Gorazde, l'échec de la communauté internationale
Publié le 22/02/2012
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heures, l'ONU exigeait toutefois un soutien aérien rapproché de l'OTAN, les chars serbes venant d'entrer dans la ville où sedéroulaient des combats de rue.
Plusieurs porte-parole de la FORPRONU à Sarajevo confirmeront aux journalistes ledéclenchement d'un nouveau raid aérien de l'OTAN contre les forces serbes à Gorazde.
L'un d'entre eux, le major Annink,expliquera ensuite en détail que les frappes n'ont pas pu avoir lieu parce que les observateurs militaires de l'ONU qui, depuisl'enclave, devaient guider les avions de l'OTAN, avaient été contraints de se mettre à l'abri " tellement la ville était bombardée ".Soucieuse de sa réputation, l'OTAN choisissait de démentir les informations de la FORPRONU à Sarajevo, et convainquait M.Akashi de faire de même.
Celui-ci n'hésitait pas, dimanche soir, à nier que des opérations de soutien aérien aient été menées au-dessus de Gorazde.
Dénonçant la débâcle de la communauté internationale, le président Izetbegovic a accusé M.
Akashi de s'être laissé manipulerpar le leader serbe bosniaque : " Karadzic a retenu Akashi tout au long de la journée à Pale pour l'empêcher de lancer des forcesaériennes pendant que ses troupes entraient dans Gorazde ", a déclaré dimanche soir M.
Izetbegovic, et d'ajouter : " Si Gorazdetombe, le devoir moral de Boutros-Ghali [secrétaire général des Nations Unies] sera de démissionner ".
Tout aussi outrés, les officiers de l'ONU déliaient leur langue; plusieurs d'entre eux ont fait remarquer dimanche à Sarajevo queM.
Akashi " n'aurait pas dû se rendre à Pale, les conditions de sa visite n'ayant pas été remplies ".
Alors que la situation allait ens'aggravant, M.
Akashi, qui depuis le début de la crise de Gorazde privilégie la négociation, avait accepté l'invitation faite samedipar M.
Karadzic de se rendre à Pale.
Le leader serbe avait conditionné sa proposition au retrait des avions de l'OTAN dans l'espace aérien de l'enclave de Gorazde.De son côté, M.
Akashi avait exigé que tout le personnel de l'ONU détenu en otage depuis les premières frappes contre lespositions serbes soit libéré dimanche avant le rendez-vous.
Alors que M.
Akashi prenait dans la matinée la route de Pale, aucun" casque bleu " n'avait encore été libéré.
Dix-neuf d'entre eux retrouveront toutefois leur liberté de mouvement dans l'après-midi.Mais lorsque M.
Akashi réitérera sa demande dimanche après l'annonce du " cessez-le-feu ", imposant comme délai lundi à 0heure, les Serbes continueront à faire la sourde oreille.
Comme un seul homme, les habitants de Sarajevo assiégée ont dénoncé" la capitulation de l'Occident " sans toutefois s'en étonner.
" Nous n'attendons plus rien depuis longtemps ", disait l'un d'eux.Emir, éditorialiste à Oslobodjenje, analysait quant à lui les conséquences de cette démission de la communauté internationale.Très inquiet pour les autres enclaves de Bosnie orientale, Zepa et Srebrenica, il estimait en revanche que Sarajevo seraitépargnée : " La stratégie des Serbes n'est pas de se retourner contre la capitale, car il y a ici bien trop de caméras ".
La paix recule à Sarajevo
Quoi qu'il en soit, l'offensive serbe contre Gorazde a porté un coup sévère au processus de paix, y compris à Sarajevo.
Lelieutenant-colonel Monfort, du 4 bataillon français chargé d'un des secteurs de Sarajevo, n'hésitait pas à dire samedi : " La paixrecule après une période d'euphorie où l'on croyait que l'on pouvait faire progresser rapidement les choses, le processus acommencé à piétiner et maintenant il est paralysé ".
Depuis quelques jours, la situation s'est tendue à Sarajevo, les quelques habitants qui avaient réintégré les appartements situéssur la ligne de front ont plié bagages après la réapparition, dans la semaine, des tireurs isolés.
L'étau se resserre une nouvelle fois autour de la capitale, et tous les acquis de la période d'après l'ultimatum de l'OTANs'effacent petit à petit.
Vendredi, la ligne de tramway a été interrompue une bonne partie de la journée après que quatre personnes eurent été blesséespar des tireurs isolés.
Les accrochages entre forces serbes et bosniaques se multiplient, les provocations se font de plus en plusnombreuses.
Les officiers français qui commandent certains secteurs de Sarajevo conviennent que la FORPRONU est désormaisun ennemi pour les deux parties.
" Quand on fait la guerre, on se donne les moyens de la gagner ", disent-ils en constatant avecregret que les frappes aériennes " ont non seulement bloqué la situation à Sarajevo mais n'ont rien réglé à Gorazde ".
La FORPRONU avait déjà définitivement perdu sa crédibilité samedi alors que l'OTAN renonçait aux frappes, officiellementen raison du mauvais temps : en fait, un Sea Harrier britannique venait de se faire abattre par les Serbes.
Le pilote, récupéré enterritoire sous contrôle bosniaque, s'en est tiré.
Les Serbes, ignorant dès lors les menaces de M.
Akashi, ont poursuivi leuravancée sur Gorazde.
FLORENCE HARTMANNLe Monde du 19 avril 1994.
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