Goncourt, frères - écrivain.
Publié le 28/04/2013
Extrait du document


«
Leurs romans et les textes de préface où ils exposent leur théorie littéraire placent les Goncourt au centre des préoccupations esthétiques de l’époque, même s’ils n’ont que peu de lecteurs.
Ce sont également eux qui fixent la technique de l’« écriture
artiste » (aussi appelée « décadente »), ce style, qui s’oppose à la rhétorique habituelle et tente de renouveler les formes littéraires, s’applique à sublimer les sensations les plus fugaces et les plus ténues à l’aide du mot rare, du néologisme, de
l’incorrection volontaire et de la syntaxe disloquée.
Ainsi ils usent avec délectation de phrases substantives ou de pluriels d’abstractions, « elle était enivrée d’illusions fanatiques, rêvait de sentimentalités fiévreuses ».
Selon les Goncourt, il n’y a pas « un patron de style unique, comme l’affirment les professeurs de l’éternel beau.
Le style exprime la personnalité.
Chacun a sa façon d’écrire parce que chacun a sa façon de sentir ».
Selon le critique Anatole Claveau
(1835-1914), les Goncourt se croyaient « propriétaires d’un style, parce qu’ils avaient inventé les yeux sourieurs, des sourires affriandeurs, élogier, allumement, bruyance, l’échevèlement des faunesses, l’enfoncement dans un livre, l’enragement
jaloux, le serpentement, le farfouillement, le penchement casseur des chapeaux , l’envolement empesé, le ramassement dodu, un mari flave, la merveillosité, la vastitude, la jolité … et des milliers de mots de ce genre dont on ferait un catalogue », mais
bien qu’ original, le style des deux frères « aligneurs d’épithètes » est considéré longtemps comme artificiel, voire prétentieux, ne convenant pas toujours aux milieux dépeints.
Émile Zola, chef de file du naturalisme et héritier littéraire des Goncourt,
est lui-même en désaccord avec ce style : « Il n’est pas besoin du vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois qu’on nous impose aujourd’hui sous le nom d’ écriture d’artiste, pour fixer toutes les nuances de la pensée […] Ayons moins de
noms, de verbes, et d’adjectifs au sens presque insaisissable, mais plus de phrases différentes, différemment construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorités, et de rythmes savants.
Efforçons-nous d’être des stylistes excellents plutôt que
des collectionneurs de termes rares.
»
6 LE JOURNAL
Le Journal des frères Goncourt reste leur œuvre la plus lue aujourd’hui.
Commencé en commun au lendemain du coup d’État du 2 décembre 1851, sous la plume de Jules (jusqu’en janvier 1870), ce journal est continué après la mort de son frère par
Edmond, qui publie de 1887 à 1896, en neuf volumes, les extraits les moins compromettants.
Cette œuvre maîtresse vise, pendant près de cinquante ans, à faire une « peinture de la vie vraie ».
Les frères tour à tour croquent, mettent à nu, raillent,
font une critique acerbe de leurs contemporains.
Frédéric Mistral est « bruyant et assourdissant », Auguste Rodin a des « côtés complètement bouchés ».
Célèbre pour sa malveillance et son acidité, le Journal reste un témoignage sans égal sur les
mœurs littéraires et artistiques du XIXe siècle.
L’académie Goncourt étant chargée, par testament, de le publier dans son intégralité, propose une version en 1835 délestée de certains passages jugés encore trop licencieux ou diffamatoires.
Ce n’est
qu’en 1956 qu’une édition complète révèle enfin la « vérité absolue ».
7 L’ACADÉMIE GONCOURT
Admirateurs des salons littéraires du XVIII e siècle, les deux frères tentent de reconstituer une « société littéraire ».
Après la mort de Jules, Edmond de Goncourt réunit chaque dimanche un petit cercle d’amis écrivains dans le « Grenier » de sa maison
d’Auteuil, et désigne les premiers membres de l’académie.
Son testament atteste « Je nomme pour exécuteur testamentaire mon ami Alphonse Daudet, à la charge pour lui de constituer dans l’année de mon décès, à perpétuité, une société littéraire
dont la fondation a été, tout le temps de notre vie d’hommes de lettres, la pensée de mon frère et la mienne, et qui a pour objet la création d’un prix de 5 000 francs destiné à un ouvrage d’imagination en prose paru dans l’année, d’une rente annuelle
de 6 000 francs au profit de chacun des membres de la société ».
Depuis l’académie porte son nom et décerne chaque année depuis 1903 un prix illustre au cours du « dîner de décembre » ( voir Goncourt, prix).
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