les membres de la S.S. comme des radicaux et le citoyen non engage? comme ayant une conscience politique trop molle. Chacun peut alors se sentir normal en se comparant a? un investissement plus radical dans l’ide?ologie. Ce faisant, l’idéologie ne se montre pas dans toute sa crudite? et peut e?tre beaucoup plus efficace en impliquant la participation,a? des niveaux diffe?rents, de toute la population et en empêchant la de?sobéissance me?me passive.

Les théories libérales confondent les régimes autoritaires et totalitaires. Toutefois les théories libérales et conservatrices ont leur part de vérité. La théorie libérale voit une disparition de la liberté là où le conservatisme voit une disparition de l’autorité. Le totalitarisme est le résultat final de cette régression.

La deuxième théorie qui remet en cause l’importance des distinctions est « la fonctionnalisation presque universelle de tous les concepts et de toutes les idées » c’est-à-dire, regrouper sous un même terme deux choses différentes parce qu’elles semblent remplir les mêmes fonctions (Communisme et religion), le même rapprochement peut-être fait pour autorité et violence ce qui ramène à l’identification entre totalitarisme et régime autoritaire. Danger : utiliser la violence en prétendant vouloir restaurer l’autorité.

II : Le concept d’autorité n’existait pas chez les grecs. Toutefois, 2 manières de se référer à l’autorité pour les philosophes grecques Platon et Aristote : un gouvernement absolu ou le tyran s’occupe de toutes les affaires publics, il détruit alors la polis et l’expérience de l’autorité au sein de la famille où le chef de famille règne en despote. Ni le despote ni le tyran ne peuvent être considéré comme libre car ils n‘évoluent pas parmi leur égaux. « L’autorité implique une obéissance dans laquelle les hommes gardent leur liberté » Platon pensait avoir trouvé cela avec les lois qu’il conçut. Mais ces lois furent interprétées comme despotique. L’empereur romain Caligula fut le premier à consentir de recevoir le nom de dominus qui a le même sens que le terme de despote chez les grecs.

Dans La République, Platon désire une utopie ou les philosophes gouvernent par la raison pour protéger les philosophes danger politique (tyrannie) et corruption de la raison par le pouvoir (« la possession du pouvoir corrompt inévitablement le libre jugement de la raison » Kant). Platon cherche un principe légitime pour contraindre une multitude et remporter l’adhésion. Il cherche notamment à contraindre par la raison. Il cherche un moyen de contrainte qui résiderait dans la relation elle-même (exemple du malade et du médecin, du maître et de l’esclave).

L’auteur montre les contradictions auxquelles est amené Platon lorsqu’il cherche une domination par la raison. En effet, celui-ci va détourner les idées (essences des choses, vérité) de leur fonction originelle (être l’essence des choses et être contempler pour cela par le philosophe en quête de vérité) pour devenir des normes, des instruments de mesure du « bien », du jugement moral et politique. C’est dans cet esprit que Platon redéfinit l’idée la plus haute : celle du beau ; par l’idée du bien dans La République. La raison peut alors dominer, soit par l’intermédiaire d’un philosophe-roi qui appliquerait cette idée du bien soit impersonnellement, en inscrivant cette idée du bien dans un texte de loi. Arendt affirme que c’est dans cette optique d’appliquer la vérité à la politique que Platon écrit l’allégorie de La Caverne. La philosophe va d’abord contempler la vérité, au-dehors puis, c’est seulement en redescendant dans la caverne, qu’il va appliquer ce qu’il a vu pour gouverner les habitants de la Caverne. C’est dans cette division entre la réflexion, le retrait pour contempler la vérité et le fait d’être pris dans les rapports humains, les affaires humaines que l’on peut voir une des origines de la pensée politique.

III : La séparation entre le retrait, la contemplation de la vérité et les affaires humaines est fréquent dans la philosophie politique grecque. L’auteur nous montre que la philosophie politique d’Aristote diffère de celle de Platon(bien qu’il adhère au concept cité ci-dessus). Pour lui, il n’y a pas de roi philosophe mais une domination naturelle des « vieux » sur les « jeunes ». Toutefois, cette domination relève plus d’une forme d’éducation et est donc éphémère et différente de la domination politique. Il n’y pas réellement de hiérarchie comme celle qu’implique l’autorité mais plus une relation éducateurs et éduqués.

Dans le chapitre II et III, l’auteur montre les limites de la philosophie politique grecque, en effet, le concept d’autorité chez Aristote comme chez Platon n’est pas basé « sur une expérience politique immédiate ». Ainsi, la définition du concept d’autorité fut basée sur des cas très spécifique. Une autorité du spécialiste/du savant sur le néophyte chez Platon et chez Aristote, une autorité naturelle : une domination des « vieux » sur les « jeunes ». Ces théories sont éloignées du domaine politique et, par conséquent, les auteurs doivent souvent en venir à des contradictions pour appliquer celle-ci dans le domaine politique : chez Platon, il y a une redéfinition de l’idée dominante (« Le beau ») par l’idée du bien et chez Aristote on constate que cette domination des « vieux » sur les « jeunes » relèvent davantage d’une autorité éphémère liée à une relation éducateur-éduqué.

IV : Ce sont les romains qui ont, les premiers, institué une autorité de la tradition, de l’ancien. Cette importance accordée à l’ancien se voit notamment au travers de la religion romaine. « Le mot auctoritas dérive du verbe augere, « augmenter », et ce que l’autorité, ou ceux qui commandent augmentent constamment : c’est la fondation ». Cette « augmentation » se retrouve non seulement dans l’autorité du Sénat qui peut « augmenter » et confirmer la volonté et les actions du peuple mais aussi dans la religion : par les auspices les dieux peuvent « augmenter » et approuver les décisions des hommes (« ils augmentent et confirment les actions humaines mais ne les commandent pas »).

L’auteur analyse les fondements de la pensée philosophique et politique occidentale : « De même que le caractère dérivé des idées à la politique [… est devenue] l’origine de la pensée politique occidentale, de même le caractère dérivé de l’autorité et de la tradition dans les choses de l’esprit ne les a pas empêchées de devenir les traits dominants de la pensée philosophique occidentale. ». Cette autorité de la tradition a été perpétuée avec le passage à la religion chrétienne qui, à l’image de la création de Rome par Romulus, a inscrit Jésus dans un processus historique, un fondement, qui fut transmis de génération en génération (« la trinité romaine de la religion, de l’autorité et de la tradition put être reprise par l’ère chrétienne »). Séparation du « pouvoir » politique et de « l’autorité » religieuse. La religion chrétienne à unit le concept politique romain d’autorité basé sur « le commencement » avec « la notion grecque de mesure et de règles transcendantes ».

Ainsi, dans le chapitre IV l’auteur analyse l’influence de la philosophie politique grecque et romaine sur la religion chrétienne.

V : L’auteur analyse la dimension politique du mythe platonicien des châtiments après la mort. Ce mythe de l’enfer était un moyen pour Platon de persuader les hommes de se conduire bien (« comme si ils connaissaient la vérité »). La religion chrétienne s’est emparée de ce mythe et l’a utilisée pour renforcer son autorité sur les croyants. L’autorité de la religion a toutefois été dégradée par ce changement car elle a inséré un élément de violence dans la pensée religieuse. La laïcisation de l’époque moderne a supprimé cette dimension politique de « la peur de l’enfer » dans la religion. Le risque de cette suppression est une perte de conscience, l’homme a moins de crainte à agir « mal » (tuer…) car il n’y a plus cette peur du châtiment dans l’au-delà. La disparition de cette crainte dans la société moderne est un des principaux changements par rapport aux siècles antérieurs. L’évidence des fins de ce concept (établir une domination du plus petit nombre sur la multitude) est ce qui l’a détruit.

VI : L’autorité des pères fondateurs, « l’expérience romaine de la fondation » a disparu de notre société moderne. « Les révolutions de l’époque moderne apparaissent comme des tentatives gigantesques pour réparer ces fondations » car elles ont pour but de créer de nouvelles fondations, qui pourront faire autorité dans l’état futur. Seule succès : la révolution américaine. Pourquoi ? Plusieurs réponses : Une absence de violence dans la révolution américaine ; l’image des pères fondateurs a échappé au développement européen de l’Etat-Nation ; formation précède la Déclaration d’Indépendance Pas besoin de fonder quelque chose de complètement nouveau.

« Les révolutions […] apparaissent […] comme des évènements où les actions des hommes sont encore inspirées et tirent leur plus grande vigueur des origines de cette tradition. »

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